Hamlet
Hamlet de Shakespeare, traduction de Jean-Michel Desprats, mise en scène de Jean-Luc Revol.
C’est la 22 ème édition de ces Fêtes nocturnes de Grignan, château de Madame de Sévigné, restauré au 19 ème siècel puis au début du 20 ème par une certaine Marie Fontaine, et, fait assez exceptionnel dans la France des festivals d’été, cet Hamlet va se jouer 40 fois devant 600 spectateurs par représentation. Si l’on compte bien , cela doit donc faire quelque 24.000 personnes qui auront pu voir Philippe Torreton dans le rôle titre. Et c’est assez rare pour être signalé…
La longue façade Renaissance du château situé sur un piton rocheux en haut d’un adorable village,avec ses fenêtres à croisillons, est impressionnante et constitue un fond de scène aussi exceptionnel que le fameux mur médiéval de la Cour d’ Honneur du Palais des papes à Avignon.
On ne va quand même pas vous raconter les mésaventures d’Hamlet dans son château d’Elseneur, mais plutôt vous parler de la mise en scène de Jean-Luc Revol. La nuit n’est pas encore tombée , et le spectacle commence à 21 heures devant un public très composite, de le Drôme ou des environs, la cinquantaine ou plus, comme ailleurs mais où il y a quand même de nombreux jeunes gens.
Le spectacle ne commence pas très bien: Hamlet, Marcello, Horatio et Bernardo déboulent sur la scène, en débitant leurs répliques, sans guère de nuances , et , comme la scénographie de Sophie Jacob avec un sol de fragments de carrelage ancien, mais en contre-plaqué qui résonne à chaque pas, n’est pas très réussie, rien ne parait pas vraiment dans l’axe. On oubliera aussi les croix à motif des tombes qui surgissent tout d’un coup, on oubliera aussi les costumes noirs un peu mode d’ Aymeric François et la voix de basse amplifiée ridicule du spectre d’Hamlet: bref, tout cela n’est pas très fameux… Et les scènes suivantes confirmeront cette impression de mise en scène et de direction d’acteurs plutôt approximatives, même si cela a tendance à s’arranger par la suite…
Philippe Torreton n’ a plus tout à fait l’âge du rôle; peu importe, il s’en sort habilement en jouant un Hamlet, bouffon, délirant qui prend le public à partie.. Son personnage ne semble pas vraiment pris d’angoisse et de folie maladive mais cela fonctionne quand même. grâce au magnétisme que l’acteur exerce sur le public. Et , à entendre les rires , on se dit que le texte, dans la traduction très ciselée de Jean-Michel Desprats , que l’on entend bien, finit par passer, mais cela tient parfois du miracle. Jean-Luc Revol dit très justement que le pièce est fondée sur la vengeance, et on entent souvent le mot mais ce que l’on ne sent pas dans sa mise en scène: c’est la peur- indéniable dans Hammet puisque chacun s’épie-et le fait , comme il le dit aussi que cette vengeance politique finit par tuer tous les autres sentiments… Mais il y a Torreton, et c’est, on le sait, un grand acteur qui a raflé plusieurs Césars avec son Capitaine Conan de Bertrand Tavernier et un Molière pour son Richard III; ici il prend tout sur ses épaules , avec une solidité qui force l’admiration, puisqu’il est présent à peu près tout le temps pendant le spectacle, et s’il n’était pas là, avec son expérience et son indéniable présence, on peut se demander ce qui se serait passé…
Manque en effet une réelle unité de jeu qui nuit à ce mécanisme de la terreur que Revol voudrait faire ressentir, et là, on est loin du compte, dans les deux premiers actes surtout: Catherine Salviat (Gertrude, la mère d’Hamlet), comme Georges Claisses (on mari Claudius) et Jean-Marie Cornille (Polonius), sont tous un peu raides, et font bien leur travail mais chacun de leur côté.! Quant à Anne Bouvier (Ophélie), désolé, mais on a du mal à croire à son personnage, elle est quelque part mais pas là, sauf dans la célèbre scène de la folie. Manque aussi une dramaturgie qui prenne vraiment en compte la pièce et ses personnages , même si l’on peut comprendre le parti pris de Jean-Luc Revol qui a choisi de faire des coupes à la hache, de façon à ce que le spectacle,sans entracte , ne dure pas plus de deux heures et demi. Du coup, c’est toute la pièce qui s’en trouve déséquilibrée, surtout à la fin quelque peu bâclée, comme si Revol craignait de ne pas être dans les temps.
Mais, cela dit, on voit rarement, malgré le froid assez vif, un public aussi attentif et buvant la moindre des répliques de cet Hamlet; il a fait une véritable ovation- frappe de pieds sur les gradins et six rappels à Philippe Torreton et à ses camarades. Le spectacle, même avec ses manques, est, il faut le signaler, loin de toute esbrouffe et de toute vulgarité comme dans l’adaptation (sic) de la célèbre pièce par Philippe Macaigne au Festival in d’Avignon. (voir le Théâtre du Blog) . Alors à voir? Oui, malgré tout, si vous n’êtes pas trop exigeant, à la fois pour Philippe Torreton et pour la magie du lieu… Donc à vous de décider.
Philippe du Vignal
Château de Grignan • 26230 Grignan Réservations : 04 75 91 83 65 http://chateaux.ladrome.frj jusqu’au au 20 août 2011 à 21 heures. 19 € | 13 € | 15 € | 7 €