I am the wind (Je suis le vent)

I am the wind  (Je suis le vent) de Jon Fosse, texte traduit en anglais de Simon Stephens, surtitré en français, mise en scène de Patrice Chéreau. 

          che769reau2.jpgDans la grande salle du Théâtre de la Ville dont la jauge a été réduite, la scène s’avance au plus près du premier rang de spectateurs, comme pour le précédent spectacle  Rêves d’automne de l’écrivain  norvégien monté récemment ici même par Patrice Chéreau.
C’est une étendue de sable avec, au milieu  de l’eau, une sorte de radeau, un praticable plat monté sur un axe montant et descendant, avec deux vérins hydrauliques qui vont  reproduire le tangage et le roulis d’un  bateau. Dans le fond, un grand mur gris foncé avec un cadre où figure  une marche , comme un quai de port avec une bite d’amarrage. Le dispositif de Richard Peduzzi, collaborateur attitré de Chéreau depuis des décennies, simple mais impeccable d’intelligence et de vérité fonctionne à merveille et constitue une élément essentiel de ce spectacle créé en mai dernier au Young Vic Theatre de Londres.
Il y a deux hommes que Fosse nomme L’un et L’autre (on ne saura rien plus sur leur identité).  L’ Un prend
dans ses bras l’Autre, qui est torse nu, le pantalon ruisselant d’eau et le garde de longues minutes, sans dire un mot, , après lui avoir enfilé délicatement l’un des deux chandails qu’il porte sur lui, avant de le déposer tout aussi délicatement sur le sable. Il y a,  pour accompagner ce silence, une musique d’harmonica légère et un peu plaintive. On ne saura guère plus de l’étrange complicité qui semble les lier :  » Je ne voulais pas, je l’ai fait,  dit L’Un. Je suis parti avec le vent » . » J’ai besoin de silence et je veux que tout soit visible ». L’Autre répond à l’Un empêtré dans sa solitude et qui se sent « aussi lourd qu’une pierre ou comme un mur de béton qui se craquelle »: « Tu n’aimes pas les autres et tu ne t’aimes pas ».
L’Un  propose alors à l’Autre de de partir sur ce petit bateau avec lui pour aller  loin de la côte vers un une île « où rien ne pousse, où il n’y a que des rochers gris et nus ».   Mais l’Un, comme  enivré par cette aventure, emmène le bateau vers le large; l’Autre a terriblement peur, surtout pour l’Un qui se tient muet sur l’avant du bateau et  qui finira par disparaître dans les vagues .
La dernière phrase de l’Un, très belle,  est celle du titre:  » Maintenant je suis parti avec le vent. Je suis le vent ». C’est, comme toujours avec Chéreau, superbement mis en scène,  et il sait traduire, comme peu l’on fait avant lui sinon Claude Régy à qui l’on pense en voyant cette mise en scène, l’univers  de Jon Fosse; pas le moindre effet inutile, pas la moindre redondance mais un rigueur absolue, et la netteté indispensable à la traduction dans l’espace du poème dramatique de Jon Fosse, dans les belles lumières conçues par Dominique Bruguière.
Et il  a su choisir deux formidables acteurs: L’ Un, c’est Tom Brooke, grand et maigre,  avec un magnifique regard et une  grande solidité dans l’interprétation ; L’Autre, c’est Jack Laskey, qui a, comme Tom Brooke, une vérité et une présence fabuleuses sur le plateau. A la fois, dans la tempête comme  dans l’apaisement final de ce « voyage de deux vies entremêlées » comme l’écrit Chéreau.
Le texte de Jon Fosse est rempli de ces fulgurances poétiques qui rythment un dialogue, et qui lui donnent, par moments, un émotion palpable que l’on perçoit mieux en anglais évidemment. Jon Fosse a beau dire que « le langage n’est qu’une intime partie de ce qui est  » et  » si je parviens à bien écrire, je peux toujours exprimer ce qui ne peut être dit par des mots grâce aux silences, aux pauses , aux ruptures ».
Mais, malgré toute l’intelligence de la mise en scène de Patrice Chéreau, le texte reste fragile et, passées les vingt cinq premières minutes ,l’on parfois du mal à garder une attention permanente à ce qui se dit, surtout si l’on jette en même temps  un coup d’œil à la traduction simultanée. Même si le spectacle ne dure qu’une grande heure, le temps parait alors  parfois  long.
Alors à voir? Oui, malgré ces réserves, mais surtout si vous êtes un inconditionnel de Jon Fosse et/ou de Patrice Chéreau, oui, si vous voulez voir ces deux jeunes et grands acteurs,  mais soyons francs: on comprend très bien que Chéreau ait pu être attiré par ce texte de l’auteur norvégien mais on est quand même un peu déçu, surtout après Rêves d’automne qui est quand m^me d’une autre dimension…

 

Philippe du Vignal

 

Théâtre de la Ville jusqu’au 14 juin.

 

Texte publié à l’Arche Editeur.


