Casimir et Caroline
Casimir et Caroline , pièce populaire d’Ödön von Horvath, mise en scène d’Hélène François et Emile Vandenameele.
C’est sans doute la plus célèbre pièce du grand dramaturge autrichien von Horvath écrasé par une branche de platane il y a très exactement 73 ans un soir de juin 38, lors d’une tempête sur les Champs-Elysées, alors qu’il errait en Europe, chassé par le nazisme..
Casimir et Caroline, cela se passe dans les années 30, à la fête de la Bière à Munich.Tout le monde, ouvriers, bourgeois et grands patrons, essaye de rire, en faisant des tours de manège, en buvant et en chantant au son des orchestres, mais le cœur n’y est sans doute pas tout à fait; personne n’est dupe et l’avenir est sombre: l’Allemagne connaît alors une grave récession et un chômage sans précédent; on connaît la suite… Emmanuel Demarcy-Motta avait monté cette pièce culte, il y a deux ans ( voir le Théâtre du Blog). Et elle avait été brillamment mise en scène par Jacques Nichet Cette fois, ce sont deux jeunes metteuses en scène qui s’en sont emparées. Elles avaient écrit et joué avec un certain bonheur Qu’est- ce qu’on va faire de toi? en 2009, une sorte de mise en abyme de la vie d’un restaurant ( voir le Théâtre du Blog).
L’argument est simple: Casimir et Caroline, un jeune couple est venu, comme tout le monde à cette fameuse Fête de la bière. Casimir aime Caroline. Caroline aime Casimir mais Casimir a perdu son emploi, et sait que, sans argent, on ne compte plus socialement; Caroline a beau lui assurer qu’elle continue à l’aimer, on la sent avide de plaisirs et d ‘une vie que seuls les riches peuvent lui procurer… Et elle ne tardera pas à se détacher de son amoureux. Le zeppelin, ballon dirigeable, dont ils sont fiers pour leur pays, (un peu comme quand le Concorde survolait les Champs-Elysées, coïncidence orvathienne) offre le symbole d’une vie rêvée et luxueuse à laquelle ils n’auront jamais accès. Et le couple finira par se séparer.
Reste à savoir comment monter aujourd’hui cette « volksstück » , pièce populaire selon les termes mêmes de l’auteur. Ödön von Horvath est on ne peut plus précis: « Il faut bien entendu jouer ces pièces de manière stylisée, le naturalisme et le réalisme les tuent. Ils en feraient des tableaux de genre, et non pas des tableaux qui montrent la lutte du conscient avec le subconscient. C’est cette lutte qui en ferait les frais. Respectez scrupuleusement les temps marqués dans les dialogues, c’est là que le conscient ou le subconscient sont en lutte, et c’est cela qu’il s’agit de rendre visible. » Oui, mais voilà, ce n’est pas si facile que cela, et les deux jeunes metteuses en scène ont fait de leur mieux, ce qui est souvent le pire ennemi du bien. Après quinze minutes de retard, ( comment Collette Nucci ,directrice du Théâtre 13 tolère-t-elle cela?), on est enfin admis à pénétrer dans la salle, accueilli par un serveur qui vous offre un verre de bière.
Sur la scène nue, il y a plein de ballons bleus et jaunes, trois sièges de toilette installés sur un praticable noir , et au fond, une trentaine de vieux pneus (???) et de la musique de bal populaire . On se dit alors que l’affaire parait bien mal engagée… En effet, les personnages semblent inexistants et Eurydice El-Etr débite ses répliques sans que l’on puisse y croire une seconde. Alban Aumard ( Casimir) n’est pas non plus bien crédible. Une demi-heure après le début, on nous demande de sortir et le spectacle continue devant le théâtre, mais, à part quelques bienheureux qui sont assis sur des bancs, le public ne voit ni n’entend grand chose. Erreur grossière qui continue à plomber le spectacle qui n’ avait pas besoin de cela!
Quinze minutes après environ, on rentre dans la salle: guirlandes d’ampoules de couleur au sol, fumigènes à gogo avec lumières rasantes rouges, une figure en orange et jaune du Casimir qui figurait sur les boîtes de lait des années 70, bref, rien ne nous est épargné… Le spectacle continue sans rythme aucun, à la va-comme-je te pousse. » Tout dans ce travail- dramaturgie, scénographie, costumes et lumières-tend à créer un espace de fête dans lequel le public est invité, voire attendu. Nous franchissons la ligne de démarcation entre acteur et spectateur dont parlait Bernard Dort. le dispositif scénique invite à prendre part à la fête, du moins à en donner l’illusion ». On veut bien ! Mais ce témoignage d’auto-satisafaction n’est guère convaincant…
Que Bernard Dort, notre cher et bon professeur- mort hélas trop tôt- qui vénérait Von Örvath et qui nous aura tant appris, continue à reposer en paix, mais ici on est vraiment loin du compte! C’est un travail à la dramaturgie et à la mise en scène bâclées, et il n’y pas grand chose à sauver de cette vaine entreprise, sinon les quelques scènes de beuverie entre le pdg et le président du tribunal bien jouées par Pierre-Louis Gallo et Jean- Louis Grinfeld. Mais cela ne suffit évidemment pas à compenser le reste qui n’est pas bien fameux!
Enfin, si cela vous tente quand même, cette malheureuse chose (comme dirait Jacques Livchine: un mois de prison avec sursis) est encore jouée ce soir ! Et sera reprise en septembre à Main d ‘œuvres à Saint- Ouen.
Prix Théâtre 13/ jeunes metteurs en scène. 20 et 21 juin à 20h 30.
Philippe du Vignal