Semianyki

Semianyki de et par  Olga Eliseeva, Alexandre Gisarov, Marina Makhaeva, Kasyan Ryvkin, Elena Sadkova, Yulia Sergeeva.

    teatrsemianyki.jpgOn avait vu souvent  autrefois la compagnie Licedei,  troupe comique de très haut niveau fondée en 68. Semianyki ( la famille) est issu en fait d’un spectacle d’une promotion de l’ école fondée par cette même troupe, il y a une dizaine d’années. Spectacle que Gérard Gélas avait accueilli  dans son Théâtre du Chêne noir en 2005, et qui, depuis, a parcouru le monde.
C’est une tranche de vie d’une famille aussi improbable que burlesque: il y a le père, ridicule, habillé comme un clodo et  qui ne boit pas que de l’eau, la mère énorme bibendum qui attend un enfant , leur fille aînée,  leur fils , la cadette et le bébé ; ils ont des cheveux ébouriffés roux ou blancs, ou des couettes qui bougent toutes seules, et affublés de grosses lunettes …
Quelques éléments scéniques, comme sur le côté jardin, un piano droit  qui laisse échapper , de temps à autre, des corps de poupée, un lustre en dentelle  déchirée, un téléphone noir d’autrefois avec un fil interminable,  un tricycle d’enfant muni d’un pupitre d’orchestre… Et ce sont des musiques de bandonéon  et  d’Amérique du Sud entre autres mais aussi les Gymnopédies d’Eric Satie, qui servent de toile de fond à tout un univers burlesque qui se met en marche. Buster Keaton comme les Marx Brothers,   ne sont jamais loin dans ce monde déjanté où l’on joue sans cesse avec l’attente du spectateur.Les gags se succèdent à grande vitesse mais  généralement en plusieurs temps. C’est d’une drôlerie savamment mise au point: il y a chez ces comédiens comme une sorte de mécanique implacable qui détermine la moindre de leurs actions ,gestes ou déplacements mais dont la vraisemblance n’est paradoxalement jamais exclue: comique de situation, comique de répétition surtout quand toute la famille  fait  le même mouvement loufoque, inversion des positions,interférence inattendue  dans une série de gestes, erreurs fatales et chutes  dûes à la distraction, événements inattendus comme ces canards prêts à cuire qui tombent des cintres par dizaines, et dont l’un va bizarrement remonter seul du sol au petit lustre de dentelle où il restera accroché: les comédiens dirigés par Boris Petrusshamskiy  connaissent tous les numéros du registre clownesque; et ils le font avec une si formidable précision et en même temps, ce qui n’est pas incompatible, avec une telle  générosité, qu’ils nous embarquent sans difficulté dans leur univers.
Bien entendu, le public, en particulier le enfants, est  immédiatement séduit, et  marche au quart de tour. Les personnages que le six comédiens ont créés, occupent donc en fait tout le plateau dans cette série de gags souvent connus mais revisités avec beaucoup d’intelligence et et d’invention. Et c’est tout leur corps comme leur visage qui est constamment en mouvement dans un délire sans paroles: le seul mot prononcé par la mère est: allo, quand elle intercepte un coup de téléphone… destiné à un spectateur qu’elle fait venir sur scène. Ce qui est le plus étonnant dans le spectacle est la précision gestuelle -collective ou individuelle-des numéros qui se succèdent sans aucun temps mort., et jusqu’à la fin que
l’on ne vous dévoilera pas.-qui n’est ni très neuve ni très écologique- mais qui ravit le public; public auquel ils lui font souvent appel dans une merveilleuse complicité.
Certes, on  ne rit pas sans cesse  pendant cette heure quarante (ce n’est pas un défaut et ce serait impossible) et le spectacle a peut-être un peu de mal à démarrer mais on est tout le temps ébloui  par ce ballet d’êtres ridicules et qui ont conscience de l’être, par cette maîtrise incroyable du corps fort peu répandue chez nous et  dont on ne se lasse pas. Les comédiens de Semianyki, formés à bonne école, sont vraiment de grands artistes. Allez-y  sans réticence ; vous ne le regretterez pas; ce n’est pas tous les jours que l’on rit dans le théâtre  contemporain… Après  le sinistre et interminable  Noli me tangere, cela fait du bien!

