Conservatoire national supérieur d’art dramatique, Journées de juin; classe de Philippe Duclos, Traverses 1. ( Première partie)
Les déjà nombreuses présentations de travaux d’école et les festivals de jeunes compagnies se sont encore multipliés ces dernières années, à tel point qu’il est évidemment difficile de rendre compte et de tout voir, surtout quand il s’agit d’une école importante comme le Conservatoire avec quelque huit séances…. La présentation des travaux de la classe de Nada Strancar nous avait laissé sur notre faim, dans la mesure où l’on ne savait pas trop qui était responsable de cette pseudo- mise en scène de L’Impresario de Smyrne.
Mais il en va tout autrement de ces Traverses menées par Philippe Duclos qu’ on connaît évidemment comme acteur mais qui est aussi maintenant professeur, appelé par Daniel Mesguich. Non qu’il ait auparavant mesuré et bien pesé les difficultés de l’entreprise.Enseigner est déjà une chose pas facile et quand il s’agit du théâtre et de l’acte dramatique, cela devient parfois un pari un peu fou et il l’a dit très lucidement: » il y avait chez moi la volonté de continuer à apprendre, de s’agrandir. De se sentir plus large. J’avais un ami qui est mort qui s’appelait Gérald Robard, un très grand acteur, qui m’a demandé de le remplacer dans son cours qu’il animait avec Aurélien Recoing. Je l’ai fait pendant un ou deux mois. Mais je ne me sentais pas vraiment prêt à l’époque. Je n’ai pas eu envie de continuer. Et puis deux ou trois ans après, Madeleine Marion, qui avait animé des ateliers dans l’école d’Antoine Vitez, puis avait continué son activité pédagogique, devait se faire remplacer, car elle partait en tournée. Ce sont les élèves, entre eux, qui ont fait appel à moi.
Ce qui m’a étonné (agréablement). Je me suis dit « tiens, cela veux donc dire que je représente, en tant qu’acteur, un petit peu quelque chose pour eux ». J’ai donc remplacé Madeleine Marion pendant un mois. Cela a été dur au début, mais cela s’est bien passé. C’était il y a quinze ans et je n’ai pas arrêté ».
Mais Philippe Duclos, a beaucoup d’humilité, s’est demandé ,comme tous ceux qui se sont décidés à franchir le pas de l’enseignement du théâtre, quel droit il avait de de parler ainsi devant des gens : » C’était déjà une violence, pour moi… Bien sûr, je savais beaucoup de choses, cela faisait quinze ans que j’étais acteur… Mais tant que l’on a pas commencé à parler, on ne sait pas ce qu’on sait. Et l’épreuve même qui consiste à parler devant les autres est considérable et décisive. Je dirais même que c’est une épreuve de paternité. Ce n’est pas un hasard pour moi si cela s’est fait alors que j’avais un enfant. C’est réellement se mettre à la place, symbolique, du père; c’est-à-dire accepter ce partage des rôles, accepter que l’on a quelque chose à transmettre (tout en sachant qu’on ne sait pas très bien ce que l’on transmet…), en accepter la place symbolique. Cela m’a transformé. Cela m’a donné tout simplement une parole que je n’avais pas, cela m’a obligé à faire une réflexion que je n’avais jamais menée et que je continue de mener aujourd’hui ».
La première partie de ces Traverses qui avait lieu dans la salle Louis Jouvet – nous n’avons pu voir la seconde- était d’un niveau remarquable. Philippe Duclos est revenu au bon vieux système des scènes. Avec beaucoup d’humilité, sans fioritures, avec juste ce qu’il faut d’éléments scéniques et en prenant comme base un très solide travail sur le texte. Ce sont des exercices, et revendiqués comme tels, et c’est justement cela qui est formidable. Visiblement Philippe Duclos a appris à ses élèves à comprendre une pièce ( et pas seulement à en débiter les répliques ), à regarder, à être silencieux et à l’écoute de son partenaire, à prendre la mesure du plateau, et à s’y déplacer: bref, à habiter l’espace et le temps, ce qui est sans doute le plus fondamental dans la formation de jeunes comédiens- que l’on a le temps de voir suffisamment dans des rôles importants- faire ce qui sera leur futur métier avec respect, grâce, sensibilité et intelligence…Et cela fait du bien! A travers quatre scènes tirées du Tramway nommé Désir de Tennesse Williams , Hot house d’Harold Pinter, La Princesse Maleine de Mateterlink , et Hamlet de Skakespeare. Nous avons ainsi pu repérer en particulier Etienne Durot et Romain Francisco dans Hot house et Charlotte Van Bervesselès dans La Princesse Maleine et dans Ophélie
. Petite note à benêts, comme disait le philosophe Olivier Revault d’Allonnes: serait-il possible que quelqu’un au Conservatoire relise les petites feuilles-programmes et élimine fautes de frappe et d’orthographe. Cela fait un peu et même beaucoup désordre, et il n’ a là aucune excuse possible: c’est un respect que l’on doit à tous ceux qui ont œuvré à ces journées de juin et à la langue française…
Philippe du Vignal
Présentation vue le 1 er juillet à 15 heures