FRICTIONS n° 17

FRICTIONS n° 17, théâtre écritures sous la direction de Jean-Pierre Han septembre  2011


17.jpg    Il faut saluer la publication de ce remarquable numéro que le rédacteur en chef préface sur l’intermittence de la pensée avec trois articles lumineux de Jean Jourdheuil, un dossier sur le collectif F 71 et un texte fulgurant de Raharimanana. éclairés par deux beaux Portfolios de Gilles Aillaud et de Titina Maselli.
Jourdheuil avec “le théâtre, la culture, les festivals, l’Europe et l’euro” retrace  sur 30 pages passionnantes ,la dégradation inexorable du théâtre public  trente ans  après 1975, avec l’avènement de la société de communication. Metteur en scène, traducteur, auteur d’analyses pertinentes, il a publié dès 1987 dans Libération un article sur Le théâtre immobile qui dénonçait la voie de garage, l’impasse artistique et sociale où le théâtre commençait à s’égarer avec le développement du système festivalier sous les auspices conjointes de Michel Guy et Jack Lang.
L’hégémonie montante du système télévisuel, la privatisation des chaînes publiques commençait à contaminer l’espace public. En 1994, dans La dérive spectaculaire encore publié par Libération, il développe la réflexion sur la société médiatique et l’importance croissante des supermarchés, la perte de la fonction sociale et politique des spectacles de théâtre, la crise des formes dramatiques. Il s’inquiète du public des théâtres, de la disparition, de l’extinction des projets politiques du théâtre en matière culturelle.
Lors d’un  colloque organisé au Quartz de Brest en 1997, il intervient avec un texte éclairé Grandeur et décadence du service public et après quoi ? qui sera publié dans Frictions en 2007. En 2008, pour le 40e anniversaire du TNP de Villeurbanne, dans un nouveau texte La déclaration de Villeurbanne, les nénuphars et les moulins à vent, il  achève de retracer la courbe de l’évolution de la destruction en marche du théâtre public.
Plusieurs analyses lucides de l’évolution de grands festivals, de Nancy, d’Automne et d’Avignon qui finissent par se ressembler, la comparaison avec la vie théâtrale en Allemagne où Jourdheuil a joué un rôle important, le changement du public avec la disparition des troupes dans les théâtres publics, la sous-traitance et la délocalisation, on va , dit-il vers une perte d’identité. “Les théâtres eux-aussi se sont pliés à l’économie de supermarché avec ses animations et ses campagnes promotionnelles (…) La figure du directeur et du metteur en scène des années 60 a ,pour l’essentiel, cédé la place à la figure du programmateur flanqué parfois d’un artiste en résidence ou d’un artiste associé. Quelle est aujourd’hui la relation du programmateur et de ses artistes ? Ne serait-elle pas analogue à celle d’un éleveur et ses volailles élevées en plein air ?”.
Tous ceux qui continuent à lutter dans l’ombre pour préserver un théâtre public et ils sont nombreux, artistes, passeurs et critiques consciencieux doivent lire ce beau numéro de 140 pages qui nous éclaire sur  la lutte à mener.


Edith Rappoport

www.revue-frictions.net


Archive pour 30 septembre, 2011

Le TNP s’ouvre en grand


 

