Vigile

Vigile par le Théâtre Group, direction artistique et mise en scène de Patrice Jouffroy.

vigilebpicaudlger.jpg  C’est un  spectacle aussi  intelligent et  formidable sous la forme d’une conférence déjantée sur le thème de la sécurité dont nous avait déjà rendu compte Edith Rappoport au festival de Chalon.
A l’entrée extérieure de la salle, sur le goudron brûlant,  une vigile féminine de la société  Menouillard Security dont la camionnette  stationne à quelques mètres, en pantalon de combat bleu et grosses chaussures,  interdit formellement de dépasser le ruban rouge et blanc de sécurité ,et injurie sans scrupules un autre vigile aux cheveux gris dans le genre casse-toi, tu fais chier, retourne à ton poste! On ne peut rien dire et le filtrage s’opère sans aucun ménagement:  » Votre sac contient un appareil photo? -Non pas du tout. Pourtant c’est bien un sac à appareil photo, donc vous avez un appareil photo.     Après cet accueil plutôt musclé  auquel tout le monde a cru y compris du Vignal, nous sommes enfin autorisés à pénétrer dans la salle polyvalente. Des alignements de chaises  pour 267 personnes comme l’indique la vigile armée de son compteur. Sur une grande estrade, trois chaises devant un écran de projection, et sur le côté plusieurs vigiles masculins au cas où…   Accrochées au plafond deux grandes bannières donnent aussitôt le ton : La sécurité: première liberté et Liberté, Egalité, Sécurité. Il ya sur l’estrade pour débattre ds problèmes de sécurité dans notre douce France, un commandant de gendarmerie en uniforme et  képi, la coupe de cheveux militaire et fine moustache,   et deux cadres de la société Menouillard Security en costume gris assez vulgaires. Et après les remerciements d’usage au Préfet d’Aurillac et au maire d’Arpajon-sur Cère, la conférence commence .
Dans un langage formaté, digne d’élèves de l’ENA, et très langue de bois: les trois complices  sont là pour nous vanter…et nous vendre  les produits fabriqués par leur firme , le Groupe Vigi-Conseil : caméras de surveillance ou de vidéo-protection c’est selon, pistolets Taser, coffrets de sécurité avec Taser de poche, gel paralysant, etc..
Mais on attend madame la sous-préfète, aux cheveux faussement blonds, ce qui est rarement bon signe; elle arive non en retard mais retardée,  très sûre d’elle:  elle a la voix criarde et le verbe haut, elle est chez elle, puisqu’elle est gardienne de l’ordre public et le manifeste bien  » la meilleure défense reste l’attaque, etc….   Aucun scrupule à jouer sur l’émotion ressentie à l’occasion du meurtre d’une petite fille: tous les coups sont permis dès lors qu’il s’agit de vendre de la sécurité. Et le commandant de conclure:  » Je crois que l’on a bien avancé sur le sujet!    Il y a aussi un  hommage aussi ridicule que naïf, en forme de poème, d’un des vigiles à un collègue décédé,  et un petit film réalisé par une jeune cinéaste sur les effets de la violence,. mais, la projection se passe mal: coupures d’images et de son: bref, le commandant de gendarmerie n’apprécie pas du tout ce que  se permet de dire la jeune femme et lui rappele que lui et son épouse aiment le cinéma, celui de Woody Allen et de  Bunuel en particulier, et qu’il ne saurait tolérer  une qualité d’images aussi médiocre. .  . Mais il y a comme un couac, puisque le commandant de gendarmerie déclenche un projectile de la mallette qui va blesser le cadre de la société au-dessus de l’œil. Le commandant , plutôt ennuyé, ne trouve plus ses mots et prétend qu’il n’y est pour rien, puis s’en va piteusement par l’allée centrale. Cela aurait pu faire une belle fin mais  le Theatre Group a rajouté quelques démonstrations de combat des vigiles, et une engueulade du directeur de Vigi-Consil avec un représentant de la CGT…Ce qui n’était sans doute pas utile.   A cette réserve près, le spectacle est  à la fois très drôle et inquiétant, mais surtout  ludique, bien mis en scène, avec un dialogue d’une grande qualité et une force d’ interprétation rarement atteinte. L
a démonstration quant aux aspects souvent très limites de ces sociétés de surveillance aux méthodes souvent musclées qui fleurissent un peu partout, est impeccable, et est d’une drôlerie remarquable.
Que demande le peuple? Rien d’autre , le peuple, et, en particulier, les jeunes gens,  étaient enthousiastes, et nous aussi. En une heure trente, le Théâtre Group de Lons-le-Saunier signe là, sans contestation possible,  un des  meilleurs spectacles du Festival.  Merci à Jean-Marie Songy de l’avoir invité.
S’il reste des places, courez-y, malgré la chaleur, vous ne le regretterez pas.

