Testimony, récitatif

Testimony, récitatif, de Charles Reznikoff (traduit de l’anglais par Jacques Roubaud), mise en scène de Henri jules Julien.

 

arton4352.jpgCharles Reznikoff est un poète américain du siècle dernier, figure majeure de l’Objectivisme poétique qui prône une poésie laissant toute la parole au réel. « La poésie présente l’objet afin de susciter la sensation. Elle doit être très précise sur l’objet et réticente sur l’émotion », nous dit-il. Testimony, recitative est ainsi un recueil de témoignages et de paroles judiciaires, extraits de procès que le poète a remaniés mais, dans la seule mise en forme, sans en altérer les mots.
Instantanément, Henri Jules Julien a entendu pour ce texte la voix de Vitya Ponomarev, accompagnée par le piano à queue de Sophie Agnel  où se triunet une mailloche, des boules de billard,etc..qui font vibrer les cordes d’une tonalité déchirante. En éliminant presque toute représentation, le metteur « sur » scène laisse l’acteur et la pianiste seuls, avec micro. Derrière la lecture, se dressent ainsi sous nos yeux toute une lignée de crimes ou de menaces, parfois trop elliptiques pour être clairement comprises. Les textes retrouvent leur oralité première, effleurée par le passage de l’artiste, l’air se charge de ces cruautés humaines et Sophie Agnel tire de son piano des sons insoupçonnés d’angoisse.
Pour autant, la présence vocale de Vitya Ponomarev est un peu étouffée par la violence du piano, parfois poussée trop loin, aux dépends de l’harmonie entre l’homme et l’instrument.
Un spectacle plutôt dur et prenant malgré tout.

 

Élise Blanc

 

 

Spectacle vu le 23 juin au Théâtre l’Échangeur.


Archive pour juin, 2011

Appartement-Atelier de Tadeuz Kantor à Cracovie


 

  tadeuszkantorboyonabike.jpgConformément au testament laissé par Tadeusz Kantor à sa mort  en  1990, la Cricothèque ,fondée en 1980,  a pour but de créer des « Archives vivantes » en jouant le rôle à la fois d’archives, de musée et de centre de recherche scientifique qui réunit les costumes et objets utilisés dans les spectacles du théâtre Cricot2 (qui constituent une exposition itinérante souvent présentée à l’étranger), ainsi que les écrits théoriques, dessins, vidéos, photos, revues et livres de et à propos de Kantor.
A Cracovie, au 7 rue Sienna, l’appartement-atelier ou l’artiste vécu les trois dernières années de sa vie de 1987 à 1990, est considéré par certains Polonais comme un lieu hanté par son esprit. Rien ne semble avoir bougé depuis sa disparition. Composé d’une chambre, à la fois bureau et atelier, d’une cuisine et d’une salle de bains. La fenêtre de la chambre donne sur l’église dominicaine de Cracovie, ce qui correspond au premier dessin que Kantor y réalisa.  Et le dernier date du 6 décembre 1990.
Scénographe puis metteur en scène et théoricien de l’art, Kantor avait été d’abord-et continuait à l’être-dessinateur et peintre. Une de ses toiles est placée sur un chevalet. Un grand lit fait face à son bureau, où est posé  un agenda de l’année 1990 écrit en français où il annotait quelques détails du quotidien, en particulier sa tension et ses pulsations. La veille de sa mort, le 8 décembre, il inscrit une simple croix rouge…A droite de son lit, une armoire contient l’ensemble de ses médicaments qu’il avait emballé chacun d’un papier craft noir.
Tadeusz Kantor était cardiaque, et est mort brusquement après une répétition. A côté de la porte, sont encore accrochés son chapeau et un gilet. A cet appartement, a été ajoutée, après sa mort ,une petite galerie où sont exposés les dessins préparatoires pour son dernier spectacle Aujourd’hui c’est mon anniversaire . La fondation Tadeusz Kantor est installée à cette même adresse, et dans un autre lieu, rue Kanonica, sont organisées expositions et conférences. Dans ces deux endroits, il est possible d’acheter d’anciens programmes, des DVD et des livres qui retracent son œuvre. En projet, pour 2013, un musée va être construit ainsi qu’un nouveau centre de documentation au sein d’un grand établissement culturel.
L’authentique lieu de vie de Kantor pendant quelques années peut être encore visible quelque temps, n’hésitez pas! Et partez pour la Pologne…

 

Jean Couturier
http://www.cricoteka.pl » www.cricoteka.pl

 

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Au Bonheur des hommes

Au Bonheur des hommes, cabaret  satirique et musical , textes de Jean-Marie Lecoq, musique de Clarisse  Catarino.

