Bérénice

Bérénice, de Jean Racine, mise en scène Muriel Mayette.

10101510.jpgExercice imposé, exercice difficile : la patronne de la Maison de Molière se mesure à Racine, et  sa tragédie dont il vante la minceur de l’intrigue : « invitus invitam dimisit », « il la renvoya malgré lui, malgré elle ». On ne racontera pas l’histoire, tout le monde la connaît, avec le personnage presque comique d’Antiochus qui espère à chaque acte récupérer Bérénice quittée par Titus, et se voit à chaque acte repoussé par elle.
Dans le même péristyle qui avait abrité la ronde tragique des amours d’Andromaque, Muriel Mayette nous présente une Bérénice « janséniste ». À savoir : pas de costumes « d’époque », ni celle de l’écriture, ni celle de la fiction – ni vraiment d’aujourd’hui. Pas d’interprétation politique ; du reste, là-dessus, Racine est quand même moins bon que son vieux rival Corneille. Pas de clins d’œil à l’actualité du Moyen-Orient. Pas de tentative d’interprétation psychanalytique ou autre. Juste le vers, et si possible l’émotion.
Cela fait peu. Racine a beau être un grand lyrique, il est aussi dramaturge, et les situations des personnages sont ici gommées par  excès de pudeur – pour ne pas dire sécheresse – de la mise en scène. Le malheureux alexandrin s’en ressent : il coule tiède, et l’on se prend à imaginer comment le comédien ou la comédienne aurait pu y faire entrer la vie, et le drame. On se prend à se souvenir de la mise en scène de Vitez, ou  de celle de Grüber. Mais enfin, une nouvelle mise en scène ne devrait pas nous laisser une seconde pour penser à celles qui l’ont précédée !
Bon, il ne s’agit ni de souligner des intentions d’interprétation, ni de faire un sort à chaque mot, à chaque syllabe, mais enfin ! Aurélien Recoing reste sur une constante déclamation grimaçante, Martine Chevalier sur une retenue grondeuse, d’autant plus qu’elle n’est pas aidée par un corset de diva sans le chant et par un maquillage qui la vulgarise. Quant aux  amoureux mythiques, ils  semblent fatigués l’un de l’autre et mécontents de tout!
L’Antiochus de Jean-Baptiste Malartre est un peu plus nuancé, mais son « hélas » final ferait presque rire : tout cela est bien froid! Ce soir-là, nous sommes sortis déçus, fâchés, à l’image de ces héros amers et ennuyés…
Si l’on veut entendre le lyrisme vibrant de la séparation de deux êtres passionnés, laissez tomber cette Bérénice – Racine s’en relèvera – et allez au T2G à Gennevilliers écouter Audrey Bonnet et Stanislas Nordey dans Clôture de l’amour, texte et mise en scène de  Pascal Rambert.
On en sort lessivé, atteint, et éperdument reconnaissant à l’auteur/metteur en scène et aux acteurs.

Christine Friedel

Comédie-Française, salle Richelieu (en alternance)

 

 

 


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