Philippe du Vignal

Théâtre du Rond-Point  à 20 h 30, jusqu’au 2 juillet.
6 juin 2011 Festival de théâtre de Tomblaine puis d’août à octobre 2011, tournée en Amérique latine et en  novembre 2011 reprise de la tournée en France


Archive pour mai, 2011

La Noce chez les petits bourgeois

 La Noce chez les petits bourgeois de Bertold Brecht, traduction de Magali Rigaill, mise en scène de Julie Deliquet.

lanoce0082sabinebouffelle.jpgLa Noce chez les petit bourgeois, on l’oublie souvent, a presque cent ans, puisque Brecht l’écrivit  en 1919, il avait alors juste vingt et un ans. Et ce n’est sûrement pas un hasard, cette  pièce en un acte, est souvent jouée par les jeunes compagnies. On peut y mettre beaucoup de choses, la situer à une époque ou une autre, lui adjoindre de la musique et des chansons, la  jouer réaliste ou plutôt poétique.
Bref, c’est une formidable auberge espagnole pour des comédiens réunis en collectif comme c’est le cas avec In Vitro. ou bien d’autres. Comme si la notion de collectif ressemblait peu ou prou à un rempart contre la solitude et le manque de contrats.
Charlotte Maurel, la scénographe, avec trois bouts de ficelle et demi, et du matériel de récupération, a réussi quand même à recréer un univers des années 74 ; soit au sol, un lino imitation de parquet à chevrons en chêne. Une  table en verre à roulettes avec  un électrophone 33 tours, un petit bar en tour avec bouteilles, un fauteuil  tournant de bureau bien affaissé, tous meubles dont personne ne vaudrait plus aujourd’hui, une armoire  pauvrette avec un papier à motifs des plus hideux, pur jus années 70 , et enfin deux tables disposées en T, avec une nappe bien laide et des serviettes à carreaux rouges.   Plus loin, sur le côté, il y a une banquette en plastique crème à vomir et des chaises tubulaires  avec une galette ronde en agglo recouvert de vinyl rouge foncé. Dans le genre laideur poussée à l’extrême, c’est plutôt bien vu.
Les costumes sont, eux, moins réussis et n’ont ni unité  ni vérité. Pas bien mais pas grave: on oublie, et on fait avec. Quand on entre dans la petite salle,  les invités de la noce sont déjà à table: tout le monde fume , parle fort et boit déjà pas mal; il y a là  toute la famille, Jacob et Maria,les deux jeunes mariés, le père qui se lance dans un discours  confus et a une forte tendance à parler opérations avec force détails pas très ragoûtants, et insiste lourdement sur le toucher rectal.. Déjà bien imbibé, il se lance dans une imitation de Giscard d’Estaing. On danse le boogie, mais très vite, le repas bascule dans l’ennui et l’agressivité, bref le cœur n’y est pas, ou plus tout à fait et  les  gens de la famille tous âges confondus, vont se révéler de plus en plus glauques.
En poussant la table pour pouvoir danser, un des invités casse le pied d’une table, et la banquette  va s’effondrer aussi. Et comme c’est Jacob, dont Maria est si fière ,qui se vante d’avoir lui-même réalisé les meubles, il n’apprécie pas du tout. Maria, elle, danse en se dénudant les seins et se laisse draguer sous l’œil indifférent de son mari. Bref, la soirée dérape de plus en plus, malgré les desserts apportés par la mère, et  on  continue à remplir les verres de vin rouge. Les couples commencent à s’injurier et une jeune femme , elle aussi bien imprégnée, révèle que Maria est enceinte.
Les invités,  qui n’ont rien à se dire,  vont  alors à fuir courageusement ce champ de ruines;  les deux jeunes mariés se retrouvent seuls,  et  font un triste bilan: pourquoi on s’est marié? Pourquoi t’as dansé avec cette dévergondée? Malgré tout, mi-pleurant mi-riant, ils  vont  s’embrasser goulûment – la vie même médiocre reprend le dessus – avant d’aller faire l’amour à moitié nus dans le fond de la scène… Comme pour exorciser cette soirée au triste  avant-goût de ce qu’ils vont aussi devenir dans une dizaine d’années: condamnés à vivre en commun une vie de bofs, aussi vulgaires que leur famille  venue  pour leur mariage,  rite obligatoire de passage pour  leur  entrée dans la société. Et l’on rit mais un peu jaune.
Presque cent ans après l’écriture de la pièce , remaniée en 29,  ce petit acte du jeune Brecht tient encore bien  la route. Sans doute grâce à la traduction précise de Magali Rigaill qui ne mâche pas les mots de Brecht  et tout d’un coup, ils retrouvent une verdeur et une vérité bien savoureuses. Grâce aussi et surtout à la qualité de la mise en scène, et à  la direction d’acteurs rigoureuse de Julie Deliquet: avec, en amont, sans doute  de nombreuses impros et un long  travail en commun: tous les comédiens-
pas de vedette et une réelle complicité- ont une formidable aisance sur scène, comme  s’ils  avaient toujours vécu là, et une belle unité de jeu .
C’est à la fois jubilatoire et  insolent. Aucune tricherie, aucune  criaillerie  mais  un ton et une gestuelle toujours justes; les personnages sont bien là, dans une grande proximité avec le public ,même si l’interprétation est parfois inégale. Il faudra que le spectacle se rode;  il est encore un peu brut de décoffrage et mieux vaut oublier les justifications théoriques un peu embrouillées de Julie Deliquet. Mais cette  réussite de travail collectif  qui, « mutatis mutandis, » comme dirait Giscard d’Estaing, rappelle (ne rougissez pas de plaisir Julie Deliquet) les tout débuts du Théâtre du Soleil avec Les Petit bourgeois ou La Cuisine… Si, si c’est vrai, et nous jurons devant Brecht que c’est vrai.
Reste à vendre ce spectacle, et il y a neuf comédiens, et, par les temps qui courent,  ce n’est pas gagné. Croisons les doigts pour eux; ils  le méritent.

