Festival des écoles du théâtre public
Festival des écoles du théâtre public
Cartoucherie de Vincennes
23 Juin – 3 juillet 2011
au Théâtre de l’Épée de Bois :
EPSAD, école professionnelle supérieure d’art dramatique du Nord Pas-de-Calais Lille Seconde année :La supplication d’après Svetlana Alexievitch.Mise en scène de Stéphanie Loïk .
Ecole de la Comédie de Saint-Etienne Spectacle de sortie Promotion W : La Noce de Bertold Brecht mise en scène de Yann-Joël Collin
Une idée généreuse et opportune que cette initiative de François Rancillac, directeur du Théâtre de l’Aquarium : associer les salles de la Cartoucherie de Vincennes pour accueillir, présenter, ouvrir au grand public, le travail de sortie des élèves des écoles du théâtre public. Avec ette année, la Comédie de Saint-Etienne, l’ERAC de Cannes, Paris 3, l’EPSAD de Lille, l’EDT91, et l’ESAD Paris .
L’affiche de cette seconde édition annonçait : 100% tonalités mélangées. Nous avons assisté, dans la foulée, au travail des élèves de la promotion sortante de la Comédie de Saint-Etienne suivi de celui des élèves de 2ème année de l’école de Lille. On ne pouvait imaginer univers plus éloignés l’un de l’autre, un exercice étonnant et passionnant pour les spectateurs – très nombreux – qui sont passés de l’un à l’autre. Exercice bien à l’image de la grande richesse et diversité de la mise en scène en France en ce moment. Malgré les difficultés financières, nous sommes dans un âge d’or de la mise en scène, dont les élèves profitent grandement, via la diversité des intervenants dans leur cursus.
Avec La supplication, Stéphanie Loïk a réussi un travail de chœur impeccable, rigoureux, austère, très intense de bout en bout. Les quinze jeunes comédiens évoluent « comme un seul corps » en harmonie. Tous en noir, ils forment un chœur impressionnant, avec messagers successifs pour une tragédie du XXIème siècle constituée par les témoignages de l’après-Tchernobyl recueillis et mis en forme par Svetlana Alexievitch. Les femmes qui lavent le linge irradié à mains nues, l’immense amour d’une mère pour son bébé infirme, le courage des soldats appelés dans la zone, les mensonges de la bureaucratie, le désarroi des habitants – ceux qui partent, ceux qui restent, ceux qui reviennent -, l’écoute de l’auteur, témoin et journaliste. Il faut saluer l’engagement de ces jeunes acteurs au service d’une parole juste, chantée, bougée, « actée », investie. C’est aussi cela le théâtre. Stéphanie Loïk et ses collaborateurs ont su le transmettre aux acteurs et au public.
Avec La Noce, Yann-Joël Collin a, à l’inverse, poussé chaque comédien à déployer et faire briller les différentes facettes de sa personnalité, ce qui est une excellente chose pour une promotion sortante. Dans cette Noce vraiment débridée, c’est avec fantaisie et subtilité que chacun fait montre d’une grande habileté à entrer et sortir des personnages, à l’aide d’extraits d’autres pièces de Brecht, d’improvisations très inventives, de réflexions sur le métier d’acteur et de spectateur dans la droite ligne pirandellienne. Dans un dispositif tri-frontal, la salle souvent allumée, les spectateurs sont pris à partie et se régalent.
La richesse de cette promotion, outre les évidentes qualités des dix jeunes acteurs, est la grande diversité de leurs personnalités qui s’accordent et se complètent très bien, ce qui les constitue en « petite troupe » apte à assurer toute distribution. Là aussi ,un grand travail d’ensemble et beaucoup d’intelligence chez Yann-Joël Collin pour régler cet apparent dérèglement de toutes les conventions théâtrales.
Dans un cas comme dans l’autre, beaucoup de style, de tenue. Le chant, la danse, la musique, à l’honneur. Une belle sincérité. Aucun cabotinage. Un élan qui passe, le sens du plateau et du public. Des personnalités qui savent travailler collectivement et que l’on a envie de retrouver bientôt sur les planches.
Evelyne Loew