 

dsc00612.jpg Le spectacle est un peu la suite de la dernière création:  Adam, le sans-logis de la logique  dû aux mêmes auteur et compositeur. Ils sont six sur le le plateau: trois musiciennes  du groupe Djazelles: Clarisse Catarino, Eva Slango, Anne Gouraud-Shrestha qui enfilent les airs de tango, de jazz ou de musique tzigane…,   et trois comédiens-chanteurs Véronique Ataly, Christian Gaitch et Jean-Marie Lecoq. Cela tient à la fois d’un petit concert instrumental tout à fait réjouissant mais aussi du cabaret. Tout passe à la moulinette pour le plus grand plaisir du public: les discours politiques aussi vains que prétentieux, sur la délocalisation, la culture bio,la pollution,etc… et un jeu de télévision encore plus kitsch que ceux existant. La mise en scène de Jean-Marie Lecoq tient remarquablement la route, et comme les chanteurs/ comédiens et l’orchestre sont impeccables,  tous les six en parfaite osmose et semblent vraiment heureux de travailler ensemble, on ne boude pas son plaisir… Jean-Marie Lecoq tout de même bien ferait bien d’ éliminer quelques vulgarités ou facilités comme ce rappel usé jusqu’à la corde de l’histoire D.S.K. – avant son rebondissement spectaculaire -que l’on nous ressert sans arrêt, jusqu’ à la nausée, ou ces jeux de mots faciles sur le nom des politiques qui fait vraiment vieux cabaret des années 50.
Mais cette percée dans le quotidien de la France et plus généralement de l’humanité d’aujourd’hui, sur le mode du caf’conc d’autrefois,(on se sert d’airs connus pour faire naître des couplets satiriques) servi par une solide technique de jeu et de chant, même si elle n’est pas aussi dénonciatrice que Lecoq veut bien le croire, est souvent caustique,  et remet souvent les choses à leur juste place. Cela nous rappelle que la chanson dite   »française »  est décidément bien difficile à cataloguer. Ici, il y a  incontestablement un grand plaisir vocal à chanter en groupe une certaine poésie de la quotidienneté, et celle de la lutte  de ceux qui, pour survive, doivent affronter le monde des puissants: banquiers, administrations diverses, politiques de tout bord. Les chansons comme les textes de ce cabaret politique sont incisifs sans être violents: on est bien dans la tradition satirique des  chansonniers d’autrefois que l’on dénomme maintenant humoristes, ceux qui n’épargnent personne, et dont les flèches font parfois mal à ceux qui tiennent les rênes du pouvoir politique et/ou audio-visuel, et qui revendiquent la démocratie, à condition qu’on veuille bien les épargner quand  ce sont eux qui disent ou font d’énormes bêtises. Rappelons-nous la lamentable affaire Stéphane Guillon… dont Radio-France n’est pas sortie grandie, c’est le moins que l’on puisse dire. ..Alors à voir? Oui, trois fois oui, même s’il y a encore quelques baisses de rythme, on ne rit pas tous les jours dans le spectacle contemporain!
Et  cela fait du bien comme une bouffée d’air frais dans la canicule parisienne mais il vous faudra patienter, cela commence seulement en août…

 

Philippe du Vignal

 

Théâtre du Lucernaire  du 3 août jusqu’au 9 octobre à 21 h 30

http://www.dailymotion.com/video/xhzcu5

Petites leçons de danse pour un bal de circonstance

Petites leçons de danse pour un bal de circonstance ,  Alain Reynaud (accordéon), Chris Hayward (flûte), Philippe Euvrard (Contrebasse), Pierre Tiboum Guignon (batterie), Isabelle Quinette (hôtesse de bal).  Pour la clôture de Solstice, un bal, un vrai, sur une jolie place où l’on n’a pas honte de danser, même si on ne maîtrise pas la valse, le madison, ou le tcha-tcha-cha. Mademoiselle Quinetzkaïa empoigne les cavaliers et mène la danse sous les exhortations d’Alain Reynaud de la Compagnie des  Nouveaux Nez qui a appris le métier, dès l’adolescence à Bourg Saint-Andéol.
On n’a pas honte de se lancer dans le cercle , ni de courir dans des farandoles frénétiques où l’on pouvait danser aux côtés de Marc Jeancourt,  directeur du Théâtre Firmin Gémier et de Châtenay-Malabry. On voudrait vivre plus souvent de tels moments !