Philippe du Vignal

La Noce ,traduction de Magali Rigaill est éditée chez l’Arche.

 Salle Panopée: 11 avenue Jézéquet à Vanves jusqu’au 7 mai; ce 7 mai, il y a, avant La Noce, une reprise du précédent spectacle d’ In Vitro: Derniers remords avant l’oubli de Jan-Luc Lagarce:  encore un histoire de famille…

La nouvelle saison de l’Odéon par Olivier Py.

La nouvelle saison de l’Odéon par Olivier Py.

Pour les épisodes précédents et le résumé du feuilleton théâtro-politico-élyséen, voir Le Théâtre du Blog ( Les petits tours de prestidigitation de tonton Frédo). Pour l’heure, c’est l’encore maître de maison, Oliver Py qui officiait dans l’ancien foyer du Théâtre de l’Odéon pour sa conférence de presse annuelle.  Après quelques cocoricos  forts justifiés sur la saison passée, Olivier Py ne cache pas son émotion, et on le comprend:  » Je suis très triste, de polivierpy.jpgar le fait du Prince,  de quitter cette maison, son architecture et surtout  l’équipe avec laquelle j’ai travaillé pendant quatre ans, soit un an et demi, pour faire démarrer les choses, deux ans et quelque pour atteindre le plein régime.Il me reste donc un an à être encore dans ces murs ».
« J’ai demandé au Ministre de la Culture de préserver les projets en cours dont celui de l’opération Villes en scène que j’avais mise en place. Cela a été particulièrement douloureux, dit-il- et on peut le croire quand on voit la façon dont F. Mitterrand  s’y est pris- cette annonce de non-reconduction. Ce n’est pas moi mais ce sont les idées, celle de promouvoir un théâtre de service public, mais aussi le fait  d’avoir des relations suivies avec l’Éducation nationale qui étaient à la base du travail que nous avons mené tous ensemble; mon équipe et moi ,nous  nous sommes battus  pour recréer ce  théâtre public que toute l’Europe nous envie mais qui  crée des devoirs : nous avons donc élargi le public en pratiquant  des prix abordables, et  en remplissant les salles sans tomber dans la démagogie mais cela  été remis en question par le Ministre; c’est toujours le public qui légitime l’action d’une équipe théâtrale et non l’audimat ,  et nous avons toujours considéré le spectateur comme un relais avec d’autres spectateurs éventuels.
C’est vrai , je suis triste de quitter l’Odéon mais  ma dernière saison dans ces murs, je veux l’accomplir avec enthousiasme dans trois directions essentielles à mes yeux: un projet européen dont  quatre spectacles allemands,  et une saison qui soit une sorte de miroir d’histoires d’amour. Olivier Py insistera bien,  et à plusieurs reprises, mais sans jamais citer le nom de son successeur potentiel Luc Bondy sur la dimension européenne de son travail en cours: Ivan van Hove avec un  Misanthrope en allemand surtitré, Castorf avec La Dame aux camélias avec des comédiens français, Ostermeier  avec son Mesure pour mesure, et  Cassiers avec une nouvelle pièce Sang et roses. Il y a aura aussi  la reprise de  Tramway de Warlikowski, tous déjà bien connus en France mais aussi le Belge Fabrice Murgia avec une pièce de lui Le Chagrin des ogres, et surtout  La Maison de la force de la grande Angelica Liddell qui avait été la révélation l’an passé du Festival d’Avignon ( voir encore Le Théâtre du Blog). et l’Estonien Tiit Opsaoo: autrement dit, suivez mon regard, puisque c’est ce manque soi-disant de » dimension européenne »,  que le Ministre, sans doute à court d’arguments,  avait  injustement reproché à Olivier Py.  Deuxième axe de cette prochaine saison: l’accession à l’Odéon de nombreux jeunes metteurs en scène qui se plaignent d’être laissés en marge des institutions.  Comme le disait joliment Vitez: « Le plus dur,  c’est de pénétrer dans la citadelle », et il était bien placé pour le dire!
