Tchekhov, côté jardins mise en scène de Rainer Sievert.
C’est le sixième rendez-vous du théâtre en plein air du Centre dramatique de la Courneuve, « une bande de joyeux drilles ou un rassemblement de canailles… de racailles… de populace… ou plutôt une troupe… », comme le dit, citant avec humour Shakespeare et Flechter, Maria Gomez , la directrice de la compagnie. Cela se passe donc à la Courneuve dans quatre endroits successifs ,dont le Jardin du dahlia en plein centre ville ,où nous l’avons vu.
C’est à dire comme à la campagne. ou presque. Soit, pas très loin des immeubles de dix étages de l’autre côté de la rue, un endroit qui fait penser à l’univers de Kusturica, ce que revendique le metteur en scène; c’est un grand jardin communautaire avec, sous un auvent, une petite cuisine/ restaurant tenue par d’adorables mamies , une DS hors d’âge soigneusement abritée, pas mal de ferrailles qui pourront éventuellement peut-être, et dans le meilleur des cas, servir un jour, mais aussi de grands parterres de dahlias, soigneusement cultivés, un beau cerisier, et plus loin, à côté d’un jardin potager avec ses pieds de tomates, ses haricots sur rame, une petite scène et une centaine de chaises. Le vent souffle, il ne faisait l’autre soir pas très chaud mais il y avait des couvertures. Pour les trois célèbres petites pièces de Tchekov: La demande en mariage, L’Ours et Les Méfaits du tabac, comme le dit Rainer Sievert: le dénominateur commun est une demande: demande en mariage, demande de remboursement, demande de conférence. Le plateau est un salon petit bourgeois qui servira aux deux premières pièces, mais l’on peut voir aussi l’extérieur de la maison avec son lampadaire qui éclaire chaque visiteur. Les costumes sont quelque peu déjantés ( vieilles bottes de caoutchouc, joggings ou marcels, comme chez les Deschiens, et n’ont rien de ceux de paysans de la fin du 19 ème siècle; les accessoires font penser davantage aux années 50, comme ce vieil appareil à cassettes qui diffuse des airs russes.
La Demande en mariage, que l’on a vue à toutes les sauces, n’est pas la plus réussie des trois mises en scène. Maria Gomez n’a pas vraiment l’âge du rôle, et la pièce est jouée selon un mode farcesque qui ne lui convient pas. Cela en effet n’a jamais été une farce mais une plongée dans l’univers de petits bourgeois de la campagne russe pendant l’été, qu’il faudrait jouer plus finement. Et les jeunes spectateurs qui étaient là- dont l’un pianotait des sms- ont vite déserté. Dommage!
La mise en scène de L’Ours, en revanche, est en effet beaucoup plus crédible, et cette affaire d’argent entre un propriétaire et une veuve qui risque de tourner au duel, et finit par une histoire d’amour, supporte peut-être aussi davantage le plein air, un jeu plus en force et les assaut du vent. Quant aux Méfaits du tabac , cette vraie/ fausse conférence qui clôt la soirée , est aussi tout à fait juste.
Tchekov joué en plein air est une épreuve à risques mais peut être aussi formidable, surtout quand on le joue avec une certaine insolence; quitte à paraître gâteux, on rappellera cette formidable aventure qu’aura été et qu’est toujours ce Vania à la campagne du Théâtre de l’Unité, joué un peu partout en France et en Europe avec quelque vingt comédiens, dans un champ ou devant une demeure bourgeoise , et qui doit maintenant friser les 80 représentations…
Ces trois petites pièces seront reprises en salle à la rentrée, au Centre dramatique de la Courneuve.
Philippe du Vignal
Spectacle vu au Jardin du Dahlia; encore deux représentations: aujourd’hui vendredi 24 juin à L’Ecole Robespierre, 44-46 rue Roger Salengro et samedi 25 juin à L’Ecole Joséphine Baker, 2-3 parvis Joséphine Baker à La Courneuve. Prix unique : 3 € (si, si, nous ne sommes pas dans le théâtre privé!)