Edith Rappoport
www.circus- platform.com

Place Firmin Gémier, Solstice d’Antony

 

Altaïr think tank culture medias


Altaïr think tank culture medias Rencontres d’Avignon du 17 au 19 juillet.

Un groupe de travail, présidé par François Adibi, a mis au point trois journées de réflexion sur l’art et la culture  au Village du Off,  qui sont, dit-il , « des clés pour comprendre et agir sur ces bouleversements dans un mode qui s’élargit et où nos anciens repères vacillent. A moins d’une année des élections présidentielles, on constate un défaut de réflexion de fond dans les grands partis politiques sur les thèmes de la culture et des medias. De nouvelles voix, de nouvelles forces émergent: il est essentiel de réer du lien entre elles pour mieux peser sur l’opinion et les choix de société ».
  Il y aura donc trois jours les 17, 18, 19 juillet en Avignon, en partenariat avec le Festival Off, Mediapart, Les Inrockuptibles…. un certain nombre de tables rondes avec notamment:  Greg, Germain, Mohamed Kacimi, David Kessler, Noëlle Chatelet, Daniel Mesguich, Jean Digne, Laure Adler, Edwy Plenel.
Doivent être ainsi traités des  thèmes comme : Comment faire la paix avec son histoire coloniale?  La créativité de la jeunesse et des quartier, Les nouveaux medias Internet, relais et réseaux associatifs, Les bouleversements de l’économie de la culture et du numérique, La création et l’action culturelle comme leviers majeurs de la transformation sociale.

Village du off espace Pielgeltent, 1 rue des Écoles Avignon.
Entrée libre . Réservation conseillée.
Contact: resa@altair-thinktank.com

Mats Ek

ek.jpgMats Ek, Photos de Lesley Leslie-Spinks, textes de Margareta Sörenson.

Mats Ek, 68 ans, est le fils de Birgit Cullberg décédée en 99, qui créa le fameux Ballet Cullberg,  et de l’acteur Anders Ek disparu en 76, que l’on a pu voir dans plusieurs grands  films d’Ingmar Bergman (dont Le septième Sceau et Cris et chuchotements),  dont Mats Eks fut l’assistant quand il dirigea le Théâtre Royal à Stockholm; c’est aussi,  et surtout, un des chorégraphes européens importants, dont la compagnie est venue à plusieurs reprises à Paris, notamment au Théâtre de la Ville et à l’Opéra;  on connaît sa  façon bien à lui de revisiter les classiques comme Le Lac des cygnes, Le Sacre du Printemps, ou Carmen  ou Antigone qu’il adapta en ballet.
Mais il aussi mis en scène des pièces comme  Andromaque de Racine. et Le Songe de Strindberg.
C’est à une sorte de promenade à travers son œuvre chorégrahique et spectaculaire  que nous convie Lesley Leslie-Spinks, photographe canadienne qui vit en Suède depuis longtemps,  à travers un impeccable ensemble de photos en noir et blanc et  couleur,souvent en gros plan, et  sur fond noir. L’ ensemble est sévère mais d’une qualité graphique irréprochable, et permet d’avoir une très bonne proche de l’univers de Mats Ek qui a toujours privilégié  la qualité plastique de ses spectacles.
Et les textes de Margareta Sörenson, critique de théâtre et de danse à l’Express de Stockholm, retracent, avec intelligence et  beaucoup de sensibilité, l’itinéraire et la démarche du chorégraphe. Ils sont publiés à la fois en suédois et en anglais.
Le livre est complété  par un DVD de Old and door , une œuvre que Mats Ek avait écrit pour sa mère déjà âgée..

