La Jeune Fille que la rivière n’a pas gardée
Festival d’Avignon
La Jeune Fille que la rivière n’a pas gardée ,chorégraphie d’ Hélène Cathala
La projette Nina Santes dans le courant interactif d’une rivière de sons et d’images, une traversée dansée de l’adolescence.
Selon la vision d’Hélène Cathala, La Jeune Fille que la rivière n’a pas gardée fait évidemment référence à la triste et poétique Ophélie chère au cœur d‘ Hamlet , étrangement éconduite par son amant troublé et en conséquence, rattrapée par la folie puis versée dans un cours d’eau qui l’emportera au milieu des nymphéas. L’amante mélancolique catalyse ainsi les douleurs sourdes des temps de l’adolescence, cette époque incertaine et chaotique d’éveil à la vie, à sa sensualité et à la conscience qu’on en peut avoir. Sur ce chemin, qui va de l’enfance à la maturité, la jeune fille danseuse, qu’incarne avec sentiment et élégance tout comme avec rage etaa détermination, Nina Santes, joue sur le plateau avec une vingtaine de capteurs à infrarouge, installés grâce au créateur sonore de la pièce, Arnaud Bertrand, intervenant en direct avec sa musique électro.A chaque détecteur que frôle le corps féminin en mouvement, correspond un son différent, une musique personnelle d’orgue géante que déclenchent les mouvements de l’interprète quand elle s’approche d’un capteur puis passe à un autre. S’ensuit une gestuelle créative et inventive, inattendue et provocante, faite de heurts et de glissements, de sauts et de pauses, d’étourdissements et de langueurs, selon l’utilisation par Nina Santes de ses mains, de ses jambes ou de son buste. La danseuse essaye telle mélodie, se rassure, puis tente davantage de violence dans la perception du monde brutal qui l’entoure, capable de la faire frémir et de l’écorcher à vif.Musique et chorégraphie se composent directement sous les yeux du spectateur, attentif à la re-création de cet univers personnel bousculé qu’il va falloir contrôler, au goût acidulé, à la façon des bonbons trop colorés de l’enfance qui reviennent en mémoire. Un spectacle en forme d’hommage à la jeunesse fragile mais courageuse qui transcende dans la maladresse et l’inconfort les obstacles que le fait de vivre dresse devant elle afin de la rendre prétendument plus forte, plus mature et plus autonome.Voilà des valeurs bien sévères et rigides que la danse de La Jeune fille que la rivière n’a pas emportée allège et rend diaphanes en les propulsant dans la sphère cosmique du firmament, comme dans la chambre des merveilles que recèle en lui tout être au seuil de la vie, en piétinant d’impatience face à son propre destin. Un travail délicat sur le printemps énigmatique de l’existence, une réalité partagée.
Véronique Hotte
Théâtre Girasole : du 6 au 29 juillet 2011, relâche le 21, à 15h20.