Courteline en dentelles
Courteline en dentelles, courtes pièces de Georges Courteline, mise en scène de Jérôme Deschamps.
De Gorges Courteline (1856-1929), on connaît généralement plus des pièces comme Boubouroche, Le Commisaire est bon enfant, Le Train de 8 h 47, La Peur des coups ou Les Boulingrin, où l’auteur décrit sans aucune pitié, mais avec une certaine indulgence, les travers et les mesquineries de la vie de ses contemporains qui ne doutent de rien , et en tout cas jamais d’eux-même.
Les autres petites pièces dont s’est emparé Jérôme Deschamps, avec son complice Michel Fau, sont aussi de la même veine. Ce sont 26, puis Le Gora, Ma femme est en voyage, Mentons bleus, La Maître de forges, L’iIlustre Piegelé et enfin Gros chagrins.
Sur le célèbre plateau nu cher à Peter Brook avec son mur de fond rouge, il n’y a aucun décor. Juste une déclinaison à deux exemplaires: une petite table avec deux verres et une carafe d’eau, deux formes à chapeaux avec un bonnet blanc féminin, deux chaises au velours rouge provenant d’une loge de l’Opéra-Comique, et deux pupitres où est posé le texte des pièces, et bien sûr deux acteurs jouant de nombreux personnages.
Ils sont là tous les deux debout, en smoking et chemise blanche, avec un ridicule petit nœud papillon. Ce n’est pas vraiment une lecture mais une sorte de courtelinade au second, voire au troisième degré. Ce sont avant tout Jérôme Deschamps et Michel Fau qui se jouent la comédie, avec beaucoup d’humour et de savoir-faire dans la dénonciation de la bêtise. Pas de mise en scène spectaculaire, puisqu’ils restent devant leur pupitre à peu près tout le temps. Ils n’ont aucun costume ni accessoire si ce n’ est une peau d’ours, et ils se contentent de mettre leur bonnet de toile blanche quand ils jouent un personnage féminin. C’est parfois énorme comme une farce de collégiens, mais l’on rit de bon cœur…
Ces petites pièce écrites, il y a déjà un siècle ou plus , n’ont pas toutes la même qualité mais 26, Le Gora , Gros chagrins, ou Mentons bleus, où Courteline met en scène deux vieux cabots qui s’insultent , sont tout à fait savoureuses et ont déjà quelque chose de l’univers de Ionesco. Il ne faudrait sans doute pas que cette mise en abyme dure trop longtemps, même si les deux compères sont brillants et font feu de tout bois dans ce qui ressemble parfois un peu à un exercice de style. Mais cette unique heure passe vite, et est, somme toute, assez réjouissante. Le public pas très jeune- dans une salle pas très pleine- la place est à 15 euros quand même- ne boude pas son plaisir.
Cela fait-il quand même une soirée? Pas si sûr. Enfin, c’est à vous de voir…Cela aurait fait une excellente première partie de De beaux lendemains qui suit et dont rend compte Véronique Hotte.
Philippe du Vignal
Théâtre des Bouffes du Nord à 19 heures. Jusqu’ au 25 juin.