Philippe du Vignal

Editions Bokförlaget Max Strom
Kyrkslingan 11
Skepp sholmen
11149 Stockholm
www. maxsrtom
Telefon: 08 – 545 043 00Fax: 08 – 545 043 11
info@maxstrom.s

De beaux Lendemains

De beaux Lendemains de Russel Banks, mise en scène d’Emmanuel Meirieu

debeauxlendemainstheatrefichespectacleune.jpgGrâce à la sobre  présence successive sur le plateau et au micro de quatre grands comédiens – Catherine Hiégel, Carlo Brandt, Redjep Mitrovitsa et Judith Chemla – , c’est  un magnifique travail  d’Emmanuel Meirieu. De Beaux Lendemains est une mise en espace sonorisée dans un univers feutré de neige sourde avec voix d’enfants, bruits criards de tôle froissée et de catastrophe routière, plutôt qu’une mise en scène conceptualisée.Le 27 janvier 1990, dans l’hiver blanc de l’Est Américain, un car scolaire verse dans un ravin pour s’immobiliser dans la glace : un accident tragique pour quatorze enfants. Le roman de Russell Banks est de facture chorale avec ses quatre témoignages successifs en forme de monologue.
Ce sont les survivants qui parlent: la conductrice du bus et une adolescente blessées dans l’accident, un père meurtri par la mort de ses deux enfants et un avocat new-yorkais venu défendre les parents des victimes. Sur la scène,  trône solitairement un micro sur pied, dont l’un ou l’autre des intervenants se saisit parfois.
La conductrice d’abord, immense Catherine Hiégel, vêtue en travailleuse, raconte le parcours qu’elle fit ce jour-là, comme tous les autres jours auparavant : les rituels des habitudes, les arrêts devant telle ou telle habitation, sa connaissance de tous les enfants et de leurs parents, son amour aussi pour ces gamins qu’elle entend parler dans le bus, redevenue à son tour petite fille parmi eux. Elle ne comprend pas et ne comprendra jamais ce qui s’est passé ce matin-là : une petite tache sur la voie, un chien peut-être qui traverse indûment la route, rien n’est moins sûr.
Derrière le car scolaire, suit le camion de Billy, père des deux jumeaux et vétéran du Viet nam, veuf et amant d’une femme du village qui perdra également son petit garçon dans l’accident. Lui, non plus ne comprend pas, tendu par l’alcool, la colère et la culpabilité, orphelin des siens à cause d’une violence continue, fatale et incompréhensible dans les événements qui l’accablent.
Carlo Brandt joue et mime la douleur d’un homme, une souffrance à la fois profonde et à fleur de peau. Les mots peuvent-ils traduire toutes les sensations désespérées qui l’assaillent ? Seul, isolé, sans le moindre contact ou possibilité de partage avec les autres parents auxquels il ne s’assimile pas, voilà l’état récurrent et pathogène qui est le sien, tandis qu’il erre pour évacuer sa peine. Survient ensuite l’avocat élégant et vorace de New-York, venu pour obtenir des dédommagements substantiels à verser aux parents des victimes. Redjep Mitrovitsa est cet homme sensible et construit, intéressé et calculateur – un père blessé par la conduite de sa fille égarée dans la sphère de la drogue – qui tente, de façon trouble, de venir au secours de ces êtres démunis.
Il croit pouvoir tenir en la jeune fille survivante – handicapée, en fauteuil roulant – une alliée de premier plan. Il n’en sera rien, Nicole Burnell ne joue pas à ce jeu-là car d’autres problèmes la préoccupent : elle reste et restera désespérément celle qu’une vie indigne a façonnée malgré elle, bien avant la catastrophe physique. Judith Chemla est juste dans ses débats et le récit de sa propre histoire, à la fois lucide et émouvante. La petite chanteuse de rock du village est capable de pousser des airs intensément purs pour dire sa peine stridente.
Un spectacle rare et savant, populaire et universel, qui traite des tourments de l’âme, sur une composition musicale interprétée par Raphaël Chambouvet et avec,  à la guitare, l’interprète country Stéphane Balmino. Un vrai moment de théâtre.

 

 Véronique Hotte

 

Théâtre des Bouffes du Nord du 7 au 26 juin 2011

LA NEF DES FOUS

La Nef des fous,  par le Collectif K,  texte et mise en scène de Simon Falguières.

