Fin de partie


findepartiedesamuelbeckettdansune.jpgC’est une des pièces cultes   du théâtre du XX ème siècle, et,  disait en 1978 son auteur avec son humour glacé, celle qui lui déplaisait le moins.
Elle a été créée en français en 1957 par le grand Roger Blin au Royal Court Theatre à Londres. On l’a souvent vue montée de bien des façons , pas facile à appréhender correctement; comme le disait encore Beckett, « elle dépend surtout de la capacité à crocheter,  elle est plus inhumaine que Godot ». (…) Tout est construit sur des analogies et des répétitions ».
Dans la mesure où elle consiste surtout dans  un dialogue entre Hamm, homme d’un âge certain, aveugle et paralysé,installé en permanence dans un fauteuil monté sur un petite estrade à roulette et  son domestique Clov  qui sa haïssent mais qui sont attaché viscéralement l’un à l’autre. Hamm lui dit qu’il ne peut pas le quitter et Clov répond sèchement: « je sais. Et tu ne peux pas me suivre ». Comme dans un vieux couple , Hamm a besoin de Clov en permanence, et Clov ne peut vivre sans lui. Et Clov reconnaît que Clov l’ a fait souffrir mais avec un seul mot: si. Hamm lui confie qu’il lui a servi de père mais l’on n’en saura jamais plus! Installés dans de grosses poubelles les parents de Hamm, Nell et Nag que l’on voit émerger de court moments.. Il y a dans cette pièce aux très hauts murs gris comportant à gauche comme à droite, à trois mètres de hauteur, une seule petite fenêtre  sans croisée avec  juste un rideau  , conformément aux didascalies très précises indiquées par Beckett.
Pas ou si peu d’action physique, et Clov est le seul à se déplacer , et encore pas très loin puisqu’il va et vient depuis une cuisine, et Ham quand Clov lui fait faire un petit tour. Pas d’espace que ce curieux endroit, sinistre et glauque, absolument fermé. Clov à la fin va s’habiller dans la cuisine , comme pour partir  ni de temps vraiment défini: on sait seulement que c’est bientôt la fin de quelque chose.
La pièce commence par cette phrase emblématique: « Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir, et cette déclinaison sur le temps et sur la fin reviendra comme un leit-motiv. Et grâce à la formidable mise en scène d’Alain Françon, on n’aura jamais aussi bien entendu le texte. Légèrement différent de celui que l’on entend d’habitude ,puisqu’il s’agit d’une version révisée par Beckett lui-même et publié chez Faber and Faber en 92. Un texte que l’on croit connaître comme celui de toutes les grandes pièces et dont on redécouvre le dialogue étonnant avec ses phrases sur lé déchéance physique « Je ne peux pas m’asseoir, je ne peux pas me tenir debout  » ou ses allusions au sexe: Mais voyons! Si elle se tenait coïte, nous serions tous baisés ».Ou cette citation de Baudelaire à l’ultime fin de la pièce: »Tu réclamais le soir; il descend: le voici. » Ou enfin ces fréquents jeux sur les mots comme: « Le matin,on vous stimule, le soir on vous stupéfie ».
Bien entendu, la mise en scène d’Alain Françon, est, aussi et surtout,  fondée sur une direction d’acteurs irréprochable avec des interprètes de très haut niveau. C’est Serge Merlin, tout drapé de noir, qui joue Hamm avec beaucoup de nuances, et Jean-Quentin Châtelain qui interprète Clov, courbé en deux, le crâne rasé, tout à fait impressionnant de vérité. Quant aux « géniteurs » , comme dit Beckett, ce sont Michel Robin et Isabelle Sadoyan, toujours aussi merveilleux. Bref , tous de grands  et très solides acteurs.
Des bémols?  Oui, quelques longueurs vers la fin, et  ce serait bien si Hamm et Clov criaient  un peu moins: c’est souvent une manie du théâtre contemporain…Et l’on se demande bien pourquoi Alain Françon  a obligé Jean-Quentin Châtelain à jouer tout le temps courbé et à marcher sans cesse: c’est fatiguant et ne set vraiment pas à grand chose.
Mais à part cela, quel régal devant ce grand moment de théâtre et ce feu d’artifice de langue française… La vision de l’humanité que nous donne à voir Beckett , quand il se livre à cet exorcisme de la disparition et de la mort , n’est certes pas des plus réjouissantes , mais que Beckett, dans son  immortalité se rassure, quand il disait en 1964: « Tirons autant de rires que possible de cet horrible fatras ».  Il peut être rassuré: on rit, même si l’on rit un peu jaune…
En tout cas, malgré les réserves indiquées plus haut, à voir sans hésiter.