Et, du côté français, on retrouvera Joël Pommerat avec Cercles/ Fictions , Ma chambre froide et Cendrillon: grands  moments de théâtre des saisons passées. Olivier Py créera Roméo et Juliette dont il veut montrer la dimension politique et Prométhée Enchaîné. Fiesbach reprendre sa Mademoiselle Julie qui va être créée au Festival d’Avignon, avec J. Binoche et Nicolas Bouchaud.
Beau programme à la fois exigeant sans être branchouille, et osons le mot ,populaire sans être vulgaire… Franchement, que pourrait demander le peuple? L’éviction d’Olivier Py qui se révèlait  déjà  être  un  beau gâchis, se confirme …  Le Ministre de la Culture qui  n’a décidément pas la main très heureuse en ce qui concerne les nominations, aurait pu en faire l’économie. Olivier Py  a aussi ajouté  que c’était pour lui l’occasion de dire qu’il nous appartenait à tous de demander aux candidats à la Présidence de mettre la culture au centre de leur programme. Là on veut bien, mais avec Marine Le Pen, la réponse, au moins, on la connaît déjà; quant au Président actuel, même s’il s’ s’agite en ce moment pour montrer qu’il possède quelques brins de culture, on peut être tout à fait sceptique sur ses intentions…
On souhaite en tout cas à Olivier Py, comme il le veut profondément, qu’il puisse poursuivre  au Festival d’Avignon, tout le travail  qu’il a réalisé à l’Odéon; encore faudrait-il, comme il l’a rappelé,  que le conseil d’administration du Théâtre de l’Odéon demande à celui du Festival d’Avignon d’entériner la proposition de tonton Frédo qui, de toute façon, ne sera plus ministre dans un an tout juste.
Décidément l’affaire est compliquée, quoiqu’en disent les services du Ministère de la Culture. D’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts de Paris comme d’Avignon.

Philippe du Vignal

Odéon-Théâtre de l’Europe,Paris le 2 mai.

LA FRICASSÉE À LA LUITOTE

LA FRICASSÉE À LA LUITOTE  spectacle de et par Nathalie Dauchez,


Nathalie Dauchez,  après la mort de sa mère Marcelle Barreau, s’est plongée dans son journal intime à la recherche de ses origines. Elle y a découvert son grand-père, homme digne et irascible dont elle raconte la disparition, sa grand-mère, femme de devoir un peu rude respectivement dénommés le père et la mère.
Elle entre en scène chapeautée, élégante, chaussée de bottines évoque avec pudeur la vie dure  de sa mère, la tendresse qui ne se s’avouait pas entre parents et enfants, sauf à travers cette “fricassée à la luitote” cuisinée par la grand-mère.
Elle joue avec un uniforme pour  incarner son grand-père, gardien d’on ne sait quel temple. C’est l’enfance d’une actrice qui n’a pu suivre jusqu’au bout son mari Philippe Dauchez, engagé dans la formation théâtrale en Afrique au Cameroun, puis au Mali dans la formation théâtrale (Voir Dauchez au pays des Jinés dans Cassandre 85 p. 26).
On reste saisi par la pudeur de cet hommage théâtral à une mère qui connut une carrière au cinéma comme au théâtre qu’elle a fréquenté jusqu’à la veille de sa mort. Cette Fricassée à la liutote, dont le titre reste énigmatique, mériterait de faire une carrière au-delà des trois représentations données au Passage vers les étoiles

Edith Rappoport

Passage vers les étoiles

QUI A PEUR DU LOUP?

