Tartuffe

Tartuffe, de Molière, mise en scène Éric Lacascade

Ça commence par un beau décor de bois blond, avec ce qu’il faudra de portes qui claquent, de transparences, de paravents, et de rideaux derrière lesquels s‘esquiver vite fait. Plus un grand escalier – « l’ai-je bien descendu » – et quelques gadgets qui font plaisir. C’est en quelque sorte la vitrine d’exposition de cette famille-là, ce jour-là. Famille signifie groupe d’acteurs, qui ont à expérimenter ensemble leur jeu, sur le terrain de la pièce. Tous sont vêtus de costumes presque modernes, en noir et blanc (à l’exception de l’exempt final qui est en blanc et noir, nuance !), et l’expérience peut commencer.

tartuffe2.jpgSomme toute, elle marche bien, le public est content, et rit aux bons endroits, à ce qu’il reconnaît. Cela semble inévitable : quels trésors faudrait-il déployer pour que les répliques illustres redeviennent inouïes ? Ce qui ressort de cette expérimentation revendiquée par le metteur en scène dans sa note d’intentions, c’est le caractère hétérogène de la pièce : il y trouve des moments de franche rigolade – la scène de dépit amoureux entre Marianne et Valère -, il étire parfois des gags, joue de la “photo de famille“, et n’évite pas, cependant, les moments graves.

En somme, un Tartuffe plutôt agréable à voir, mais qui n’apporte rien de nouveau sur la lecture de la pièce. Comme la plupart de ses prédécesseurs, Éric Lacascade n’a pas su trop quoi faire, du moins au début, de son “raisonneur“ : on attend que ça passe, il y a mieux à trouver. En revanche, dans la figure du Tartuffe qu’il joue lui-même, il apporte quelque chose d’inédit : il ne joue ni le séducteur, ni le chaffoin, ni, ni… Il est là, et il s’impose, c’est tout. Et c’est vraiment tout ce que fait Tartuffe, en effet, dans la famille d’Orgon : il est là, et il s’impose. Le reste – paroles pieuses, gestes sensuels – n’est que broutilles. Inconvénient : ces broutilles, sur scène, sont effacées par cette présence massive. Mais ça marche quand même. Les autres comédiens sont inégaux. On est bien obligé de sortir du lot, une fois de plus, Norah Krief : elle trouve la vraie énergie et l’humour charnel de sa Dorine.

« Alors, à voir ? », comme dirait notre maitre Philippe Du Vignal. Certainement : un Tartuffe plaisant, qui n’épuise pas le sujet.

Christine Friedel

Les Gémeaux (Sceaux) 01 46 60 05 64 – jusqu’au 23 octobre


Archive pour 10 octobre, 2011

Bérénice

Bérénice, de Jean Racine, mise en scène Muriel Mayette.

10101510.jpgExercice imposé, exercice difficile : la patronne de la Maison de Molière se mesure à Racine, et  sa tragédie dont il vante la minceur de l’intrigue : « invitus invitam dimisit », « il la renvoya malgré lui, malgré elle ». On ne racontera pas l’histoire, tout le monde la connaît, avec le personnage presque comique d’Antiochus qui espère à chaque acte récupérer Bérénice quittée par Titus, et se voit à chaque acte repoussé par elle.
Dans le même péristyle qui avait abrité la ronde tragique des amours d’Andromaque, Muriel Mayette nous présente une Bérénice « janséniste ». À savoir : pas de costumes « d’époque », ni celle de l’écriture, ni celle de la fiction – ni vraiment d’aujourd’hui. Pas d’interprétation politique ; du reste, là-dessus, Racine est quand même moins bon que son vieux rival Corneille. Pas de clins d’œil à l’actualité du Moyen-Orient. Pas de tentative d’interprétation psychanalytique ou autre. Juste le vers, et si possible l’émotion.
Cela fait peu. Racine a beau être un grand lyrique, il est aussi dramaturge, et les situations des personnages sont ici gommées par  excès de pudeur – pour ne pas dire sécheresse – de la mise en scène. Le malheureux alexandrin s’en ressent : il coule tiède, et l’on se prend à imaginer comment le comédien ou la comédienne aurait pu y faire entrer la vie, et le drame. On se prend à se souvenir de la mise en scène de Vitez, ou  de celle de Grüber. Mais enfin, une nouvelle mise en scène ne devrait pas nous laisser une seconde pour penser à celles qui l’ont précédée !
Bon, il ne s’agit ni de souligner des intentions d’interprétation, ni de faire un sort à chaque mot, à chaque syllabe, mais enfin ! Aurélien Recoing reste sur une constante déclamation grimaçante, Martine Chevalier sur une retenue grondeuse, d’autant plus qu’elle n’est pas aidée par un corset de diva sans le chant et par un maquillage qui la vulgarise. Quant aux  amoureux mythiques, ils  semblent fatigués l’un de l’autre et mécontents de tout!
L’Antiochus de Jean-Baptiste Malartre est un peu plus nuancé, mais son « hélas » final ferait presque rire : tout cela est bien froid! Ce soir-là, nous sommes sortis déçus, fâchés, à l’image de ces héros amers et ennuyés…
Si l’on veut entendre le lyrisme vibrant de la séparation de deux êtres passionnés, laissez tomber cette Bérénice – Racine s’en relèvera – et allez au T2G à Gennevilliers écouter Audrey Bonnet et Stanislas Nordey dans Clôture de l’amour, texte et mise en scène de  Pascal Rambert.
On en sort lessivé, atteint, et éperdument reconnaissant à l’auteur/metteur en scène et aux acteurs.