Philippe du Vignal

Salle de la Vidalie à Arpajon-sur-Cère jusqu’au 20 août.

 

 

 


Archive pour août, 2011

Antigone


Antigone,
d’après Sophocle, par la compagnie Gwenaël Morin

 

 Gwenaël Morin est venu à Aurillac avec sa sobre mise en scène d‘Antigone. Pour cadre de cette tragédie antique, il n’a pas choisi le cœur historique de la ville, mais les murs d’une « tragédie urbaine » : ceux d’une cité.
C’est en effet sur le presque terrain vague de la « résidence de la Montade », entre les barres d’immeubles, que la troupe a installé son aire de jeu. Et un bar ! Car Morin se projette au-delà de Sophocle, au-delà du spectacle : il voit surtout un bel espace à occuper et à rendre vivant, un public important à séduire et à rassembler. Or la tâche n’est pas simple, car le théâtre n’est ni la préoccupation majeure ni une activité identitaire des habitants du quartier ; il faut donc aller les chercher et essayer de les y intéresser. C’est ce que la troupe a fait : elle a placardé des affiches dans les cages d’escalier, et a ainsi recruté une dizaine de personnes pour constituer le chœur antique.
Mais Gwenaël Morin se méfie des bons sentiments : il n’a pas la prétention de faire du « social ». Il lui importe avant tout de créer du théâtre, coûte que coûte, et surtout là où il a envie de le faire. Et tant mieux si les moyens sont petits (décors de bois, de ficelle et de scotch), tant mieux si les conditions sont difficiles (vent, pollution sonore), tant mieux si des comédiens amateurs côtoient de bons professionnels : cela suscite, dans la communauté des spectateurs, une empathie supplémentaire, déclare Gwenaël Morin.
Il s’agit, en fait, d’un véritable parti pris : celui d’une recherche de sobriété pour laisser place à l’humain, avec des comédiens professionnels ou non, et devant un public averti ou pas. Le résultat est remarquable : le texte acquiert une clarté et la tension dramatique perdure jusqu’à la fin: nos émotions et notre jugement sont en permanence sollicités. Si le jeu frôle parfois la caricature, il n’y tombe pourtant jamais. Le metteur en scène a choisi de faire jouer les hommes par des comédiennes et inversement. Ce qui donne une amplitude inattendue aux propos misogynes de Créon, roi de Thèbes.
Ce qui caractérise la mise en scène de Gwenaël Morin est une grande proximité avec le spectateur : c’est un théâtre à la mesure de l’homme, sans manières ni fioritures superflues, sans prétentions ; le  spectacle est de grande qualité, mené avec intelligence dans un cadre banal.

Nicolas Arribat

16, 17, 18 et 19 août à 19h30, Aurillac, Résidence de la Montade. Spectacle gratuit.

Fuckin » Cendrillon

Festival d’Aurillac

 

« Fuckin » Cendrillon, compte de faits, happening texte, Rock-Sound et pommes à croquer de Pierre Berthelot, Nadège Prugnard et Cathy Avram, texte de  Nadège Prugnard. Création in situ de la compagnie Generik Vapeur et Magma Performing Theatre.