 


Ils sont quatorze à porter cette Nef des fous sur scène, quatorze jeunes acteurs qui racontent leur histoire. Au centre du plateau, il y a d’abord une bassine surplombée par une orange ronde comme le soleil, surplombant une coque de noix prête à chavirer. Une foule d’histoires sans lien apparent se succèdent, il y un paysan avec sa fourche prêt à éventrer ceux qui s’approchent de sa femme, un albatros qui tombe, des marionnettes bunraku, un préfet inquiétant…
Il est quelque peu difficile de rendre compte de cette succession anarchique et poétique de ces images portées avec énergie par  ces jeunes et beaux acteurs…Seulement peut-être l’absence de sens de notre monde…
C’est le deuxième spectacle de ce collectif K qui s’investit dans le cinéma, les expositions et le théâtre; ils publient aussi une élégante revue K#02 avec des photos et des textes sur leur démarche.


Edith Rappoport

Courriel : revueduk@gmail.com

 

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  Festival Premiers pas, Cartoucherie de Vincennes

Courteline en dentelles

Courteline en dentelles, courtes pièces de Georges Courteline, mise en scène de Jérôme Deschamps.

 

  0a3d90c88b9211e08aa3750233c946c8.jpgDe Gorges Courteline (1856-1929), on connaît généralement plus des pièces  comme Boubouroche, Le Commisaire est bon enfant, Le Train de 8 h 47 La Peur des coups ou Les Boulingrin,  où l’auteur  décrit sans aucune pitié, mais avec une certaine indulgence, les travers et les mesquineries de la vie de ses contemporains qui ne doutent de rien , et en tout cas jamais d’eux-même.
   Les autres petites pièces dont s’est emparé Jérôme Deschamps, avec son complice Michel Fau, sont aussi de la même veine. Ce sont  26, puis Le Gora, Ma femme est en voyage, Mentons bleus, La Maître de forges,  L’iIlustre Piegelé et enfin Gros chagrins.
  Sur le célèbre plateau nu cher à Peter Brook avec son mur de fond rouge, il n’y a aucun décor. Juste  une déclinaison à deux exemplaires: une petite table avec deux verres et une carafe d’eau, deux  formes à chapeaux avec  un bonnet blanc féminin, deux chaises au velours rouge provenant d’une loge de l’Opéra-Comique, et deux pupitres où est posé le texte des pièces, et bien sûr deux acteurs jouant de nombreux personnages.
  Ils sont là tous les deux debout, en smoking et chemise blanche, avec un ridicule petit nœud papillon. Ce n’est pas  vraiment une lecture mais une sorte de courtelinade au second, voire au troisième degré. Ce sont avant tout Jérôme Deschamps et Michel Fau qui se jouent la comédie, avec beaucoup d’humour et de savoir-faire dans la dénonciation de la bêtise.  Pas de mise en scène spectaculaire, puisqu’ils restent devant leur pupitre à peu près tout le temps. Ils n’ont aucun costume ni accessoire  si ce n’ est une peau d’ours, et ils se contentent de mettre leur bonnet de toile blanche quand ils jouent un personnage féminin.  C’est parfois énorme comme une farce de collégiens, mais l’on rit de bon cœur…
  Ces petites pièce écrites,  il y a déjà un siècle ou plus , n’ont pas toutes la même qualité mais 26, Le Gora , Gros chagrins, ou Mentons bleus, où Courteline met en scène deux vieux cabots qui s’insultent , sont  tout à fait  savoureuses et  ont déjà quelque chose de l’univers de  Ionesco. Il ne faudrait  sans doute pas que  cette mise en abyme dure trop longtemps, même si  les deux compères sont brillants et font feu de tout bois dans ce qui ressemble parfois un peu  à un exercice de style. Mais cette unique heure passe vite, et est, somme toute, assez réjouissante. Le public pas très jeune- dans une salle pas très pleine- la place est à 15 euros quand même- ne boude pas son plaisir.
  Cela fait-il quand même une soirée? Pas si sûr. Enfin,  c’est  à vous de voir…Cela aurait fait une excellente  première partie de De beaux lendemains qui suit  et dont rend compte Véronique Hotte. 

 

Philippe du Vignal

 

Théâtre des Bouffes du Nord à 19 heures. Jusqu’ au 25 juin.