QUI A PEUR DU LOUP? de Christophe Pellet , mise en scène de  Matthieu Roy. 

quiapeurduloup.jpg Dimitri, jeune garçon au seuil de l’adolescence, vit seul dans la maison de ses parents, dans un pays de l’Europe de l’Est où la guerre vient juste de se terminer. Sa mère, Mira, est partie pour la France pour trouver du travail, son père se bat encore de l’autre côté de la forêt habitée par les loups qui sépare la maison du reste du monde. Une voisine, Livia, amie de sa mère, s’occupe de lui, lui apporte à manger avant d’aller travailler, elle qui fait un travail de nuit. Flora, sa camarade d’école, qui dessine sur ses cahiers des animaux sauvages, veut lui faire une tête de renard, mais Dimitri se sent plus loup que renard. La nuit, il rêve à ceux qui sont loin, son père, sa mère, il les rejoint grâce à son skate, son complice dont les roues sont abimées. Un jour, Dimitri rejoindra les loups dans la forêt et se retrouvera face au fusil de son père.

Cette première pièce de Christophe Pellet pour la jeunesse, écrite à la demande de Matthieu Roy qui dirige la Compagnie du Veilleur à Poitiers , et a déjà mis en scène d’autres pièces de lui, fait se croiser habilement de nombreux thèmes, réalistes pour certains, – la solitude de l’enfant dont les parents tentent de survivre, la guerre, le corps qui change-, fantastiques pour d’autres, – la forêt protection et piège, le loup redouté et attirant, prédateur et victime, les objets aux pouvoirs magiques, l’animalité qui est en chacun de nous.
Ce texte d’une très grande richesse, Matthieu Roy, entouré d’une belle équipe, l’a mis en scène avec une intelligence et une exigence qui le font décoller du réalisme. Un travail sur le son qui décale les voix , une direction de jeu qui n’oublie pas le corps mais éloigne le pathos, tout concourt à suggérer plutôt qu’à illustrer la dimension fantastique du récit, à nous le rendre d’autant plus inquiétant.Romain Chailloux est un Dimitri têtu et lucide face aux deux figures féminines qui essaient de lui faire accepter les épreuves et les métamorphoses qui jalonnent la vie d’un jeune garçon.
La  découverte d’ une belle pièce pour la jeunesse, dans  une mise en scène qui nous la fait parvenir.

 

Françoise du Chaxel


L’Échangeur à Bagnolet. jusqu’au 6 Mai, 01 43 62 71 20.

(L’Arche Editeur)

FUTURE, NO FUTURE

FUTURE, NO FUTURE Compagnie; texte et mise en scène de Gilles Martin, vidéo d’Alain-Moïse Arbib


On avait pu découvrir Gilles Martin, il y a une douzaine d’années avec Rouge, noir et ignorant d’Edward Bond. L’histoire est simple: un équipage de dix jeunes adolescents nous accueille dans un aéronef sans pilote, sans issue, dont on peut seulement sortir par l’avant. Ils nous parlent du goût de l’avenir, du recyclage des cadavres pour nourrir les vivants ! Tout va bien, il n’y a pas de pilote à bord !
Trois comédiens professionnels interprètent les fortes séquences écologiques, économiques et sociales qui secouent notre monde. Une jeune femme, cadre dans une grande entreprise, vient d’apercevoir du taxi qui l’emmenait à son travail, sa mère perdue de vue depuis des années, fouillant dans une poubelle. Elle rejoint son chef de service qui lui fait goûter un mets qu’elle trouve excellent, c’est du cadavre qu’il souhaite commercialiser, elle s’y refuse, écœurée. Une autre admise à l’hôpital, a dépassé la date limite de sa grossesse, elle refuse qu’on provoque l’accouchement et se réfugie chez elle. Elle recueille la mère SDF transie de froid, lui offre un café, veut la chasser pour rester seule, puis lui demande de rester, saisie par les douleurs. …
Ces différentes séquences sont entrecoupées par une série de très courts portraits vidéos de jeunes et de moins jeunes qui témoignent sur notre monde. “L’inconnu est la seule issue, rien à conquérir, juste le goût de vivre à offrir !”. Malgré des longueurs (le spectacle gagnerait à être raccourci d’une demi-heure), Future, no future organise une belle rencontre poétique entre adolescents, citoyens et comédiens professionnels, enracinée dans le réel.

