La Soupe et les nuages

La Soupe et les nuages et autres poèmes  d’après Le Spleen de Paris de Charles Baudelaire, mise en scène d’Ophélie Kern.

 C’est comme une sorte de promenade dans  ce Paris que le grand Baudelaire adora tellement, un Paris qui n’en aura jamais fini de séduire les poètes de toutes les époques, un Paris inévitablement associée aux rencontres amoureuses et érotiques.  Deux jeunes comédiens Yasmina Rémil et Jérôme Quintard, acteurs du TNP, accompagnés par la contrebasse de Raphaël Poly ont répondu à l’invitation des deux directeurs de la Vieille Grille qui les accueillent pour quelques soirs.
Le spectacle a été conçu à partir du Spleen  de Paris, recueil de poèmes en prose, qui ne fut publié qu’après la mort de Baudelaire; les deux comédiens se sont emparés de cette prose poétique, précise mais travaillée par une sorte de questionnement personnel,souvent voilé d’un un humour glacé  et surtout rempli de ce fameux spleen, de cette nostalgie d’un paradis perdu qui agit comme un poison aussi insupportable que délicieux.

  Yasmina Remil et Jérôme Quintard  ont tous les deux, une belle voix,  une diction irréprochable, une  sensibilité et un amour de Baudelaire  évidents, et sont formidables d’humilité mais aussi d’efficacité.  Et malgré une  chaleur extrême, on les écoute avec bonheur…
Même  si les conditions de représentation sont plutôt rudes, puisque l’ espace est exigu:  entre un piano à queue encombrant  qui ne sert pas pendant le spectacle et le violoncelle qui tient aussi de la place. Même si aussi la dramaturgie, la mise en scène sont bien médiocres: mieux vaut aussi oublier tout de suite les costumes, les petits rideaux et l’ombrelle rouge qui tiennent lieu de scénographie… Il n’y a pas vraiment de direction d’acteurs, et  les jeux de scène  quand les deux comédiens  se donnent parfois la réplique, ne sont pas crédibles un instant. On aurait  aimé aussi que les deux interventions soient mieux réparties, et que Yasmina Remil ait un peu plus de grain à moudre…

 Le spectacle un peu trop long, se bonifiera sans doute quand il sera repris, ce que l’on espère vraiment  pour Yasmina Remil et Jérôme Quintard.

Philippe du Vignal

Théâtre de la Vieille Grille 5 rue du Puits de l’Ermite 750005 Paris  à 21 heures jusqu’au 5 juillet. T: 01-47-07-22-11


Archive pour 1 juillet, 2011

Tango Libre,

Tango Libre, d’Isabel Juanpera et François Tusques

C’est ce qu’on appelle le spectacle vivant : dans Paris, il faut savoir écouter le bouche à oreille, suivre des sentiers peu battus pour découvrir des lieux où se joue du théâtre, de la musique… Au hasard d’une rencontre, nous voici donc au premier étage de l’Angora, quelques afficionados, un piano et une chanteuse-comédienne. À deux pas de la Bastille, Isabel Juanpera et François Tusques nous emmènent loin dans l’espace et dans le temps, vers le « vrai » Buenos Aires, celui de l’imaginaire du tango, de la vraie nostalgie, celle d’un monde qu’on n’a jamais connu. Nous sommes enveloppés par les histoires déchirantes d’homme abandonnés - eh oui, les « machos » peuvent souffrir – chantées avec une tendre compassion par une femme qui ne leur pardonne rien, mais les accompagne sans faiblir
Isabel Juanpera habite ses tangos de sa belle voix pleine et grave, poésie et émotion contenue, avec une pincée d’humour : ce sont des histoires simples… On y est. Le piano de François Tusques bouscule – parfois un peu fort pour la petite salle-, chaloupe, cascade : le jazz est sans aucun doute cousin du tango, blues et nostalgie, vitalité des musiques de pauvres.
Un moment à part, où l’on se retrouve entre amis, même si on ne connaissait pas avant.

Christine Friedel

 

Prochaine représentation le 8 juillet, 20h30, à l’Angora, 3 bd Richard Lenoir

La femme silencieuse

La femme silencieuse de Monique Esther Rotenberg, mise en scène Pascal Elso.

