Opéra d’O
Festival d’Aurillac
Opéra d’O – Hommage aux Oxymores par le Groupe Ilotopie.
Les quelque 12 cars attendent le public soit quelque six cent personnes en plein centre d’Aurillac pour l’emmener à vingt kilomètres de là au lac du barrage de Saint Etiennne de Cantalès construit au début des années 40 pour EDF. . N’était une une climatisation démente qui fait tousser, le petit voyage ne manque pas de charme. » C’est sur la peau de cette eau que, dit-elle, la compagnie Ilotopie pose et propose son nouveau spectacle Opéra d’O, hommage à l’oxymore qui dit que les eaux vont monter mais que l’eau va manquer. L‘Opéra d’O est un vrai train de vie aquatique paradant à la surface, avec son bestiaire et ses jouets de l’enfance qui masquent toujours à l’homme occidental la réalité du monde » …( Sic) . Après ces déclarations d’intention pour le moins péremptoires, il était naturel que l’on se pose quand même quelques questions sur ce qui nous a été donné à voir pendant une heure…
Ce titre, sans doute inspiré de celui d‘Histoire d’O, laisse en effet un peu perplexe…comme cette référence aux oxymores, figure de stylec omposée deux termes contradictoires utilisée depuis l’Antiquité: » Saintement criminelle » disait déjà Sophocle d’Antigone ou « Obscure clarté qui tombe des étoiles » écrivait le bon Corneille dans Le Cid..
Après vingt minutes d’attente, assis sagement sur la plage de sable, les centaines de spectateurs, commencent à apercevoir de petits radeaux qui passent en silence sur l’eau du lac éclairés par quelques projecteurs. C’est déjà le crépuscule, et défilent ainsi la figure mythique d’un roi assis à un grand bureau contemporain en stratifié, une énorme ballerine en tutu rose, une fée avec son bâton de fée, un homme en cape noir,e un cercueil flottant recouvert d’une couronne de fleurs qui va s’ouvrir pour laisser apparaître une belle jeune femme. Aucune parole mais la seule musique de Phil Spectrum ( qui a déjà écrit pour Ilotopie et Generik Vapeur )pour accompagner les images proposées.
Il y a aussi un radeau assez impressionnant, une sorte de voie ferrée avec des lampadaires qui se relèvent avec un pompier et son échelle, un soldat de l’Empire, une autre ballerine, voie ferrée qui, à un moment donné, va se scinder en plusieurs tronçons autonomes. Le tout avec pas mal de fumigènes pour faire de la brume, ou du rouge, ( décidément une manie de ce festival!, ou du noir.. Cela a quelque chose d’impressionnant, du moins … quelques secondes durant. Aucun doute possible: la réalisation logistique et technique est remarquable, et cela semble parfois tenir de la magie quand on voit ces radeaux se déplacer en silence dans la nuit…
Oui, mais voilà pour dire quoi? Bruno Schnebelin à quelqu’un qui évoquait devant lui les images créées par Bob Wilson, disait que c’était bien ce qu’ il faisait mais sur l’eau.
« En faîte ( sic), un opéra baroque, un peu dévoyé et qui déraille en éclaboussures, en fractures, en joies et en lendemains qui chanteront ». On veut bien mais d’opéra baroque, nenni! L’argument employé est quand un peu court et prétentieux…
Bref, on est bien loin du compte et, désolé, mais quand Bob Wilson, Meredith Monk, Kantor, Chéreau, Strehler ou encore la magnifique Angelica Liddell, pour ne citer qu’eux, créent des images, chacun dans son style, ils le font avec pertinence et avec unité, ce qui est loin d’être le cas ici! Et c ‘est bien dommage, parce que le lieu choisi s’y prêtait et que la musique de Phil Spectrum a, aux meilleurs moments, quelque chose de profondément poétique. C’était l’occasion aussi de rassembler un public beaucoup plus large que celui du Festival dans les murs.
N’importe quel petit feu d’artifice sur et près d’un plan d’eau peut produire quelques images qui se laissent regarder mais le public, notamment aurillacois, ne semblait pas dupe devant ces quelques figures de BD recyclées et presque diffusées en boucle pendant une heure. Ce lac plein de poésie semblait bien servir de cache-misère à un proposition poétique qui n’a jamais vraiment donné signe de vie. Un théâtre d’images ne peut être en aucun cas, un petit rassemblement d’images sans véritable fil rouge… C’est tout à fait autre chose et après l’extinction des projecteurs qui annonçait la fin de ce pseudo-spectacle, il y eut quelques maigres applaudissements et le public, pas dupe, qui a quand même payé 12 euros a vite déguerpi… Dommage, vraiment dommage pour le Festival.
Il faut seulement espérer que Jean-Marie Songy ne se laissera plus prendre à ce genre de piège…
Philippe du Vignal
Lac de Saint-Etienne-de-Cantalès les 19 et 20 août.