Christine Friedel

Comédie-Française, salle Richelieu (en alternance)

 

 

J’AURAIS VOULU ÊTRE ÉGYPTIEN

J’aurais voulu égyptien, d’après le roman Chicago d’ Alaa El Aswany, adaptation et mise en scène de  Jean-Louis Martinell.

“La représentation revêt la forme d’une nuit américaine de théâtre où la répétition se dévoile comme une représentation d’elle-même à l’épreuve du roman en chantier”…déclare Jean-Louis Martinelli. Le spectacle se présente comme une étrange répétition inachevée: les neuf acteurs sont assis autour d’une grande table, et la quittent pour interpréter leurs personnages dans un décor dépourvu de tout réalisme. Nagui, jeune poète égyptien, est venu faire des études d’histologie à Chicago, mais il perd la faculté d’écrire qu’il retrouve quand il tombe  amoureux de Wendy, un jeune femme juive qui finira par le quitter. Maroua, mal mariée à Danana, un médecin égyptien installé à Chicago, qui est  musulman intégriste ; mais là, c’est elle  qui veut  le quitter  mais elle n’y parvient pas.
Saleh, lui aussi médecin égyptien ; il est devenu impuissant et finit par quitter sa femme américaine, et  il sauvera la vie de Danana qu’il déteste , en l’opérant. Nagui , lui, s’obstine à faire signer une pétition contre l’arbitraire et la répression en Égypte au moment de la venue du Président à Chicago, pétition qui ne lui parviendra pas.
Au terme du printemps arabe qui ne débouche pas encore sur des lendemains qui chantent, ce spectacle bizarre, bien interprété (entre autres et surtout Mounir Margoum tout à fait remarquable) gagnerait à être élagué dans sa deuxième partie.  Et c’est vraiment plus de vingt minutes qu’il faudrait couper ! 


Edith Rappoport

D’après le roman Chicago de Alaa El Aswany, adaptation et mise en scène Jean-Louis Martinelli

Théâtre des Amandiers de Nanterre, jusqu’au 21 octobre. T:  01 46 14 70 00

http://www.dailymotion.com/video/xl4gx9

 

INSTANTS CRITIQUES

INSTANTS CRITIQUES  Adaptation François Morel et Olivier Broche, mise en scène François Morel, avec Olivier Broche et Olivier Saladin

Au petit matin, dans un demi sommeil, François Morel avait déclenché un rire salutaire à la radio, en évoquant les bagarres homériques à venir entre socialistes acharnés à faire triompher par leurs divergences, le petit président au pouvoir ! Ces anciens compères de Jérôme Deschamps s’attaquent avec une belle virulence au mythique duo Charensol-Bory lors de l’émission Le masque et la plume. Dans le décor d’une vieille salle de cinéma, ils incarnent Jean-Louis Bory et Georges Charensol débattant sur les grands films qui ont éclairé notre jeunesse de Godard à Pasolini, en passant par ceux de Truffaut, Pasolini, Oshima, Rohmer et Jacques Demy, s’étrillant sur les grands succès populaires de Gérard Oury, Coppola et Marco Ferreri…

Au delà de beaux souvenirs laissés par de grands films, on revit avec un grand plaisir une époque où de vrais critiques cultivés et respectés, doués d’une vraie plume, savaient animer des débats toniques dans une presse qui savait faire autre chose que servir une fade soupe publicitaire.

Edith Rappoport

Théâtre 71 de Malakoff,  Jusqu’au 23 octobre, www.theatre71com

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Une soirée entre amis

Une soirée entre amis, de Harold Pinter

 

  pintersoire769e.jpgLa compagnie « La parade d’Octave » met en scène à l’Aktéon Théâtre quatre courtes pièces de Harold Pinter : Le nouvel ordre mondial, Une soirée entre amis, Football américain et Mort. Il s’agit de textes truculents, transcrivant dans un langage parfois châtié, souvent cru, les discussions mondaines d’une classe de dirigeants. Le parti-pris de la metteuse en scène, Jeanne Carnec, est de matérialiser le sous-texte cruel et violent des pièces de Pinter.
Nous ne voyons donc pas sur scène des personnages de la haute société,réunis dans un salon  et prenant une coupe de champagne, tout en devisant avec autosuffisance sur les attributs de leur rang social.
Ce qui nous est présenté ici relève davantage du cauchemar : une bande de vampires se divertit à torturer un homme attaché sur une chaise ; un autre vampire étouffe son épouse en lui plongeant la tête dans une vasque de champagne ; un autre encore saute sur une femme et se met à la besogner.          Ainsi cette mise en scène cherche-t-elle avant tout à créer des images. Les personnages sont diabolisés : la gueule peinte en blanc et rouge, ils ne parlent pas sans hurler, ils ne rigolent pas sans pousser des cris de démence. La pièce fonctionne par tableaux : les comédiens se figent en statue puis s’animent lorsque il leur incombe de parler. L’ensemble est entrecoupé de musique et de parties dansées.
Mais ces choix de mise en scène manquent leur objectif qui aurait été de servir les textes de Pinter. Car ils ferment le sens et nous font tomber dans l’anecdotique de quelque secte . Nous sommes certes amenés à désapprouver les comportements xénophobes et misogynes de ces individus, mais il est difficile d’opérer de rapprochement avec une classe politique connue. La proposition scénique
produit parfois son petit effet mais, dans l’ensemble,  elle est aussi « gros sabots « et réductrice que Pinter est subtil et habile.
Du coup, la critique virulente de la classe dominante de nos sociétés capitalistes se mue en une condamnation de pratiques humiliantes et dégradantes. Bref, le spectacle est indigeste, didactique et gratuitement violent.
Nicolas Arribat.

 

Aktéon Théâtre, à 20h tous les vendredis et samedis, du 23 septembre au 26 novembre 2011.

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