1934 : Stefan Zweig s’exile à Londres. Pourquoi s’inquiéter, disent ses amis ? Revenez, reviens, on peut vivre à Vienne, à Salzburg, peut-être mieux qu’  »avant », lui écrit même son épouse. Pourquoi abandonner ce pour quoi, avec quoi , on a toujours vécu, ses livres, ses objets choisis, ses amis, son monde ? L’écrivain pacifiste, européen, mondial, sait bien, lui qu’on ne peut pas vivre sous la domination nazie. Sans parler de son appartenance juive, secondaire pour lui, mais pas pour les nouveaux 2695259630.jpg de l’Autriche.
Ce qu’il emporte avec lui, c’est son désir d’écrire. Il travaille alors à sa biographie de Marie Stuart, deux fois reine, et morte sur l’échafaud, la biographie étant un excellent moyen de parler de son temps et de soi, à travers un personnage historique.
Monique Esther Rotenberg a placé son héros à ce moment de sa vie. L’écriture de la pièce est élégante, classique, respectueuse de son héros auquel elle emprunte quelques belles formules, qui ne sont pas les moins réussies. Mots d’auteur, pour le coup… Elle lui donne, au-delà de son humanisme, une belle humanité, faite de contradictions, de désirs. Les rôles sont tenus avec justesse, et la petite pointe d’humour ou d’émotion nécessaire, par Pierre-Armand Juin, Olivia Algazi, jeune secrétaire devenue ensuite la maîtresse, et Corine Jaber, l’épouse. Chacun à son tour est La femme silencieuse : écrivain réduit au silence par la censure, maîtresse condamnée à ne pas parler, épouse réduite à ne rien voir, ni du monde, ni de son couple.
C’est bien fait, mais … Le décor, à l’ancienne, en fausse perspective, les costumes, pourtant bien « d’époque », l’exiguïté du plateau ternissent la pièce. On admire l’intelligence, le bon travail, on attend d’être secoué, au moins atteint, par cette histoire. On respecte. On regrette que la dignité de ce travail devienne un défaut : défaut de vie, le « quatrième mur » est comme une vitre, qui nous sépare de ce propos pourtant fort et important pour aujourd’hui.

 Christine Friedel

 

Théâtre du Petit Hébertot, jusqu’au 10 juillet -T: 01 42 93 13 04

Wladimir Dimitrievic

Mort accidentelle de Vladimir Dimitrievic.

 

vladimirdimitrijevic3.jpgDans les environs de  Clamecy dans l’Yonne, près de son dépôt de livres, Vladimir Dimitrievic,  sans doute trop fatigué, seul à bord de sa camionnette, a  percuté un tracteur. Il avait 77 ans et avait fondé, à Lausanne, en 1966, avec une énergie exemplaire, la maison d’édition L’Âge d’homme , et sans lui, c’est toute la littérature et le théâtres de Russie et des pays de l’Est qui nous seraient restés longtemps mal connus , voire inconnus, notamment dans la collection Classiques slaves forte de quelque 500 titres.
Yougoslave d’origine, il quitta son pays en 54 pour la Suisse où il vécut de petits boulots, mais fut tout jeune possédé par le démon de la littérature; grand lecteur, il devint assez vite éditeur, dans des conditions financière  très dures; dans les années 70 , quand ils s’installa aussi à Paris , il dormait dans sa camionnette pour économiser une nuit d’hôtel puis plus tard dans le sous-sol de la rue Férou où il avait installé sa librairie et le siège de sa maison d’édition.. « Un groupe d’amis avait décidé de fonder une maison d’édition. En Suisse, à Lausanne et ouvert au monde. J’étais libraire alors et je cherchais dans les catalogues les livres que j’avais aimés dans mon adolescence belgradoise. Beaucoup y manquaient. Ces titres en puissance étaient ma contribution à ce projet à venir. Et mon lien avec les amis que je m’étais faits en Suisse, les lecteurs qui fréquentaient les librairies où je travaillais. Passionné de littérature américaine, c’est Thomas Wolfe que j’avais apporté dans mes bagages. Comme si l’exil de son Ange exilé avait été déjà inscrit dans ma vie. Et les auteurs slaves, dont le fabuleux Biély, auteurs oubliés, écartés, blasphémés, censurés… autant d’Anges bannis. Ces écrivains se mêlaient, comme maintenant, avec les auteurs suisses, ceux du passé et les contemporains. J’ai eu la chance de les côtoyer, ils sont devenus les compagnons de la maison. Nache dom (« notre maison »), disaient les dissidents et les opposants à l’Est. Mil quatre cents livres d’auteurs suisses y sont eux aussi dans leur maison, au même titre les artistes, les traducteurs, les philosophes, les poètes, les peintres venus de Russie, d’Angleterre, de Pologne, d’Amérique, de Serbie, d’Espagne, de Bulgarie, d’Italie, d’Israël, de Flandre, de Tchèquie, de Grèce ».
C’est bien en effet grâce à lui  que l’on put lire  de grands écrivains polonais Witkiewicz, et Reymont mais aussi les écrits de Kantor comme de Malévitch dont notre ami Gérard Conio assura l’édition. Bouleversé par la disparition de son vieiux complice, il est parti ce matin aux cérémonies d’adieu mais écrira prochainement un article sur son travail d’éditeur.
Loin de s ‘en tenir aux domaines de littérature de l’est, Dimitrievic publia aussi de nombreux écrivains germaniques comme, entre autres Dürrenmatt, suisses ( Ramuz) ou belges Hugo Claus mais aussi espagnols comme Unanumo ou américains comme Thomas Wolfe. C’est encore lui qui édita les œuvres complètes de Jules Lafforgue:  au total quelque 3.000 titres!  Par son ouverture d’esprit et par sa générosité, il réussit une tâche exemplaire. Le théâtre comme la littérature et les arts plastiques, grâce à son immense culture et à ses intuitions, ne serait ps ce qu’ils sont en France si vous n’aviez pas été là.
Encore merci,  M. Dimitrievic pour tout ce que vous avez fait avec patience, ténacité et intelligence. La France vous doit beaucoup.

 

Philippe du Vignal

 

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