Archive pour 8 juin, 2011

I am the wind (Je suis le vent)

I am the wind  (Je suis le vent) de Jon Fosse, texte traduit en anglais de Simon Stephens, surtitré en français, mise en scène de Patrice Chéreau. 

          che769reau2.jpgDans la grande salle du Théâtre de la Ville dont la jauge a été réduite, la scène s’avance au plus près du premier rang de spectateurs, comme pour le précédent spectacle  Rêves d’automne de l’écrivain  norvégien monté récemment ici même par Patrice Chéreau.
C’est une étendue de sable avec, au milieu  de l’eau, une sorte de radeau, un praticable plat monté sur un axe montant et descendant, avec deux vérins hydrauliques qui vont  reproduire le tangage et le roulis d’un  bateau. Dans le fond, un grand mur gris foncé avec un cadre où figure  une marche , comme un quai de port avec une bite d’amarrage. Le dispositif de Richard Peduzzi, collaborateur attitré de Chéreau depuis des décennies, simple mais impeccable d’intelligence et de vérité fonctionne à merveille et constitue une élément essentiel de ce spectacle créé en mai dernier au Young Vic Theatre de Londres.
Il y a deux hommes que Fosse nomme L’un et L’autre (on ne saura rien plus sur leur identité).  L’ Un prend
dans ses bras l’Autre, qui est torse nu, le pantalon ruisselant d’eau et le garde de longues minutes, sans dire un mot, , après lui avoir enfilé délicatement l’un des deux chandails qu’il porte sur lui, avant de le déposer tout aussi délicatement sur le sable. Il y a,  pour accompagner ce silence, une musique d’harmonica légère et un peu plaintive. On ne saura guère plus de l’étrange complicité qui semble les lier :  » Je ne voulais pas, je l’ai fait,  dit L’Un. Je suis parti avec le vent » . » J’ai besoin de silence et je veux que tout soit visible ». L’Autre répond à l’Un empêtré dans sa solitude et qui se sent « aussi lourd qu’une pierre ou comme un mur de béton qui se craquelle »: « Tu n’aimes pas les autres et tu ne t’aimes pas ».
L’Un  propose alors à l’Autre de de partir sur ce petit bateau avec lui pour aller  loin de la côte vers un une île « où rien ne pousse, où il n’y a que des rochers gris et nus ».   Mais l’Un, comme  enivré par cette aventure, emmène le bateau vers le large; l’Autre a terriblement peur, surtout pour l’Un qui se tient muet sur l’avant du bateau et  qui finira par disparaître dans les vagues .
La dernière phrase de l’Un, très belle,  est celle du titre:  » Maintenant je suis parti avec le vent. Je suis le vent ». C’est, comme toujours avec Chéreau, superbement mis en scène,  et il sait traduire, comme peu l’on fait avant lui sinon Claude Régy à qui l’on pense en voyant cette mise en scène, l’univers  de Jon Fosse; pas le moindre effet inutile, pas la moindre redondance mais un rigueur absolue, et la netteté indispensable à la traduction dans l’espace du poème dramatique de Jon Fosse, dans les belles lumières conçues par Dominique Bruguière.
Et il  a su choisir deux formidables acteurs: L’ Un, c’est Tom Brooke, grand et maigre,  avec un magnifique regard et une  grande solidité dans l’interprétation ; L’Autre, c’est Jack Laskey, qui a, comme Tom Brooke, une vérité et une présence fabuleuses sur le plateau. A la fois, dans la tempête comme  dans l’apaisement final de ce « voyage de deux vies entremêlées » comme l’écrit Chéreau.
Le texte de Jon Fosse est rempli de ces fulgurances poétiques qui rythment un dialogue, et qui lui donnent, par moments, un émotion palpable que l’on perçoit mieux en anglais évidemment. Jon Fosse a beau dire que « le langage n’est qu’une intime partie de ce qui est  » et  » si je parviens à bien écrire, je peux toujours exprimer ce qui ne peut être dit par des mots grâce aux silences, aux pauses , aux ruptures ».
Mais, malgré toute l’intelligence de la mise en scène de Patrice Chéreau, le texte reste fragile et, passées les vingt cinq premières minutes ,l’on parfois du mal à garder une attention permanente à ce qui se dit, surtout si l’on jette en même temps  un coup d’œil à la traduction simultanée. Même si le spectacle ne dure qu’une grande heure, le temps parait alors  parfois  long.
Alors à voir? Oui, malgré ces réserves, mais surtout si vous êtes un inconditionnel de Jon Fosse et/ou de Patrice Chéreau, oui, si vous voulez voir ces deux jeunes et grands acteurs,  mais soyons francs: on comprend très bien que Chéreau ait pu être attiré par ce texte de l’auteur norvégien mais on est quand même un peu déçu, surtout après Rêves d’automne qui est quand m^me d’une autre dimension…

 

Philippe du Vignal

 

Théâtre de la Ville jusqu’au 14 juin.

 

Texte publié à l’Arche Editeur.

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