Cela va être la troisième saison comme directeur du Théâtre de la Ville, que va entamer Emmanuel Demarcy-Motta. Christophe Girard, adjoint à la Culture de la Mairie de Paris a tenu à souligner l’exigence populaire et savante à à la fois de sa programmation. S’il a été récemment désigné à la tête du Festival d’Automne, c’est, a-t-il dit, et bien que les candidats étaient aussi de grande qualité, en raison de son travail important comme metteur en scène mais aussi de son esprit d’ouverture, de sa grande curiosité sans tabous ni préjugés, et de sa connaissance des autres arts comme le cirque ou la danse. Dans le respect du conseil d’administration qui comprend des représentants de l’État mais aussi de la Ville de Paris, et avec l’approbation du principal mécène Pierre Bergé. Emmanuel Demarcy-Motta a ensuite parlé des principaux axes de sa programmation qui est cette année comme les précédents particulièrement riche puisqu’elle comprendra 80 représentations en danse, théâtre et musique et qu’elle ira de septembre à juillet 2012!
Ce qui est en fait assez exceptionnel pour un grand théâtre parisien. Avec, comme axe majeur, « un mouvement qui déplace les lignes » pour reprendre les mots de Baudelaire qu’il a cités, et un décloisonnement des arts. Même si les mots-clés, pour plus de lisibilité auprès du public, resteront bien : Théâtre, danse musique. Ce qui a déjà été le cas depuis deux ans mais qui sera encore plus affirmé pendant la saison 2011-2012. Reste le problème épineux de la répartition des 260.000 places, à répartir entre la vente libre et les abonnements, équation toujours difficile à résoudre pour un directeur. Les abonnements offrent une marge de sécurité financière non négligeable mais aussi le risque, comme ce fut le cas par le passé pour les spectacles de Pina Bausch, de ne plus offrir de places à la vente directe. Ce qui n’était pas très élégant pour le public de passage, les étrangers et les provinciaux! Une première expérience avait été tentée cette saison avec Rêve d’automne de Jon Fosse où la durée de l’exploitation avait été augmentée et où 60% des 30.000 places avaient pu être mises en vente directe.
Emmanuel Demarcy-Motta a insisté aussi et à plusieurs reprises, sur le souci de réflexion qui animait toute son équipe sur le rapport avec le public qu’un théâtre de cette envergure devait avoir, notamment avec un « Parcours Enfance et Jeunesse », inventé avec d’autres théâtres partenaires comme le Centquatre, le Théâtre Monfort, La Gaieté lyrique, le Grand Parquet et le Théâtre de la Cité Internationale. Ce parcours concerne aussi bien des spectacles comme ceux de Melquiot, ou de James Thierrée que les marionnettes du Rajastan. » Nous avons eu aussi la volonté d’inviter des spectacles en langue étrangère, ce qui n’avait pas été fait depuis 85 ; ce que nous avons de nouveau pratiqué depuis deux ans, grâce aux liens que nous avons pu tisser avec des grands théâtres comme le Berliner Ensemble et Bob Wilson; et des artistes comme Guy Cassiers, Claus Peyman entre autres, a précisé aussi Emmanuel Demarcy-Motta.
Et, effectivement, quoi qu’il puisse se passer à l’Odéon, Paris se devait vraiment d’accueillir davantage de productions étrangères: c’est toujours un signe fort dans le spectacle contemporain et un gage de bonne santé pour les théâtres qui les reçoivent.. Défendre les maîtres du passé même quand ils ne sont plus là, comme Pina bausch, parait aussi une chose excellente: C’est bien aussi que soit accueillie la fameuse pièce Ein Stück de Pina Bausch en avril 2012. Trois ans presque après son décès brutal, ce sera un bel hommage et une occasion de monter son travail à ceux qui n’ont jamais pu le découvrir. Comme deux programmes consacrés à Merce Cunningham disparu presque en même temps qu’elle. Ce serait aussi dire publiquement que la constitution d’un répertoire contemporain, est à terme, incontournable. Après tout, pourquoi la Comédie-Française ne monterait-elle pas un jour La Classe morte de Tadeusz Kantor? ou Le Regard du sourd de Bob Wilson? Il y faudrait sans doute pas mal d’imagination mais pourquoi non?
On ne peut tout détailler de cette programmation mais seulement signaler les temps forts. Pour Marthaler, on verra bien mais on peut seulement espérer qu’il ne nous resservira pas une petite soupe comme celle du dernier Festival d’Avignon.. Mais il y a aussi et surtout la Lulu de Bob Wilson avec le Berliner qui ne manquera sûrement pas d’intérêt comme Cœur ténébreux d’après Conrad de Guy Cassiers, ou Simplement compliqué de Thomas Bernhard, mise en scène par Klaus Peyman. Et on retrouvera cette pièce formidable qu’est Victor ou les enfants au pouvoir de Roger Vitrac mise en scène par Emmanuel Demarcy-Motta.IL y a aura aussi une création de Big and small de Botho Strauss que l’on a moins joué ces dernières années par Luc Bondy avec Cate Blanchett et la Sydney Theater Company. Et c’est bien que le Théâtre de la Ville accueille La vie brève, mise en scène de Jeanne Candel ( voir le Théâtre du Blog) qui avait été salué comme un bel espoir l’an passé au Théâtre de la Cité universitaire.
Bref, une saison exemplaire, riche en théâtre comme en danse,: il y a aura ainsi 27 créations au total,avec l’ouverture à plusieurs jeunes compagnies, mais aussi un beau programmes en musiques du monde -dont une journée pakistanaise-dont le Théâtre de la Ville s’est fait une spécialité. Que demande le peuple?
Philippe du Vignal