 

cendrillon.jpgCréation in situ, en effet puisque cela se passe sur la place de l’Hôtel de Ville, noire de monde (le spectacle de 30 minutes  est évidemment gratuit), si bien que l’on ne vous livrera que quelques impressions, tant il était difficile d’en voir autre chose que des bribes, quand on n’a pas d’escabeau avec soi comme certains spectateurs prévoyants,  ou que l’on n’ pas la chance de disposer d’une fenêtre donnant sur la place ou d’arriver une heure avant.
Donc reprenons:  » Cest, dit le petit papier, un conte rock questionnant la violence du monde actuel pour dire la nécessité du merveilleux,  de l’art entendu comme souffle incoercible de liberté, vertige insoumis.  » Après tout pourquoi pas? même si ce genre de discours est en général la marque obligée de spectacles pas très passionnants. Il y a trois lits en tube de fer de type militaire astucieusement  tendus sur des câbles, avec dedans des enfants arrachés au sommeil, un méchant loup qui joue du rock à la guitare électrique, et aux fenêtres du bâtiment officiel,  quelques personnages,  dont une sorcière punk qui hurle au ciel toute sa méchanceté…
Il y a bien des paroles mais, comme la balance a dû être faite sur la place vide, vu le nombre de spectateurs, sans doute plus de 700, on entend mais on ne comprend quasiment rien de ce qui se dit. Extrait quand même de ce que vous auriez pu entendre pour que vous ne mourriez pas idiots:  » J’ai vu la guerre, j’ai vu l’abattoir à ciel ouvert, j’ai vu la mâchoire d’acier dévorer la fleur des amants, j’ai vu l’horaire de la mort le cercle rouge tracé par le soldat de plomb le crash concentré des forces physiques et souterraines j’ai vu la culture du sexe et de l’argent la violence politique la phrase du monde perdre sa robe J’ai vu la beauté s’arracher les yeux j’ai vu…- C’est quoi ce bordel of shit? (…)
Mais on le sait depuis longtemps, les bons sentiments n’ont jamais fait du bon théâtre, les mauvais sans doute davantage. Ici , tout se passe comme si, avec un détournement ,somme toute assez banal, du fameux conte et quelques mots anglais:  fuckin cendrillon, fuck system, sorcière trash-punk-une véritable manie dans ce festival!- et une sono  à décorner toutes les Limousines et toutes les Aubrac du Cantal, dans la tradition des spectacles de Generik vapeur, on voulait faire passer un message à la fois  violent et provocateur… Hier midi, on était quand même un peu loin du compte!

 

Philippe du Vignal

 

Place de l’Hôtel de Ville  le 17 août.

Roméo et Juliette

Festival d’Aurillac

 

Roméo et Juliette de Shakespeare, mise en scène de Muriel Sapinho, Compagnie Gérard-Gérard.

 

