Baroufs

Baroufs, (Barouf à Chioggia), de Goldoni, nouvelle traduction de Jean-Paul Manganaro, mise en scène Frédéric Maragnani.

 

Le rideau s’ouvre sur deux rangées de femmes occupées à leur tricot. Un « coq » a le malheur de survenir, et cette basse-cour se répand en piaillements jaloux et criailleries. Une chicanerie de rue que les irrépressibles cancans ont tôt fait de répandre dans les foyers : dès leur retour chez elles, sœurs et épouses, incapables de tenir leur langue, dénoncent l’affaire à leurs hommes et se répandent en accusations sur leurs voisines. Le barouf est lancé..
Cette chamaillerie provoque une altercation armée qui ira résonner jusqu’aux oreilles de la « substitute » du chancelier. Une plainte est donc déposée et l’on mène alors des interrogatoires afin d’éclaircir la situation et d’éviter si possible un procès grâce à une réconciliation.

Jean-Paul Manganaro a retraduit le texte et rend à la langue de Goldoni des accents populaires, en s’amusant à jouer sur les mots: « Z’est-il bon ? », « Ça m’est bien légal »… Déstructurée, la grammaire obéit dans Baroufs à une nouvelle logique, celle du comique. Dans cet univers de la rue, plus enclos sur lui-même qu’il n’y paraît, chacun se trouve en outre affublé d’un sobriquet qui le suit à la trace: cela peut être un jeu verbal quand il (Checca Boudin), ou un qualificatif rappelant un trait de personnalité (Toffolo l’Alcoolo). Ce texte, auquel on s’habitue progressivement, joue sur la répétition et sur des formules  qui finissent par s’ancrer dans l’esprit du spectateur, avec un effet comique certain (ainsi la révérencieuse appellation de « lustrissime » pour qualifier la « substitute »).
Jeux sur l’oralité en accord avec la mise en scène de Frédéric Maragnani, qui se dit très attaché à la musique des mots. Tout le spectacle se déroule en effet dans un délirant charivari. Les relations dans la pièce de Goldoni sont très souvent houleuses, les clans ne cessent de changer et l’autorité n’est jamais où l’on croit, et se partage entre hommes et femmes (Dona Libera est d’ailleurs astucieusement jouée par un homme, Jean-Paul Dias).
Nous sommes plongés dans un monde carnavalesque qui n’est pas sans évoquer parfois celui des cités : des racailles se battent derrière les poubelles, la promiscuité pousse chacun à écouter aux portes,…etc. Quant aux costumes, ils rappellent un éclectisme un peu vulgaire et correspondent en gros à l’image que l’on se fait de l’Italie populaire (surtout pour Dona Pasqua, que Christine Gagnieux interprète avec une présence posée, rassérénante dans cette cacophonie et ce tourbillon de folie. Mais  où-et c’est dommage- la compréhension n’est pas toujours au rendez-vous).
L’accent est aussi mis sur les couleurs : motifs des costumes, coiffures aux coloris surprenants de ringardise, tandis que les représentants de l’administration sont vêtus d’un beige conventionnel. Les habitants du port qui évoluent sur un plateau métallique, se heurtent ainsi à un monde mécanique et froid, celui d’une puissante administration: c’est un haut-parleur qui annonce à chacun, avec une voix off hésitante, sa convocation au tribunal, et cela a un côté «  Big Brother » mais tout fait ridicule, quand cette voix off avoue ne faire que transmettre les ordres sans savoir ce qu’il en est vraiment. C’est dire, grâce à ce procédé tout à fait efficace,  l’absurde machinerie de cette administration qui s’efforce avec maladresse d’encadrer les démarches impromptues de l’homme.
La joyeuse folie humaine, toute en couleurs et en impulsions, se débat dans un monde métallique qui l’infantilise, et qui lui est inadapté (le plateau incliné représentant la rue ne facilite pas en effet les déplacements!). Quant au langage populaire, il devient alors un patois grotesque dans la bouche du Patron Fortunato, interprété pour notre plus grand plaisir par un Philippe Vieux qui ne lésine pas sur la gestuelle et le langage corporel pour se faire comprendre-sans succès-par la subsitute). Mais ce joyeux bazar reste savamment orchestré par une mise en scène qui maîtrise l’art des tableaux.
Baroufs
est un spectacle énergique et savoureux, portée par une équipe qui réussit à nous entraîner sans même user du recours, fréquent chez les jeunes compagnies mais un peu facile, d’un accompagnement musical…

Élise Blanc

 durée 1h15

Au Théâtre de l’Ouest Parisien jusqu’au 16 octobre.

