La femme silencieuse
La femme silencieuse de Monique Esther Rotenberg, mise en scène Pascal Elso.
1934 : Stefan Zweig s’exile à Londres. Pourquoi s’inquiéter, disent ses amis ? Revenez, reviens, on peut vivre à Vienne, à Salzburg, peut-être mieux qu’ »avant », lui écrit même son épouse. Pourquoi abandonner ce pour quoi, avec quoi , on a toujours vécu, ses livres, ses objets choisis, ses amis, son monde ? L’écrivain pacifiste, européen, mondial, sait bien, lui qu’on ne peut pas vivre sous la domination nazie. Sans parler de son appartenance juive, secondaire pour lui, mais pas pour les nouveaux de l’Autriche.
Ce qu’il emporte avec lui, c’est son désir d’écrire. Il travaille alors à sa biographie de Marie Stuart, deux fois reine, et morte sur l’échafaud, la biographie étant un excellent moyen de parler de son temps et de soi, à travers un personnage historique.
Monique Esther Rotenberg a placé son héros à ce moment de sa vie. L’écriture de la pièce est élégante, classique, respectueuse de son héros auquel elle emprunte quelques belles formules, qui ne sont pas les moins réussies. Mots d’auteur, pour le coup… Elle lui donne, au-delà de son humanisme, une belle humanité, faite de contradictions, de désirs. Les rôles sont tenus avec justesse, et la petite pointe d’humour ou d’émotion nécessaire, par Pierre-Armand Juin, Olivia Algazi, jeune secrétaire devenue ensuite la maîtresse, et Corine Jaber, l’épouse. Chacun à son tour est La femme silencieuse : écrivain réduit au silence par la censure, maîtresse condamnée à ne pas parler, épouse réduite à ne rien voir, ni du monde, ni de son couple.
C’est bien fait, mais … Le décor, à l’ancienne, en fausse perspective, les costumes, pourtant bien « d’époque », l’exiguïté du plateau ternissent la pièce. On admire l’intelligence, le bon travail, on attend d’être secoué, au moins atteint, par cette histoire. On respecte. On regrette que la dignité de ce travail devienne un défaut : défaut de vie, le « quatrième mur » est comme une vitre, qui nous sépare de ce propos pourtant fort et important pour aujourd’hui.
Christine Friedel
Théâtre du Petit Hébertot, jusqu’au 10 juillet -T: 01 42 93 13 04