Discours de la servitude volontaire
Discours de la servitude volontaire
La Boétie à l’honneur grâce à son Discours de la servitude volontaire (1550), mis en scène par Stéphane Verrue.
Nul ne peut rester indifférent à l’analyse moderne de la réalité de la tyrannie que propose Étienne de La Boétie en son seizième siècle avec Discours de la servitude volontaire. En nos temps préélectoraux incertains et au regard des pays arabes Tunisie, Yémen, Égypte, Syrie…, ces contrées non reconnues démocratiquement et dont les peuples avaient été pensés comme « ignorants » et crispés dans leur soumission à des maîtres prétendus éternellement « savants », sont aujourd’hui en voie de désaliénation progressive du joug politique étatique. La pensée sur le monde bouge : apparaissent des états forts à déstabiliser enfin, et à bousculer, selon la raison.
Évidemment, la conviction philosophique de La Boétie s’en réfère déjà à l’Antiquité et à ses armées levées, prêtes à établir tel ou tel tyran capable d’asservir un peuple entier, mais il fait allusion aussi à son époque contemporaine à l’écoute des conflits religieux internes, comme aux guerres « européennes » en cours. À quoi est dû le pouvoir d’un seul ? À des circonstances hasardeuses le plus souvent, mais encore à l’appui peu honnête de trois ou quatre ou bien de quatre ou cinq lieutenants directement aux ordres de ce seul puissant qui les conforte de son regard appuyé, eux, les courtisans, les serviteurs zélés, qui, à leur tour, asservissent chacun, cinq ou six cents hommes à la même soumission et au même aveuglement. Et ainsi de suite … , c’est une question d’équilibre et d’échange entre personnes qui pensent « faire des affaires ». Est-ce le pouvoir de la « grande gueule » d’un seul qui suffit à impressionner des auditeurs paresseux et aisément influençables ? Se ferait-il que l’être non critique soit à la recherche inconsciente d’un tyran qui le tyrannise, ou dans la situation opposée, serait-ce que le dit « fort » cherche sans cesse un autre à tyranniser ? Mystère, énigme, malaise, La Boétie pose le problème et médite avec nous, en suivant l’argumentation naturelle du cours précis de sa parole.
Si on en revient à Locke, le gouvernement par la majorité est celui qui convient le mieux à la société civile. Sachant que la seule source de légitimité du pouvoir politique se trouve dans l’individu, chacun donc doit se soumettre à la décision de la majorité comme si c’était la sienne propre, car c’est là une des conditions de la viabilité de la société civile. Encore faudrait-il que les majorités qui se dessinent soient cohérentes dans leur raisonnement et restent lucides et clairvoyantes, responsables d’elles-mêmes.
François Clavier, en s’arrêtant sur ces mouvements de la pensée universelle, travaille de sa voix claire, posée et en même temps, interrogative, à la délivrance de toutes les sujétions présumées ou cachées. Il met royalement à mal l’idée d’autorité en vue de l’affranchissement à venir pour les libérations souhaitées.
Une séance intense de réflexion à la fois politique et poétique sur l’actualité.
Véronique Hotte
Discours de la servitude volontaire, adaptation et mise en scène de Stéphane Verrue. Du 7 au 29 juillet 2011 à 19h30. Théâtre des Halles : 04 32 76 24 51