Philippe du Vignal

Théâtre de la Madeleine jusqu’au 17 juillet. T: 01-42-65-07-09

 

 


Archive pour 18 mai, 2011

Fin de partie


findepartiedesamuelbeckettdansune.jpgC’est une des pièces cultes   du théâtre du XX ème siècle, et,  disait en 1978 son auteur avec son humour glacé, celle qui lui déplaisait le moins.
Elle a été créée en français en 1957 par le grand Roger Blin au Royal Court Theatre à Londres. On l’a souvent vue montée de bien des façons , pas facile à appréhender correctement; comme le disait encore Beckett, « elle dépend surtout de la capacité à crocheter,  elle est plus inhumaine que Godot ». (…) Tout est construit sur des analogies et des répétitions ».
Dans la mesure où elle consiste surtout dans  un dialogue entre Hamm, homme d’un âge certain, aveugle et paralysé,installé en permanence dans un fauteuil monté sur un petite estrade à roulette et  son domestique Clov  qui sa haïssent mais qui sont attaché viscéralement l’un à l’autre. Hamm lui dit qu’il ne peut pas le quitter et Clov répond sèchement: « je sais. Et tu ne peux pas me suivre ». Comme dans un vieux couple , Hamm a besoin de Clov en permanence, et Clov ne peut vivre sans lui. Et Clov reconnaît que Clov l’ a fait souffrir mais avec un seul mot: si. Hamm lui confie qu’il lui a servi de père mais l’on n’en saura jamais plus! Installés dans de grosses poubelles les parents de Hamm, Nell et Nag que l’on voit émerger de court moments.. Il y a dans cette pièce aux très hauts murs gris comportant à gauche comme à droite, à trois mètres de hauteur, une seule petite fenêtre  sans croisée avec  juste un rideau  , conformément aux didascalies très précises indiquées par Beckett.
Pas ou si peu d’action physique, et Clov est le seul à se déplacer , et encore pas très loin puisqu’il va et vient depuis une cuisine, et Ham quand Clov lui fait faire un petit tour. Pas d’espace que ce curieux endroit, sinistre et glauque, absolument fermé. Clov à la fin va s’habiller dans la cuisine , comme pour partir  ni de temps vraiment défini: on sait seulement que c’est bientôt la fin de quelque chose.
La pièce commence par cette phrase emblématique: « Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir, et cette déclinaison sur le temps et sur la fin reviendra comme un leit-motiv. Et grâce à la formidable mise en scène d’Alain Françon, on n’aura jamais aussi bien entendu le texte. Légèrement différent de celui que l’on entend d’habitude ,puisqu’il s’agit d’une version révisée par Beckett lui-même et publié chez Faber and Faber en 92. Un texte que l’on croit connaître comme celui de toutes les grandes pièces et dont on redécouvre le dialogue étonnant avec ses phrases sur lé déchéance physique « Je ne peux pas m’asseoir, je ne peux pas me tenir debout  » ou ses allusions au sexe: Mais voyons! Si elle se tenait coïte, nous serions tous baisés ».Ou cette citation de Baudelaire à l’ultime fin de la pièce: »Tu réclamais le soir; il descend: le voici. » Ou enfin ces fréquents jeux sur les mots comme: « Le matin,on vous stimule, le soir on vous stupéfie ».
Bien entendu, la mise en scène d’Alain Françon, est, aussi et surtout,  fondée sur une direction d’acteurs irréprochable avec des interprètes de très haut niveau. C’est Serge Merlin, tout drapé de noir, qui joue Hamm avec beaucoup de nuances, et Jean-Quentin Châtelain qui interprète Clov, courbé en deux, le crâne rasé, tout à fait impressionnant de vérité. Quant aux « géniteurs » , comme dit Beckett, ce sont Michel Robin et Isabelle Sadoyan, toujours aussi merveilleux. Bref , tous de grands  et très solides acteurs.
Des bémols?  Oui, quelques longueurs vers la fin, et  ce serait bien si Hamm et Clov criaient  un peu moins: c’est souvent une manie du théâtre contemporain…Et l’on se demande bien pourquoi Alain Françon  a obligé Jean-Quentin Châtelain à jouer tout le temps courbé et à marcher sans cesse: c’est fatiguant et ne set vraiment pas à grand chose.
Mais à part cela, quel régal devant ce grand moment de théâtre et ce feu d’artifice de langue française… La vision de l’humanité que nous donne à voir Beckett , quand il se livre à cet exorcisme de la disparition et de la mort , n’est certes pas des plus réjouissantes , mais que Beckett, dans son  immortalité se rassure, quand il disait en 1964: « Tirons autant de rires que possible de cet horrible fatras ».  Il peut être rassuré: on rit, même si l’on rit un peu jaune…
En tout cas, malgré les réserves indiquées plus haut, à voir sans hésiter.

Philippe du Vignal

Théâtre de la Madeleine jusqu’au 17 juillet. T: 01-42-65-07-09

 

 

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