Pasto a due
Pasto a due, création in situ dans la galerie dite » Salon de Diane » du Palais Royal, par la Compagnie de danse Zerogrammi.
Cela se passe à Venaria, petite ville proche de Turin où se trouve le merveilleux palais Royal inscrit au patrimoine de l’humanité, qui, récemment restauré, après avoir servi garage, abrite maintenant, entre autres, une galerie d’exposition. Face au Palais royal, une longue rue avec d’adorables petites maisons à tuiles romaines et des cours sorties tout droit de chez Monsieur Goldoni.
Il a aussi un très grand et merveilleux jardin où il y a une des plus belles sculptures du grand Pennone.;. Ce sont deux moitiés d’écorce verticales, hautes de six mètres environ, encerclant un arbre. L’écorce est, bien entendu, en bronze, mais l’arbre est naturel: formidable réflexion sur le vivant et l’artificiel! L’ensemble du Palazzo Royale fait penser à Versailles avec se murs de brique et et de pierre, et ses intérieurs majestueux, comme la chapelle ou cette galerie de cinquante mètres d’environ huit mètres de haut, avec onze portes-fenêtres de chaque côté, en alternance: une grande et plus large surmontée d’un œil de boeuf, et une plus petite et plus étroite, dans un ordre et un équilibre parfait.
Le plafond est en stuc gris et blanc avec un motif central. A chacun des bouts de la galerie, dont le sol est pavé de carrés de marbre vert foncé et blanc, deux grandes portes en bois surmontées d’une demi-coupole, et encadrées chacune de deux colonnes de marbre rose. Un décor de rêve dont on espère qu’il abritera un jour d’autres spectacles.
Un cinquantaine de chaises devant une longue table en fer disposée en biais près de l’une des fenêtres et deux chaises droites aussi en fer à chaque bout. Sur la table, des flacons,coupes et assiettes en étain et une corbeille de fruits: une belle nature morte, et par les portes-fenêtres, des projecteurs envoyant une lumière le plus souvent rasante sur les deux danseurs.
L’argument de Pasto a due est une sombre histoire de la mythologie antique: Thyeste avait séduit Aéropé la femme de son frère Atrée, et il lui demanda d’aller voler la Toison d’or conservée par Atrée; le peuple de Mycènes décida alors que ce serait Thyeste qui la garderait.. Mais Zeus obligea le Soleil à se lever à l’Ouest, et Atrée à démissionner. Atrée lui succéda et bannit donc son frère. Il découvrit aussi que Thyeste avait fait l’amour avec Aéropé, mais le fit revenir d’exil,et, sous le prétexte d’un banquet, lui fit servir un plat de viande… provenant du corps de ses deux fils, et, pour faire bonne mesure, les servit aussi à leur père.
Atrée ensuite se maria, sans le savoir, avec Pélopia,la fille de Thyeste qui avait été violée par lui; elle donna naissance à Egisthe qui tua Atrée sur l’ordre de Thyeste. Le même Egisthe qui assassina le fameux Agammemnon, après lui avoir piqué sa femme Clytemnestre, mais qui fut tué par Oreste. Ouf!
Bien entendu, cette histoire ici n’est qu’un prétexte : les deux danseurs, pieds nus, en veste et pantalon noir, évoluent dans cette grande galerie, autour et sur la table, se livrant à une lutte fratricide qui fait ici l’objet d’une chorégraphie rigoureuse. C’est un spectacle créé pour l’occasion en collaboration avec des artistes russes qui n’a été joué que deux fois. Les images créées par la Compagnie Zerogrammi sont d’une grande beauté, très épurées, et semblent parfois sortir d’une gravure,en parfaite adéquation avec ce Salon de Diane aux dimensions imposantes.
Si vous passez par là, n’hésitez pas, ce Palais Royal construit en 1659 pour servir de pavillon de chasse mais qui fut plusieurs fois modifié,vaut le détour…
Philippe du Vignal
Palais Royal de Venaria, représentation du 16 juillet.