Julie telle que

Crédit : Pierre Grosbois

Festival d’Avignon

Julie telle que  de Nadi Xerri-L, mise en scène de l’auteur.

 

Nadia-Xerri L. a écrit Julie telle que pour la comédienne Shams El Karoui, et elle a bien fait. Le spectacle relève d’un moment de théâtre d’une intensité rare, que joue une actrice accomplie. Le texte dit la blessure d’une sœur qui sait que se tient, durant le temps de sa parole et de sa confession, le procès de son frère aîné; il a commis un meurtre, lors d’une beuverie dans un bar nocturne. Ses parents et son second frère sont allés au tribunal, mais elle, au dernier moment, n’a pu avancer, immobilisée et figée sur le paillasson familial de l’entrée. Elle a refusé d’accompagner ses proches qui continuent à croire à l’impossibilité du crime perpétré par le jeune homme : « ça fait bientôt deux ans qu’on fige, qu’on crispe pour faire que surtout rien ne lâche, ne se liquéfie, ne se bouleverse. »
Deux ans d’attente cruelle et d’absence de vraie vie avant la préparation du procès. La douleur de Julie est muette, habitée d’un sentiment de tristesse et d’angoisse qui l’empêche d’agir. La vie de l’étudiante en anglais est ainsi bouleversée, à partir du moment ou le foyer originel a été touché intimement par l’emprisonnement du présumé coupable. La jeune fille ne peut être en mesure de se confier à ses camarades d’études.  Non, ce qu’elle porte en elle restera définitivement inavouable. En même temps, cette traversée de la peine morale personnelle agrandit et éduque son cœur d’une certaine manière, en dépit de tout.   La douleur stimulera la capacité à la fois sobre et percutante de cette expression féminine: Julie expose son discours comme elle déploierait un argumentaire. En tant que sœur d’Alex, « le séducteur qui aimante et fait peur », elle est prise de vertige quand elle devine la supposée réalité des faits, le désir fraternel d’avouer, suivi aussitôt de son dédit. Pour Julie comme pour les siens, comme pour tout le monde, « Tuer un homme est le symbole du Mal. Tuer sans que rien ne compense cette perte de vie, c’est le Mal, Mal absolu.» (Genet)
On ne peut faire mourir quiconque de mort violente, c’est l’un des dix commandements de la religion chrétienne, et un interdit dans toutes les cultures. Ce que révèle la situation tragique d’Alex, c’est aussi la violence indifférente d’une société inique qui peine à protéger les plus démunis, professionnellement et socialement, en les laissant sans protection à l’abandon au bord de la route.
La comédienne s’immobilise dans le noir puis reprend son parcours, en suivant le fil invisible des stations symboliques successives de sa vie meurtrie. Elle arpente les murs environnants et elle s’arrête encore, le visage éclairé par une flamme de vie, de désir , et d’envie, une volonté de comprendre et de rendre compte. Au centre du plateau, une porte vide, c’est l’entrée de tous les possibles pour Julie, l’entrée du gouffre comme l’entrée vers la libération de l’imaginaire apte à lui proposer un destin autre. Pour survivre à la douleur.

Véronique Hotte

Du 8 au 28 juillet 2011 (jours pairs). La Manufacture . Réservations : 04 90 85 12 71

 

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