Le T.N.P. s’ouvre en grand

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Christian Schiaretti, directeur du TNP depuis  dix ans,  avait décidé de revoir  l’architecture du bâtiment et, du coup, la conception même de cette salle devenue mythique. Le nouveau théâtre sera inauguré le 11 novembre prochain.  Roger Planchon  reçut en 58 la mission de diriger ce « Théâtre de la Cité ouvrière » qui prit en -suite le nom de Théâtre de la Cité, auquel , Jacques Duhamel, ministre des Affaires culturelles comme on disait alors, décida en 1972 d’attribuer le fameux sigle  T. N. P. ,  jusque là  dévolu au Théâtre de Chaillot. Planchon s’entoura alors de Patrice Chéreau,  puis en 86 de Georges Lavaudant, et c’est Christian  Schiaretti qui lui succèdera. Il aura la volonté de poursuivre le travail de ceux qui l’on précédé avec à la fois, la mise en scène des grands classiques comme L’opéra de quat’sous,   Coriolan ou L’Annonce faite à Marie et montera aussi sept farces et comédies de Molière, ou encore Créanciers et Mademoiselle Julie de Strindberg, et enfin Par-dessus bord de Michel Vinaver et invitera Valère Novarina, Jöel Pommerat ou Olivier Py.
Il créera aussi une troupe permanente de douze comédiens pour la plupart issus de l’ENSATT, dont deux- Olivier Borle et Jérôme Quintard, d’abord passés par l’Ecole du Théâtre national de Chaillot. Christian Schiaretti a beaucoup insisté dans sa conférence de presse sur la notion de transmission et d’histoire du T.N.P. qui dépasse, dit-il avec raison, celle des individus: la sienne, celle de ceux qui l’ont précédé ou qui lui succéderont. Et on le sent un peu obsédé de travailler déjà sa propre succession  » en rendant une lecture claire de notre histoire » pour préserver l’outil de travail qu’il a réussi, au fil des années, à mettre en place. Un livre Les Aventures du T.N.P.  dirigé par André Degaine, malheureusement décédé entre temps, a quand même vu le jour avec des textes de Jean-Pierre Jourdain et des illustrations de Jean-Pierre Desclozeaux.
Le directeur du T.N.P. , peu de temps après avoir avoir pris  ses fonctions, a aussi vu que cette transmission à laquelle il tenait tant, ne pouvait aller sans une profonde rénovation du bâtiment existant conçu par Môrice Leroux, bâtiment qui a  80 ans , et qui a fait partie d’un aménagement urbain du centre de Villeurbanne avec six immeubles dits gratte-ciels et  deux tours d’habitation,  et un Hôtel de Ville. Même si Roger Planchon avait fait rénover la salle, un nouvel aménagement  du théâtre s’avérait indispensable, et, après plus de trente mois de travaux, le nouveau théâtre et la place  ont été complètement réhabilités; l’aménagement  a fait l’objet d’un concours remporté conjointement par le cabinet d’architecture Fabre/ Speller et Massimo Scheurer de l’agence milanaise A rassociati.
Les deux architectes n’en sont pas à leur coup d’essai ( Fabre fut l’ élève du du grand architecte américain Aldo Rossi) et ont restructuré le Théâtre de la Cité Internationale de Paris, La Fenice de Venise, le Théâtre-Opéra Marinsky de Saint-Petersbourg. Et ils travaillent actuellement à la rénovation du cinéma Le Louxor à Paris.
Ce qui frappe, quand on voit les photos, c’est la prise en compte intelligente de l’ensemble architectural : rénovation des façades telles qu’elles étaient en 1930 , mais aussi création d’un véritable outil  de travail mis au service du spectacle vivant : agrandissement de la cage de scène, avec un gril situé à plus de 31 mètres du plateau, ascenseur de scène, création d’une zone de coulisses qui n’existait pas avant et ,dans la salle dont la jauge est de 667 places , conservation de la forme en coquille Saint-Jacques mais suppression des allées. En plus du petit théâtre ouvert en 2009, ont été créées quatre salles de répétition,qui pourront éventuellement recevoir du public le lieu d’une activité dense où travaillent les acteurs dit Schiaretti, et un atelier de costumes et un espace de stockage. Et encore un restaurant, à des prix abordables, ce qu’il n’y a plus à Chaillot, berceau du T.N.P.  depuis longtemps déjà! avec une scène de cabaret. Le financement ? 1/3 Ville, 1/3 Etat, et 1/3 Région Rhône-Alpes et Grand Lyon. Ce qui représente à la fois une volonté commune et sans doute pas mal d’efforts de Schiaretti et des ses collaborateurs pour faire aboutir le projet. L’équipe comprendra 50 permanents, et  nombre d’intermittents.   Au programme de cette rentrée exceptionnelle, la création le 11 novembre prochain de Ruy Blas, la pièce mythique de Victor Hugo qui,  rappelle justement Christian Schiaretti,  a utilisé les trois mots: théâtre, national et populaire dans la préface de Marion Delorme en 1930, soit juste un siècle avant la construction de la salle  de Villeurbanne. « Il  y a dit-il, , une opposition entre les forces surpuissantes  qui amène à dépasser la simple lecture historique ou politique » .
La nouvelle saison s’ouvrira aussi par l’exposition temporaire de la collection personnelle de  masques, notamment asiatiques, de Ehrard Stiefel,  le remarquable concepteur des masques du Théâtre du Soleil. Il y a aussi une autre initiative que revendique Schiaretti, c’est d’associer l’aventure du T.N.P. à celle des Tréteaux  de France maintenant dirigés par Robin Renucci, qui organiseront une tournée de ce  Ruy Blas, et un partenariat avec le T.N.S. et sa directrice Julie Brochen déjà débuté en juin 2011 avec la création de la première partie de l’intégralité du Graal Théâtre qui continuera  en 2012, une manière de saluer Firmin Gémier , le créateur du T.N.P. et son théâtre ambulant.
Le répertoire du T.N.P.  sera aussi mis à profit avec les farces et comédies de Molière, Mademoiselle Julie et Les Créanciers de Strindberg, Don Quichotte, La Jeanne de Delteil… et plusieurs coproductions dont le livre XI des Confessions de Saint-Augustin par Denis Guénoun.
On ne peut que souhaiter longue vie à ce  nouveau T.N.P… et on vous tiendra au courant.

 

Philippe du Vignal

 

T.N.P. : www.tnp-villeurbanne.com

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