L’Augmentation
L’Augmentation de Georges Perec, mise en scène d’Anne-Laure Liégeois.
Anne-Laure Liégeois reprend ce texte de Perec qu’elle avait autrefois monté à Chatenay-Malabry , texte devenu non une véritable pièce mais une sorte de performance. 88 pages, sans aucune autre ponctuation que le dernier point, sans majuscules, avec, pour aérer les choses, quelques images: un œuf dans un coquetier,une horloge, une poule, des poissons décrit, dans la logique implacable qui figure dans l’organigramme présenté au début du livre, Perec décrit la stratégie utilisée par M. X… pour arriver jusqu’au bureau de son patron et pour lui soutirer une augmentation de salaire. Dans un style aussi brillant et intelligent que volontairement exaspérant, avec de légères variations à chaque reprise de la même phrase.
Perec sait manier la répétition avec une virtuosité comparable à celle de Phil Glass en musique, du genre: « Ayant mûrement réfléchi ayant pris votre courage à deux mains vous vous décidez à aller trouver votre chef de service pour lui demander une augmentation vous allez donc trouver votre chef de service disons pour simplifier car il faut toujours simplifier qu’il s’appelle monsieur xavier c’est à dire monsieur ou plutôt Mr x donc vous allez trouver mr x là de deux choses l’une ou bien mr x est dans son bureau ou bien Mr x n’est pas dans son bureau si Mr x était dans son bureau il n’y aurait apparemment pas de problème mais évidemment Mr x n’est pas dans son bureau vous n’avez donc guère qu’une chose à faire guetter dans le couloir son retour ou son arrivée ». Perec, de toute évidence, s’amuse de ce langage mis en abyme qu’il a réussi à mettre au point et qu’il propose avec un certain cynisme au lecteur: avec une logique absolument infaillible, à la fin, le serpent semble se mordre la queue, puisque cette quête du chef de service, dans une inflation qui finit par épuiser le lecteur, semble absolument vaine: nous sommes comme invités par Perec à retourner au début du texte!
Cette Augmentation a quelque chose de fascinant pour un metteur en scène: il doit à la fois se soumettre aux contraintes qu’impose le texte de Perec et, en même temps, a toute liberté pour construire son spectacle. Anne-Laure Liégeois, elle, a choisi, de le faire interpréter par un homme et une femme qui se répartissent cette longue et unique phrase, ce qui suppose à la fois une belle énergie, une diction et une gestuelle impeccables, donc un solide métier.
Olivier Dutilloy et Anne Grouard, d’abord assis devant la table sans bouger, coincés dans l’espace très réduit d’une un petite scène installée sur la grande, sont impeccables. quand ils jouent les employés pas très finauds de la grande entreprise. Même si, au début, le texte est un peu surjoué et si, ensuite, ils criaillent parfois sans nécessité apparente.
Ce qu’Anne-Laure Liégeois aurait pu nous épargner même si, par ailleurs, elle réalise un travail d’orfèvre sur la phrase qu’aurait sans doute beaucoup apprécié Perec.
A voir? Le spectacle est peut-être un peu court pour faire une soirée mais c’est quand même un vrai bonheur que de retrouver l’écriture de Perec avec ses procédés de composition et son incomparable virtuosité à jouer avec la langue française,dans les contraintes qu’il s’impose… alors que le texte n’avait pas été conçu pour un plateau de théâtre.
Philippe du Vignal
Le spectacle après avoir été joué au cours de la soirée du 40 ème anniversaire du Théâtre 71 de Malakoff, est actuellement au Théâtre du Rond-Point .6 oct. – 6 nov., 21:00 salle Roland Topor dimanche, 18:30 relâche les lundis et les 9 oct. , 13 oct. , 20 oct, 27 oct. et 1 nov.
Georges Perec, L’Art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation, postface de Bernard Magné, Hachette Littératures, 105 p., 12 €.
J’aimerais répondre à Monsieur de Vignal, lui signaler que le texte de Perec dont il parle n’est pas celui qui est joué dans le spectacle. Je déplore vivement cette confusion qui vous entraîne, Monsieur, à écrire des choses absurdes et insensées. Je ne pense pas qu’il ait pu être question d’un oeuf ni d’un monsieur X dans l’aventure que nous présentons! Il y a une ponctuation, des formes syntaxiques qui se partagent la parole, le texte est issu d’un livre de théâtre comme en atteste la couverture « Théâtre I ». Nous ne parlons pas du même texte, je parle du théâtre vous parlez du roman. J’ai mis en scène « l’Augmentation » vous dressez une critique de « l’Art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation »! Comme vous l’avez remarqué je mets en scène ce texte tous les 10/15 ans en en changeant la mise en scène, travaillant ainsi sur la « tentative d’épuisement » chère à Perec. Ainsi rendez-vous dans 15 ans avec cette fois en main le bon texte!!
bien cordialement.
Anne-Laure Liégeois
anne laure liégeois