  rj.jpgLa compagnie est issue de la majorité de la dernière promotion- et dernière! grâce à l’imbécile obstination de M. Goldenberg, ex-directeur qui a ensuite été prié de quitter les lieux),  à faire disparaître l’ École du Théâtre national de Chaillot. Ce n’est pas si souvent qu’une compagnie issue d’une école soit encore en vie cinq ans après sa création. Et cela valait donc  le coup d’aller faire un état des lieux…
Ces ex-élèves avaient créé il y a cinq ans déjà  un Roméo ou plutôt une mise en abyme de la célèbre pièce sans décors qu’une table et quelques chaises. Et un ingénieur du son sur scène.  Aucun costume : juste des vieux jeans et quelques robes un peu déjantées que n’auraient pas renié Jérôme Deschamps (Ce n’est sans doute pas la meilleure idée, mais bon. Le spectacle vite connu et reconnu a depuis été joué un peu partout en France, en particulier dans les Pyrénées-Orientales où leur compagnie est basée.
Pour l’heure, ils jouent dans un endroit qui surplombe la Jordane et  la ville d’Aurillac, du côté du cours d’Angoulême; c’est une merveilleuse terrasse avec des tilleuls centenaires en bas d’une grande et belle maison qui a dû être autrefois un couvent ou un pensionnat.  Là aussi, pas de décor sinon quelques pendrillons noirs, et une grande table, et des tapis pour les quelque 200 spectateurs. Aucune lumière autre  que celle du soleil filtrant dans les branches des tilleuls .
Bal chez les Capulet sur des musiques contemporaines: on offre à boire un peu de cidre au public,  et le spectacle commence, toujours aussi déjanté, avec une belle ironie mais aussi, aux meilleurs moments, une émotion réelle  ; on entend formidablement bien le texte, et il y a à la fois une énergie, une diction impeccable dont devraient bien s’inspirer pas mal d’élèves du Conservatoire national. Il y a une petite baisse de rythme dans les vingt dernières minutes dûes  en partie à la fatigue d’une comédienne assez malade, qui a tenu courageusement jusqu’au bout de la représentation mais l’ensemble du spectacle tient largement la route.
Si vous avez le courage de monter là-haut ( la pente est vraiment pentue), allez voir ce travail..  La compagnie a maintenant d’autres projets: une création en octobre et un peu plus tard un spectacle sur le Tour de France, dirigé par Wladislas Znorko qui avait été à l’Ecole un de leurs professeurs. C’est bien qu’existe ce genre de fidélités dans le monde du théâtre où, comme ailleurs, et surtout dans les institutions, tous les coups bas sont autorisés,  voire reconnus et encouragés  par le Ministère de la Culture lui-même…

 

Philippe du Vignal

 

En haut du cours d’Angoulême, (il a des fléchages un peu partout mais vérifiez le numéro de la pastille qui ne semble pas exact sur le plan.. La compagnie Gérard-Gérard joue aussi une petite forme assez bien ficelée dans les rues du vieil Aurillac., Pyrame et Thsybé ( voir le Théâtre du Blog d’août 2010)

 

Du printemps

Du printemps de Thierry Thieû Niang et Jean-Pierre Moulères.

 

On sent l’ombre frêle de Pina Bausch, et pourtant cette chorégraphie est très différente de  Kontakthof. Les vingt cinq danseurs amateurs de Marseille et de Valence ont entre 60 et 87 ans, et ont effectué un travail de fond avec le chorégraphe depuis plusieurs années. Thierry Thieû Niang est ainsi devenu leur partenaire dans une aventure hors du commun.

niang.jpgA la différence de certains professionnels , ils s’expriment dans une authenticité troublante, tant que leurs corps résistent à l’effort fourni. Sur la musique du Sacre du Printemps » de Stravinsky qui a connu les plus grandes interprétations, la chorégraphie est simple:le cercle dans lequel ces cinq hommes et vingt femmes se réunissent au début, va s’ouvrir dans une rotation antihoraire, et va peu à peu se disloquer, laissant la fatigue naturelle des organismes usés par le temps décider du sort de chacun, mais cette ronde va les transformer.

Le chorégraphe évite la référence au film de Sydney Pollack On achève bien les chevaux  et le public sent qu’il existe un vrai partenariat entre les danseurs et le chorégraphe, tout comme il y a une belle écoute entre chacun d’eux. Chaque danseur se soutient mutuellement y compris dans la douleur physique. De telles images ne peuvent qu’être émouvantes. Cependant cette chorégraphie pose le même problème que celle de Pina Bausch avec « ses messieurs et dames de plus de 65 ans ».

Ces danseurs amateurs, à l’aube de leur potentielle disparition, ont vécu une expérience inoubliable. Mais qu’adviendra-t-il d’eux une fois qu’ils auront définitivement quitté la scène? Sont-ils suffisamment armés psychologiquement pour vivre une première mort artistique, alors que leur avenir personnel se raccourcit peu à peu…

Jean Couturier

Présenté au Festival d’Avignon le 14 et 15 juillet au gymnase du lycée Saint-Joseph ; le spectacle sera repris le 23 novembre au festival International de Danse de Cannes et le 28 novembre à la Comédie de Valence.

