Don Giovanni, keine Pause

Don Giovanni, keine Pause, d’après Mozart, mise en scène de David Marton.

  Vous êtes prévenu : c’est sans entracte. Ça va vite, c’est allégé : trois musiciens, un clavier (parfois un piano), un violon, une guitare électrique et la musique y est. Parfois parasitée de quelques « scies » populaires, du genre Love story. Il faudrait plutôt dire : un pianiste de bar, une violoniste raide comme son archet (mais ne pas s’y fier) et un guitariste aux cheveux longs, car ils sont, autant que les chanteurs, acteurs du spectacle.
Côté livret : Da Ponte est abondamment coupé au profit de Sade et de sa réflexion sur la liberté, incompatible avec la morale. Désir et cruauté sont dans les “gênes“  de Don Juan, non pas à titre de repoussoir comme dans l’autosacramental espagnol d’origine, ni comme symptôme social du « grand seigneur méchant homme » de Molière (où il n’est pas que cela) : ici, avec l’aide de Sade, ils sont à l’état pur.
Donc, pas besoin d’un Don Juan. La fonction est assurée par une femme très androgyne, qui s’amuse à retourner la situation, par exemple, en coursant avec une belle énergie le très consentant et très craintif Leporello – en intellectuel chargé de raconter l’histoire -.
Côté musique, forcément étroitement tricotée avec ce livret irrévérencieux, on entend Mozart parfois comme dans notre salle de bains, parfois dans la mélancolie d’une fin de soirée entre copains, parfois aussi dans la plénitude des voix de ces magnifiques chanteurs-acteurs.
De la déconstruction de l’œuvre, reste le désir de réécouter cette musique – ou de l’écouter, pour ceux qui ne l’ont pas encore dans les oreilles-, et un très agréable sentiment de liberté à l’égard des codes de l’opéra.
Et la cruauté, consubstantielle à Don Juan, y compris sous son avatar Don Giovanni ? Elle sera pour le puriste, que sacrifient allégrement (allégrement, pour notre bonheur), le metteur en scène allemand et les siens.

 

Christine Friedel
MC 93 Bobigny, 01 41 60 72 72 , les 15, 17 et 18 octobre

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Archive pour 26 septembre, 2011

Le village de cristal

Le Village de cristal, de Fernand Deligny, mise en scène, scénographie et conception sonore d’Alexis Forestier.

 

 

  Le texte – inédit – de Fernand Deligny est arrivé à Alexis Forestier par des voies très personnelles, et ce n’est pas indifférent : il s’inscrit dans de sa quête obstinée du « Qu’est-ce qu’on fait là ? ». Bonne question pour qui s’expose sur scène, bonne question pour tous. On connaît Fernand Deligny comme pédagogue anti-institution, capable d’aider des enfants autistes, « débiles », délinquants, hors-normes en tous les cas, et de les faire  vivre ensemble, sans être obligés de parler ni d’entrer dans le moule.
Faire la cuisine, travailler le bois, ça peut être une façon de s’exprimer tranquillement. On connaît moins Deligny comme auteur de fiction. Ce Village de cristal pourrait bien être, plutôt qu’une fiction, une parabole. Gros, le “chef“  du village, sent la communauté, le commun, lui filer entre les doigts. Pris par l’inertie, il invente un danger : le “cristal“, qui va venir figer un à un les habitants et les enfants. Déjà, les sons ne parviennent plus de la vallée. Il faut, enfin, faire quelque chose (ceci n’étant qu’une version très simplifiée de cette histoire peu causante, et d’autant plus énigmatique).
Alexis Forestier installe dans l’espace  un réseau: un jeu de ficelles et de cordes toujours en mouvement, ici plutôt pièges et dangers qu’assurance face au vertige, mais… Deligny y verrait une « paille » dans le cristal, propre à empêcher sa solidification. Dans un bain amniotique de musique – tapis de synthétiseurs et ritournelles nécessairement répétitives -, les acteurs construisent en continu le lieu et les questions de leur histoire.
Une femme portant un broc d’eau sur sa tête trouve un équilibre parfait, même perturbé par les autres “villageois“. Ceux-ci traînent leurs outils, se réfugient dans une carcasse sans murs – il faut protéger les enfants -. Et tout ce travail n’empêche pas le “cristal“ de figer un à un les villageois, presque soulagés, finalement de n’avoir plus à se débattre. Ce Village de cristal est autre chose qu’un spectacle : une recherche en travail sous nos yeux. Entendons-nous bien : cette recherche n’a rien d’abscons ne de tâtonnant, elle est aboutie, construite. Aboutie, mais pas fermée. C’est un travail philosophique sur la matière : le sol de béton de l’Echangeur, l’eau, les ficelles, les miroirs parfois aveuglants, la lumière, les son, toujours présents et toujours en mouvement.
Ni le fil de la narration ni le sens de tout cela ne nous et donné à suivre : l’un et l’autre se construisent au fil de la représentation, de notre écoute, de la rêverie à laquelle nous sommes invités. Du reste, le terme de représentation n’est pas bon, et celui de performance ne convient pas non plus. Disons théâtre, nourri de musique, humble et ambitieux. Et cela « ne veut pas rien dire », comme disait Rimbaud.
Alexis Forestier et les Endimanchés ont su écouter la voix fragile de ceux qu’on enferme dans les institutions, et appris d’eux à entendre la vie autrement. Mais c’est dommage de rendre compte de façon intellectuelle d’un objet théâtral aussi radical et aussi sensible.

 

Christine Friedel

 

L’Echangeur – 01 43 62 71 20 – jusqu’au 30 septembre

 

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