Atys

Atys , livret de Jean-Baptiste Quinault, mise en scène de Jean-Marie Villégier ,chœur et orchestre des Arts Florissants, direction musicale de William Christie, avec les solistes du Jardin des Voix et les danseurs des Fêtes galantes.

letempsetflore.jpgJean-Marie Villégier remet en scène Atys , qu’il avait créé en 1987 . Pour William Christie, c’est le spectacle emblématique des Arts Florissants, considéré comme la pierre angulaire du mouvement baroque. Cette reprise n’ pas pu voir le jour que grâce à la générosité de Ronald Stanton, un mécène  qui avait été enthousiasmé  par cette création.
C’est une reprise éblouissante qui réunit les arts de la musique, du chant et de la danse sous les auspices bienfaisants de la poésie. Atys, surnommé  « l’opéra du Roy » et créé à Saint-Germain-en-Laye en 1676, est le premier  dont le librettiste ait centré son intrigue sur l’amour mais aussi la première tragédie française qui ait fait mourir son héros en scène. Cet Atys , inspiré d’Ovide, fraie avec les dieux et les hommes. Il est  épris de la gracieuse Sangaride qui le lui rend bien, mais qui doit épouser le roi Célénus.
Ils sont ,de ce fait, tous les deux, condamnés au secret. L’amour d’un roi comme celui d’une déesse ne se refuse pas. Les lois de la Cour sont cruelles et exigent l’exacte soumission du sujet à son souverain ou à sa souveraine. Mais la déesse Cybèle annonce qu’elle va désigner son grand-prêtre ; ce sera Atys qui sera à la fois le grand sacrificateur et son amant. Nous ne dirons rien de ces chassés-croisés de l’amour, de la rivalité des hommes et des femmes entre elles: il y a la place pour toutes les douleurs et tous les désenchantements du cœur, les jalousies et les rivalités qui blessent et qui meurtrissent. Le spectacle prend les couleurs d’un rêve et d’un songe enchanteurs qui s’épanouissent sous les yeux du spectateur subjugué par tant de prestance, ne serait-ce que par l’écoute du poème de Quinault.
Atys lui-même est la proie des songes et de cauchemars prémonitoires, soumis aux cadences alternées du rêve et du réel. Que dire de cet envoûtement du public, et de la mise en scène de Villégier,  au charme secret qui  touche et  qui  attire ? On pourrait parler de la beauté et de la finesse de la représentation. On pourrait aussi  citer Bossuet dans l’Oraison funèbre d’Anne de Gonzague qui fait allusion à «  toutes les grâces de cette douce éloquence qui s’insinuait dans les cœurs par des tours si nouveaux et si naturels ».
À travers la mise en scène de Villégier, subtile et précise, la chorégraphie de Béatrice Massin qui a pris la place d’origine de Francine Lancelot aujourd’hui disparue, on est ébloui par l’aisance de la démarche des danseurs et interprètes. Les  costumes de cour de Patrice Cauchetier, ont été refaits à l’identique
et restaurés, ou prêtés  par le Centre national du costume de scène de Moulins. Comme  les admirables  perruques de Daniel Blanc.
 L’éloquence et les voix  des chanteurs n’en finissent pas de subjuguer le spectateur presque étourdi par ce mirage visuel et auditif . Les décors de Carlo Tommasi, reconstruits pour l’occasion, sont somptueux : un jeu atemporel de la dualité noir et blanc. À la première scène, le chœur des chanteurs, est installé dans les cintres du théâtre, à hauteur des surélévations intérieures d’une boîte immense, dessinant le pourtour d’une frise géométriquement carrée – chaque chanteur portant perruque et tournant les pages de son livret dans les cimes célestes, comme si les statues qu’on croyait figées et inanimées, devenaient soudainement vivantes.
Le vertige est grand à surprendre les pas de danse des artistes interprètes et les cérémonies rituelles et mystiques du deuil. Bernard Richter incarne un Atys majestueux, de même Nicolas Rivenq pour Célénus. Stéphanie d’Oustrac est une belle Cybèle, comme l’est, Emmanuelle de Negri en Sangaride.   L’élégance et l’intensité du spectacle vient d’une présence immédiatement perceptible, quand  la musique se mêle aux arts plastiques,  comme si l’art en fait dépassait la nature  humaine de l’être pour la restituer au centuple ,au cours d’un voyage musical et scénique inouï dans les songes et les sentiments de toute vie.

Véronique Hotte

Les 31 mai, 1er et 3 juin 2011 au Théâtre de Caen. Les 16, 18 et 19 juin à l’Opéra National de Bordeaux. Les 14, 15 et 17 juillet à l’Opéra Royal de Versailles. Les 18, 20, 21, 23 et 24 septembre 2011 à la  Brooklyn Academy of Music de New-York.

 

 

 

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