 

 

Tchekhov côté jardins

Tchekhov,  côté jardins mise en scène de Rainer Sievert.

 

  tchekhov3.jpgC’est le sixième rendez-vous du théâtre en plein air du Centre dramatique de la Courneuve, « une bande de joyeux drilles ou un rassemblement de canailles… de racailles… de populace… ou plutôt une troupe… », comme le dit, citant avec humour Shakespeare et Flechter, Maria Gomez , la directrice de la compagnie.  Cela se passe donc à la Courneuve dans quatre endroits successifs ,dont le Jardin du dahlia en plein centre ville ,où nous l’avons vu.
C’est à dire comme  à la campagne. ou presque. Soit, pas très loin des immeubles de dix étages de l’autre côté de la rue, un endroit qui fait penser à l’univers de  Kusturica, ce que revendique le metteur en scène; c’est un grand jardin communautaire avec, sous un auvent, une petite cuisine/ restaurant tenue par d’adorables mamies , une DS hors d’âge soigneusement abritée, pas mal de ferrailles qui pourront éventuellement peut-être, et dans le meilleur des cas, servir un jour,  mais aussi  de grands parterres de dahlias, soigneusement cultivés, un beau cerisier, et plus loin, à côté d’un jardin potager avec ses pieds de tomates, ses haricots sur rame, une petite scène et une centaine de chaises. Le vent souffle, il ne faisait l’autre soir pas très chaud mais il y avait  des couvertures. Pour les trois célèbres petites pièces de Tchekov: La demande en mariage, L’Ours et Les Méfaits du tabac,  comme le dit Rainer Sievert:  le dénominateur commun est une demande: demande en mariage, demande de remboursement, demande de conférence. Le plateau est un salon petit bourgeois qui servira aux deux premières pièces,  mais l’on  peut voir aussi l’extérieur de la maison avec son lampadaire qui éclaire chaque visiteur. Les costumes sont quelque peu déjantés ( vieilles bottes de caoutchouc, joggings ou marcels, comme chez les Deschiens, et n’ont rien de ceux de paysans  de la fin du 19 ème siècle;  les accessoires font penser davantage aux années 50, comme ce vieil appareil à cassettes qui diffuse des airs russes.
La Demande en mariage,
que l’on a vue à toutes les sauces, n’est pas  la plus réussie des trois mises en scène. Maria Gomez n’a pas vraiment l’âge du rôle, et la pièce est jouée selon un mode farcesque qui ne lui convient pas. Cela  en effet n’a jamais été une farce mais une plongée dans l’univers  de petits bourgeois de la campagne russe pendant l’été,  qu’il faudrait jouer plus finement. Et les jeunes  spectateurs qui étaient là- dont l’un pianotait des sms- ont vite déserté. Dommage!
La mise en scène de L’Ours, en revanche, est en effet beaucoup plus crédible, et cette affaire d’argent entre un propriétaire et une  veuve qui risque de tourner au duel,  et finit par une histoire d’amour, supporte peut-être aussi davantage le plein air, un jeu plus en force et les assaut du vent. Quant aux Méfaits du tabac , cette vraie/ fausse conférence qui clôt la soirée , est aussi tout à fait juste.
Tchekov joué en plein air  est  une épreuve à risques  mais peut être aussi formidable, surtout quand on le joue avec une certaine insolence; quitte à paraître gâteux, on rappellera cette formidable aventure qu’aura été et qu’est toujours ce Vania à la campagne du Théâtre de  l’Unité,  joué un peu partout en France et en Europe avec quelque vingt comédiens,  dans un champ ou devant une demeure  bourgeoise , et qui doit maintenant friser les 80 représentations…
Ces trois petites pièces seront reprises en salle à la rentrée,  au Centre dramatique de la Courneuve.

 

Philippe du Vignal

 

Spectacle vu au Jardin du Dahlia; encore deux représentations:  aujourd’hui vendredi 24 juin à L’Ecole Robespierre, 44-46 rue Roger Salengro et samedi 25 juin à L’Ecole Joséphine Baker, 2-3 parvis Joséphine Baker à La Courneuve. Prix unique : 3 € (si, si, nous ne sommes pas dans le théâtre privé!)


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