26 ème Festival International de Théâtre de Rue d’Aurillac

26 ème  Festival International de Théâtre de Rue  d’Aurillac 2011.

festivaltheatreaurillac2011.jpgAucun doute là- dessus: en quelques jours la ville a changé de visage…Il ne pleut plus,  il fait  quelque 32 °, le camping et les hôtels sont pleins, il y a des saucissettes, de l’aligot en barquettes,  de la bière  à chaque coin de rue et  il y a beaucoup, mais vraiment beaucoup de monde dans les rues de la vieille ville, et des spectacles, dont beaucoup gratuits, ce qui, par temps de crise, ne peut que contenter un public majoritairement jeune, voire très jeune, venu en bande.. Ceci explique peut-être cela.
Hier mardi, Les Quatre morts du Président petit de la compagnie Délices Dada faisait un tabac sur la petite place de la Préfecture avec plus trois cent spectateurs. Jean-Marie Songy, le directeur revendique 100.000 spectateurs et il ne doit pas être loin du compte. Il y a d’un côté le festival officiel avec des spectacles  de compagnies bien connues comme celle de  Gwebaël Morin avec son Antigone revisitée,  Chiens de Navarre, Generik vapeur ( non,  merci , nous avons déjà donné au festival de Marrakech ( voir Le Théâtre du Blog de juin), Kumulus avec Silence encombrant, Metalovoice,  Ilotopie et Nicolas Frize avec une Frénésie musicale jouée dans la gare d’Aurillac fermée pour cause  de travaux ( cela devient une tradition!) . Soit au total:  une vingtaine de compagnies françaises et étrangères qui bénéficient d’une excellente roganisation Mais le Festival a su garder malgré son évidente progression, son identité. Avec cette année, un net retour au théâtre-théâtre , qu’il soit de plein air ou non..
Par ailleurs, il y a aussi à partir d’aujourd’hui 17 août, quelque 450 « compagnies  de passage », formule élégante qui désigne un off qui n’est plus un off puisque reconnu mais qui continue à être quand même une sorte de off: Dieu reconnaîtra les siens dans ce fourre-tout où , bien entendu le meilleur peut côtoyer le pire. On y retrouvera , pour ne citer que les plus connues: Les  Cousins, Les Chiche-capon, L’Illustre famille Barattini avec Laure Smadja, etc… compagnies qui viennent sur leur propre budget….
Il y a enfin un certain nombre de rendez-vous professionnels; rappelons aussi l’existence du Parapluie, premier lieu de fabrique construit à Naucelles pas loin d’Aurillac mais accessible en voiture seulement et qui a déjà sept ans ; il a accueilli cette saison  avec plusieurs espaces de travail et d’hébergement en résidence plusieurs compagnies.
Nicolas Arribat et moi-même essayerons de vous tenir au courant quotidiennement des moments fort de ce festival.

Philippe du Vignal

Exposition One Shot-Art Performance du Festival 2010.

Festival d’Aurillac.

 

Exposition One Shot-Art Performance du Festival 2010.

 

