Démon

 

Démon mise en scène de Dmitry Krymov

moscou010.jpgC’est à un théâtre d’images très particulier que nous invite Dmitry Krymov d’après un poème «Démon» de l’écrivain russe Mikhaïl Lermontov.
Ce spectacle est emblématique des origines artistiques de Krymov,  fils d’un grand metteur de Moscou,  et travaille surtout avec des artistes qui sont issus, comme lui, des écoles d’arts plastiques. Il offre au public un livre d’images  à regarder d’en haut .Ce qui constitue l’une des qualités du spectacles mais aussi l’un de ses défauts. Il vient d’être  joué  à l’école d’art dramatique d’Anatoli Vassiliev fondée en 1987 qui comprend plusieurs studios de répétition et des salles de spectacles dont l’une,  en forme de puit, appelée le  « globus  » comporte trois étages de spectateurs sur deux rangs pour une jauge de 150 personnes et une base de plateau circulaire où se joue Démon.  Ce qui rend ce spectacle  difficilement exportable à moins d’adapter sa scénographie.
Créé en 2006, il a reçu un « Masque d’or » dans la catégorie du théâtre expérimental et reste au répertoire de la compagnie. Le public placé au-dessus du jeu voit se dérouler devant lui un grand livre d’images sans texte mais avec une riche illustration musicale: extraits de Bach et Tchaîkovski,  sons de l’alphabet morse,  voix de Léon Tolstoï, bruits de la nature et du vent, de la pluie et de la  mer, etc….
La représentation débute quand  le plateau de scène s’enfonce d’un niveau avec la troupe et qu’une étrange forme noire  s’envole. Plusieurs tableaux se succèdent, les feuilles blanches posées au sol sont tour à tour peintes, dessinées, découpées, ou mises en volume avec talent par les artistes de Krymov. Le spectacle relève d’une  « performance », dont  la narration n’est pourtant pas absente. Les images sont en effet construites en référence  avec  l’histoire artistique russe de l’époque de Lermontov.
Adam et Eve, formes fragiles dessinées sur le papier ,initient le récit qui se termine par l’image du profil de l’auteur. Au milieu des tempêtes de neige, on  voit l’évocation de Gogol qui brûle le tome II de son œuvre emblématique «Les Ames mortes», ou une ballerine en perdition.. Des images vidéo sont aussi  projetées sur une toile blanche.
Le matériau papier est bien utilisé, et,  à la différence d’un théâtre d’images comme celui de Philippe Genty, les transitions entre les scènes ne sont pas masquées, ce qui nuit un peu à la fluidité du spectacle.
Mais ce mille-feuilles artistique réussit à nous emporter en voyage dans la folie de la culture russe.

Jean Couturier

Spectacle de l’Ecole d’art dramatique d’Anatoli Vassiliev à Moscou


Archive pour 5 octobre, 2011

L’Augmentation

L’Augmentation de Georges Perec, mise en scène d’Anne-Laure Liégeois.

 

  perec.jpgAnne-Laure Liégeois reprend ce texte de Perec qu’elle avait autrefois monté à Chatenay-Malabry , texte devenu non une véritable pièce mais une sorte de performance.  88 pages, sans aucune autre ponctuation que le dernier point, sans majuscules, avec, pour aérer les choses, quelques images: un œuf dans un coquetier,une horloge, une poule, des poissons décrit,  dans la logique implacable qui figure dans l’organigramme présenté au début du livre, Perec  décrit la stratégie utilisée par M. X… pour arriver jusqu’au bureau de son patron et pour lui soutirer une augmentation de salaire. Dans un style aussi brillant et intelligent que volontairement exaspérant,  avec de légères variations à chaque reprise de la même phrase.
Perec sait manier la répétition avec une virtuosité comparable à celle de Phil Glass en musique, du genre: «  Ayant mûrement réfléchi ayant pris votre courage à deux mains vous vous décidez à aller trouver votre chef de service pour lui demander une augmentation vous allez donc trouver votre chef de service disons pour simplifier car il faut toujours simplifier qu’il s’appelle monsieur xavier c’est à dire monsieur ou plutôt Mr x donc vous allez trouver mr x là de deux choses l’une ou bien mr x est dans son bureau ou bien Mr x n’est pas dans son bureau si Mr x était dans son bureau il n’y aurait apparemment pas de problème mais évidemment Mr x n’est pas dans son bureau vous n’avez donc guère qu’une chose à faire guetter dans le couloir son retour ou son arrivée ».    Perec, de toute évidence, s’amuse de ce langage mis en abyme  qu’il a réussi à mettre au point et  qu’il  propose avec un certain cynisme au lecteur: avec une logique absolument infaillible, à la fin,  le serpent semble se mordre  la queue, puisque cette quête du chef de service, dans une inflation qui finit par épuiser le lecteur, semble absolument vaine: nous  sommes comme invités par Perec à retourner au début du texte!
Cette Augmentation a quelque chose de fascinant pour un metteur en scène: il  doit à la fois se soumettre aux contraintes qu’impose le texte de Perec et, en même temps, a toute liberté pour construire son spectacle. Anne-Laure Liégeois,  elle, a choisi, de le faire interpréter par un homme et une femme qui se répartissent cette longue et unique phrase, ce qui suppose à la fois une belle énergie, une diction et une gestuelle impeccables, donc un solide métier.
Olivier Dutilloy et Anne Grouard, d’abord assis devant la table sans bouger, coincés dans l’espace très réduit d’une un petite scène installée sur la grande, sont impeccables. quand ils jouent les employés pas très finauds de la grande entreprise. Même si, au début, le texte est un peu surjoué et si, ensuite, ils criaillent parfois sans nécessité apparente.
Ce qu’Anne-Laure Liégeois aurait pu nous  épargner même si, par ailleurs, elle réalise un   travail d’orfèvre sur la phrase qu’aurait sans doute beaucoup apprécié Perec.
A voir? Le spectacle est peut-être un peu court pour faire une soirée mais c’est quand même un vrai bonheur que de retrouver l’écriture de Perec avec  ses procédés de composition et son incomparable virtuosité à jouer avec la langue française,dans les contraintes qu’il s’impose…  alors que le texte n’avait  pas été conçu pour un plateau de théâtre.

 

Philippe du Vignal

 

 Le spectacle après avoir été joué au cours de la soirée du 40 ème anniversaire du Théâtre 71 de Malakoff, est actuellement au Théâtre du Rond-Point .6 oct. – 6 nov., 21:00 salle Roland Topor dimanche, 18:30 relâche les lundis et les 9 oct. , 13 oct. , 20 oct, 27 oct. et 1 nov.

Georges Perec, L’Art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation, postface de Bernard Magné, Hachette Littératures, 105 p., 12 €.

 

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