 

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Archive pour 9 octobre, 2011

Baroufs

Baroufs, (Barouf à Chioggia), de Goldoni, nouvelle traduction de Jean-Paul Manganaro, mise en scène Frédéric Maragnani.

 

Le rideau s’ouvre sur deux rangées de femmes occupées à leur tricot. Un « coq » a le malheur de survenir, et cette basse-cour se répand en piaillements jaloux et criailleries. Une chicanerie de rue que les irrépressibles cancans ont tôt fait de répandre dans les foyers : dès leur retour chez elles, sœurs et épouses, incapables de tenir leur langue, dénoncent l’affaire à leurs hommes et se répandent en accusations sur leurs voisines. Le barouf est lancé..
Cette chamaillerie provoque une altercation armée qui ira résonner jusqu’aux oreilles de la « substitute » du chancelier. Une plainte est donc déposée et l’on mène alors des interrogatoires afin d’éclaircir la situation et d’éviter si possible un procès grâce à une réconciliation.

Jean-Paul Manganaro a retraduit le texte et rend à la langue de Goldoni des accents populaires, en s’amusant à jouer sur les mots: « Z’est-il bon ? », « Ça m’est bien légal »… Déstructurée, la grammaire obéit dans Baroufs à une nouvelle logique, celle du comique. Dans cet univers de la rue, plus enclos sur lui-même qu’il n’y paraît, chacun se trouve en outre affublé d’un sobriquet qui le suit à la trace: cela peut être un jeu verbal quand il (Checca Boudin), ou un qualificatif rappelant un trait de personnalité (Toffolo l’Alcoolo). Ce texte, auquel on s’habitue progressivement, joue sur la répétition et sur des formules  qui finissent par s’ancrer dans l’esprit du spectateur, avec un effet comique certain (ainsi la révérencieuse appellation de « lustrissime » pour qualifier la « substitute »).
Jeux sur l’oralité en accord avec la mise en scène de Frédéric Maragnani, qui se dit très attaché à la musique des mots. Tout le spectacle se déroule en effet dans un délirant charivari. Les relations dans la pièce de Goldoni sont très souvent houleuses, les clans ne cessent de changer et l’autorité n’est jamais où l’on croit, et se partage entre hommes et femmes (Dona Libera est d’ailleurs astucieusement jouée par un homme, Jean-Paul Dias).
Nous sommes plongés dans un monde carnavalesque qui n’est pas sans évoquer parfois celui des cités : des racailles se battent derrière les poubelles, la promiscuité pousse chacun à écouter aux portes,…etc. Quant aux costumes, ils rappellent un éclectisme un peu vulgaire et correspondent en gros à l’image que l’on se fait de l’Italie populaire (surtout pour Dona Pasqua, que Christine Gagnieux interprète avec une présence posée, rassérénante dans cette cacophonie et ce tourbillon de folie. Mais  où-et c’est dommage- la compréhension n’est pas toujours au rendez-vous).
L’accent est aussi mis sur les couleurs : motifs des costumes, coiffures aux coloris surprenants de ringardise, tandis que les représentants de l’administration sont vêtus d’un beige conventionnel. Les habitants du port qui évoluent sur un plateau métallique, se heurtent ainsi à un monde mécanique et froid, celui d’une puissante administration: c’est un haut-parleur qui annonce à chacun, avec une voix off hésitante, sa convocation au tribunal, et cela a un côté «  Big Brother » mais tout fait ridicule, quand cette voix off avoue ne faire que transmettre les ordres sans savoir ce qu’il en est vraiment. C’est dire, grâce à ce procédé tout à fait efficace,  l’absurde machinerie de cette administration qui s’efforce avec maladresse d’encadrer les démarches impromptues de l’homme.
La joyeuse folie humaine, toute en couleurs et en impulsions, se débat dans un monde métallique qui l’infantilise, et qui lui est inadapté (le plateau incliné représentant la rue ne facilite pas en effet les déplacements!). Quant au langage populaire, il devient alors un patois grotesque dans la bouche du Patron Fortunato, interprété pour notre plus grand plaisir par un Philippe Vieux qui ne lésine pas sur la gestuelle et le langage corporel pour se faire comprendre-sans succès-par la subsitute). Mais ce joyeux bazar reste savamment orchestré par une mise en scène qui maîtrise l’art des tableaux.
Baroufs
est un spectacle énergique et savoureux, portée par une équipe qui réussit à nous entraîner sans même user du recours, fréquent chez les jeunes compagnies mais un peu facile, d’un accompagnement musical…

Élise Blanc

 durée 1h15

Au Théâtre de l’Ouest Parisien jusqu’au 16 octobre.

 

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