  one.jpgLe Musée d’art et d’archéologie, partenaire du Festival d’Aurillac, présente, grâce à l’initiative de Brigitte Lépine ,une très belle exposition de photos des performances qui avaient eu lieu l’an passé, performances de qualité très inégale, excepté bien évidemment l’évènement phare de Spencer Tunick. Et les deux jeunes créateurs, Matthieu Dussol 31 ans né à Aurillac qui a déjà beaucoup voyagé en Asie du Sud-Est, comme Matthieu Galeyrant, 25 ans,  lui aussi né à Aurillac, tous deux photographes officiels du Festival et Damien Cabriès 24 ans né à Figeac donc pas très loin. Rigueur de la présentation: aucun cadre , profondeur de champ, beauté des couleurs, mise en perspective scénique des images proposées, et un remarquable éclairage : on revoit les performances de Michel Giroud, Joël Hubault, Annie Lann, etc…
Mais aussi et surtout, dans une salle,  les photos magistrales des centaines de personnes qui, pour la performance de Spener Tunick avaient accepté de poser nues comme dans bien d’autres grandes villes du monde entier,. Il y a celle sur très grand format, en passe d’être célèbre, de des dizaines de personnes courageuses qui, dans  le petit froid du matin, juste  abritées par un parapluie noir masquant leur visage, avaient relevé le pari. Dont jean-Marie Songy , le directeur du Festival et Jacques Livchine, qui font penser à autant de trompettes de la mort qui, les bonnes années se ramassent dans les bois proches d’Aurillac.
Celle aussi- de femmes uniquement- marchant dans les vieilles rues de la capitale auvergnate, ou les pieds dans l’eau de la Jordane. Ou encore, comme dnas une sorte de prise de la Bastille , des dizaines de personnes émergeant de brumes blanches( recrées) dans  la gare d’Aurillac vide de trains pour cause de travaux sur la ligne Mais aussi-et c’est aussi passionnant- des images sur les coulisses de cet exploit logistique ( transport des participants, mis en  sécurité des effets personnels, organisation des prises de vue par Spencer Tunick, etc..).
Choquant, malsain, voyeur, dramatique si l’on pense aux camps d’extermination? Même pas, mais le plus souvent , grâce au traitement des images par Dussol et Galeyrant, d’une grande qualité poétique. Un seul regret:  aucun cartel, sinon ceux mentionnant le titres mais quand on n’est pas de la paroisse, cela n’aurait pas été un luxe de suivre les choses avec quelques phrases sur chaque performance.
Il faut aussi voir le montage vidéo de Damien Cabriès, dans une petite pièce ( personnes claustrophobes s’abstenir) d’après les images de quatre spectacles tournés par Marc Guiochet vidéaste du Festival, notamment le remarquable extrait de Voice in moment , performance de Nicola Fangione. Ne ratez surtout pas cette exposition, d’autant plus qu’elle est en plein centre d’Aurillac et… gratuite.

 

Philippe du Vignal

 

Les 4 morts du Président Petit

Les 4 morts du Président Petit  par la compagnie Délices Dada

 

presidentpetit.jpgLe Président Petit est un petit président (tant en taille qu’en importance) qui serait mort de quatre manières différentes, à en croire les journaux de l’époque : mort accidentelle, suicide, assassinat, enlèvement céleste ! À quelle version devons-nous porter crédit ? À vrai dire, peu importe : il ne s’agit pas, pour nous spectateurs, de démêler le vrai du faux dans ces histoires loufoques. Mais d’assister aux reconstitutions burlesques de ces  quatre hypothèses. Le sous-directeur temporaire de l’office du tourisme d’Aurillac (excusez du peu !), après avoir convoqué des experts en psychologie, accidentologie, criminologie, fait appel à une compagnie de théâtre qui aura pour mission de mettre en scène les différentes morts du Président Petit, ce qu’elle fait sous forme de tableaux d’une dizaine de minutes.
Dans ce  théâtre dans le théâtre,  s’installe un jeu entre deux niveaux de fiction :  celui de la mort du Président, et celui des comédiens et du présentateur (le très crédible Jeff Thiébaut, également créateur du projet). Le procédé-classique -porté avec simplicité et humour, est  efficace , non sans clin d’œil politique et satirique à notre petit président national, d’autant plus que les dates concordes, à cent ans près ! Le spectacle s’inscrit  dans les rues d’Aurillac. La compagnie « Délices Dada » utilise l’espace, les perspectives des ruelles, la lumière naturelle,  mais non pas de manière fortuite : tout est pensé et repensé en fonction de l’espace, confie une comédienne de la troupe. Notre regard se trouve ainsi canalisé par un cadre métallique, cadre d’une peinture urbaine et vivante. Les comédiens arrivent par une longue ruelle qui nous fait face : cette marche, du  lointain jusqu’au proche, en musique et en costumes du début XXème, produit son petit effet, comique et ludique ! Un second ancrage dans la rue consiste à ne pas nous proposer les quatre épisodes à la suite et en un même lieu, mais à des heures et en des endroits différents dont le dernier lieu ne nous est d’ailleurs révélé qu’à la suite du troisième épisode, ce qui, au suspens occasionné, ajoute un effet de fidélisation et de fédération de la communauté des spectateurs : nous étions de nombreux complices à nous retrouver pour cette quatrième mort du Président Petit. Cette itinérance est le témoin d’une volonté : celle de ne pas créer, dans la rue, un espace figé. Il s’agit donc d’un spectacle pensé avec et pour la rue ; drôle, tout en simplicité et subtilité, et gentiment sarcastique.