 

Edith Rappoport

 

Théâtre Dunois, jusqu’au 8 mai Tél 01 45 84 72 00

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Le Moche Le Chien, la nuit et le couteau

Le Moche, et Le Chien, la nuit et le couteau, dyptique de Marius von Mayenburg, mis en scène de Jacques Osinski.

     lemoche.jpgJacques Osinski met en scène un diptyque, deux pièces de Marius von Mayenburg, dramaturge et auteur associé à Thomas Ostermeier à la Schaubühne, bastion berlinois de la scène internationale. Mayenburg est un auteur plutôt « tendance », en prise directe avec le mal radical, la violence et la déshumanisation de nos sociétés repues, artificiellement gonflées et satisfaites, dans lesquelles les hommes sont à la fois individualisés à l’extrême, et paradoxalement  banalisés et standardisés tout autant. Être ou ne pas être, la question existentielle shakespearienne est d’actualité, toujours et encore. Le Moche fait état d’un homme dans une entreprise qui,  brillant concepteur et inventeur, n’en est pas moins rejeté et marginalisé parce qu’il serait trop laid. Il n’est pas beau en quelque sorte, une appréciation discutable en soi, surtout quand Jérôme Kircher joue le rôle, acteur séduisant et attachant qu’on aime retrouver .  Un collaborateur inférieur dans la hiérarchie est choisi à sa place, qui, du coup, doit être évalué comme superman – Alexandre Steiger qui le joue avec beaucoup d’humour. Heureusement, la chirurgie esthétique existe et c’est Frédéric Cherboeuf qui fait le magicien des corps – il interprète également le supérieur de Lette (Le Moche), qui a refusé la promotion personnelle de l’inventeur pour représenter l’entreprise et la « vendre » bien. Le sourire naît à la vue de ces jeux de rôle et de chaises musicales …Tout n’est qu’affaire d’apparence.   La femme de Lette (Delphine Cogniard) est adorable à souhait : «  Autrefois, avant de te rencontrer, je n’aurais jamais pensé qu’un jour, j’aurais un mari aussi moche, mais maintenant je ne le remarque plus … J’aime tout de toi, à part ça, j’aime par exemple ta façon de parler.» La même comédienne joue la directrice d’une grande entreprise, nymphomane et mythomane affublée d’un fils qu’elle castre symboliquement sans cesse.
Tous les personnages sont interchangeables, et chacun décide d’agir à la façon de Lette : se « refaire » un visage si bien que tous se ressemblent avec le temps… Mais où est l’âme, le souffle et la vie de l’être singulier et unique ? Une réflexion ludique en forme de comédie amère.
La mise en scène d’Osinski s’amuse des apparences et des situations dont elle révèle les clins d’œil et la critique acerbe. Les comédiens participent avec subtilité à ce jeu de cache-cache, avec sourires, rires, boutades et réparties, mouvements enjoués. Le plaisir du plateau – le théâtre qui se partage – se vérifie à chaque instant pour le spectateur ébloui.
Quant à la seconde pièce, Le Chien, la nuit et le couteau, elle est beaucoup plus sombre, une féerie noire, un conte fantastique cruel et kafkaïen. Un pauvre bougre , seul , se parle à lui-même dans les rues anonymes et perdues d’un mauvais rêve énigmatique, (Denis Lavant excellent et contrôlé). Il rencontre un homme (Frédéric Cherboeuf), suivi d’un chien qu’on ne voit pas. On devine que la faim rôde et l’homme au chien tient un couteau dont le promeneur se saisira avant de le retourner contre son propriétaire à la première agression, même s’il est lui-même touché : « Il ne voulait pas tuer… »
Cette situation va se décliner plusieurs fois dans la pièce, avec une femme et sa sœur que joue la même comédienne (Gretel Delattre) et d’autres figures étranges – une infirmière, un geôlier …- que le promeneur rencontrera, derrière des rideaux, à l’orée d’une porte et dans l’ombre et les ténèbres qui envahissent tout.
La direction d’acteurs  est encore excellente , mais la dramaturgie de ce second volet plus discutable est en effet simpliste, avec l’image macabre de l’agression au couteau qui se répète à l’infini. Les hommes sont des loups pour l’homme – on le savait -, et ce songe de Mayenburg, bien que travaillé, tourne un peu sur lui-même.

Véronique Hotte


Du 28 avril au 22 mai 2011 au Théâtre du Rond-Point.
Le Moche
à 18h30, et  le dimanche 15h30 et Le Chien, la nuit et le couteau à 21h, et le dimanche à 18h30.

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