 

Nicolas Arribat

Congre et Homard

Festival d’Avignon

Congre et Homard  de Gael Octavia, mise en scène de Dominik Bernard.

La pièce a vu le jour après un processus intéressant que nous avons pu suivre de la Guadeloupe  jusqu’en Avignon.  Congre et Homard, a d’abord été présenté dans une mise en lecture en Guadeloupe il y a deux ans, et a pu se réaliser grâce à l’appui de   Textes en paroles, association guadeloupéenne qui œuvre à la promotion des écritures dramatiques de la Caraïbe soumises à la sélection d’ un jury international.
L’auteur Gael Octavia est martiniquaise; et les deux protagonistes sont joués par des Guadeloupéens Joel Jernider, et Dominik  Bernard. Sans entrer dans des commentaires historiques, il faut souligner  cette collaboration  qui  signifie un renouveau important du regard théâtral et une  ouverture importante du milieu vers toute la région de la Caraibe et des Amériques.
L’intelligence de ce dialogue pétillant de Gael Octavia est bien mise en valeur par la mise en scène de Dominik Bernard qui a su apporter de nouveaux profondeurs à cette rencontre trouble entre un pêcheur et  l’amant de sa femme. Un prologue mimé grâce au travail du metteur en scène, révèle l’angoisse, et la jalousie d’un mari trompé qui adore sa femme.
Ce prologue soumis à des effets d’éclairage glauques et liquides, nous prépare dès le départ, à une confrontation dramatique qui finira mal. Pourtant,  cela ne se déroule pas comme prévu : l’auteur , beaucoup trop espiègle, a préféré  créer  une ambiance chaotique de  rebondissements, d’ambiguités, de sentiments à la fois dévoilés et cachés, un peu à la manière du  jeu Touloulou du carnaval guyanais!
Il s’agit d’une drôle de rencontre dans un restaurant le jour de sa fermeture.  En effet, le  mari,  tend un piège  à l’amant de sa femme. Le public se rend déjà compte de la situation par la mise en contexte  du prologue mais l’invité lui,  ne sait pas que  le mari est au courant de son secret.  La  mise en scène profite des métaphores des deux bêtes de mer, le congre et le homard,  pour  évoquer  dès le départ , un espace liquide, symbole des  tourbillons de l’inconscient de ces deux hommes qui s’affrontent. C’est ainsi que le metteur en scène  apporte au spectacle un profondeur qui n’était pas du tout dans le texte et donne à l’œuvre un fond psychologique insoupçonné, une tonalité sombre, mystérieuse voire inquiétante qui nous bascule à droite et à gauche par le jeu des aveux chaotiques qui précipitent le dénouement.
Et voilà les deux adversaires qui s’affrontent à table. Le mari (Bernard) est agité et fou de jalousie. Mouvements  saccadés, discours  rapide et  quasi hystérique. L’autre (Jernidier), en revanche, reste presque  immobile, inquiet. Il n’ose pas bouger  ni ouvrir la bouche parce qu’il n’a pas encore compris le sens du jeu, ni pourquoi il a été convoqué.  Les rapports entre les deux sont  splendides, tendus… Peu à peu le mari révèle ses  motivations et les jeux de pouvoir se corsent, chacun essayant de prendre le dessus de l’autre par des aveux qui changent rapidement la donne et transforment vite les relations entre les deux hommes . Revanche de la femme?  Peut-être mais l’ambiguïté règne,  et  donne à cette rencontre tout son piquant.

Le texte annonce une auteure qui sait manier des dialogues pétillants, des rebondissements langagiers. Elle  pourrait certainement traiter de  questions humaines plus complexes,  d’une manière aussi efficace, et aussi merveilleusement théâtrale.
Quant à Dominik Bernard, cet acteur d’une grande sensibilité (il pourrait crier moins par moments ), est aussi un  metteur en scène qui sait creuser un texte pour en faire ressortir toutes les nuances psychologiques .   Grâce au travail de Bernard,  la pièce est devenue une comédie divertissante  et   une exploration de  l’inconscient des deux hommes qui affirment leur virilité et qui sont emportés dans une sorte de duo chaotique où chacun défend son  territoire affectif. Un regard  original sur  une situation souvent prise un peu trop à la légère.   Congre et Homard aura été  un des grands moments du Off.

Alvina Ruprecht
Chapelle du verbe incarné. Avignon, juillet 2011.
 
 

Les Sauveurs

Festival d’Avignon

 

Les Sauveurs de Ricardo Prieto, mise en scène de Ruddy Sylaire.

sauveurs.jpg  Ruddy Sylaire, acteur martiniquais d’origine haïtienne,  a mis en scène cette œuvre mystérieuse et captivante d’un auteur uruguayen, Ricardo Prieto. Sylaire est très connu du « off »  où il a participé à la création de Comme deux frères, de Maryse Condé, mise en scène par José Exélis en 2009. Il est aussi un habitué de la scène montréalaise puisqu’il y a joué  sous la direction de Denis Marleau  dans Nous étions assis sur le rivage du monde et Othello.
Au départ,  le thème de la pièce  paraît un peu banal.  Une famille avec peu de moyens ouvre sa maison à un  homme étrange mais très riche, qui leur propose un loyer excessif  pour une seule chambre. Et très vite, la situation devient difficile. Le père, incapable de résister,  accepte le comportement étrange de cet homme, moyennant des mensualités phénoménales.
Le personnage énigmatique et de plus en plus inquiétant, joué par l’acteur cubain Ricardo Miranda, est un être robotique aux allures de Hitler et de Juan Peron. Peu à peu, il s’insinue dans la maison, impose ses propres manières de vivre, finit par manipuler le père pour qu’il en arrive à chasser sa fille et sa femme.
Cette métaphore de la dictature se corse. Le récit d’un homme qui s’empare d’un peuple dépossédé ou bien tout simplement assoiffé des biens de consommation, montre que le protagoniste sinistre, est accompagné d’une créature volante, grimpante, et invisible. L’histoire,peuplé des êtres à  peine humaine, se déroule comme une allégorie grotesque d’un état totalitaire. L’auteur capte toutes les anomalies des dictateurs – la paranoïa, la méfiance, la brutalité, la jalousie. Il semble aussi que cette homme sans âme est totalement soumis par cette bête féroce invisible, voir transcendante, qui intervient dans toutes ses décisions.Les possibilités du récit sont infinies!
La hiérarchie des  opprimés est bien analysée et nous y trouvons de multiples niveaux de lecture qui rendent l’œuvre d’autant plus pertinente.   Le travail méticuleux de Sylaire donné toute sa force à ce conte de fées cauchemardesque pour adultes, qui  nous a tenu en haleine dès les premiers moments. Il faut signaler le travail de cette équipe internationale ( la Wabuza Compagnie) établie en Martinique et qui, en choisissant des textes de la Caraïbe hispanophone, est en train d’élargir les horizons du théâtre antillais.

Alvina Ruprecht

 

Les Sauveurs a été joué à la Chapelle du Verbe incarné.  

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