Clôture de l’amour
Clôture de l’amour, texte, conception, réalisation de Pascal Rambert.
Imaginez une salle de répétition aux murs et au plafond blancs avec un petit gradin de deux marches; vingt rampes fluo dispensent une lumière blanche qui enlèvent toute ombre dans ce huis-clos au sens strict du terme une porte à double battant de chaque côté, et au fond, une autre porte coupe-feu.
Rien d’autre qu’une brochure de pièce et une bouteille d’eau minérale, pas même une chaise C’est dire que le beau décor conçu par Daniel Jeanneteau pour cette clôture de l’ amour d’un jeune couple est minimal.
Quand le spectacle commence, ils sont là tous les deux, un peu comme deux danseurs ou deux boxeurs, on choisira mais il y a du règlement de comptes dans l’air, et l’on sent dans ce silence lourd et pesant qu’il ne va pas y avoir de cadeaux entre les deux époux mais un territoire mental et affectif à défendre. Lui, c’est Stan un homme encore jeune en jean et t. shirt; elle, c’est Audrey, la trentaine peut-être un peu plus jeune que lui, les cheveux longs. A quelques mètres l’un de l’autre.
C’est lui qui va commencer: il la quitte et va lui dire sans aucun ménagement, avec même une incroyable brutalité, tout au long du premier des deux monologues jamais interrompus. Il veut lui prouver que leur histoire d’amour est bien finie, en lui détaillant même la suite: il retrouvera d’ici peu, lui dit-il, un autre corps que le sien.
Rien pas une parole d’apaisement; il est en colère contre elle, peut-être moins qu’il ne le dit, on ne sait pas mais il a sans doute envie d’exorciser cette rupture par ce rituel où la parole est précise, dure, voire blessante. Très nerveux, il bouge beaucoup, fait de grands gestes, menace de tout son corps et de sa parole, à la fois précis et cruel .
Audrey ne dira rien pendant une heure, vraiment rien, même pas un murmure; elle reste debout comme lui, digne et recevant les coups les uns après les autres, sans bouger ou si peu, mais les moindres mouvements de son corps disent qu’elle souffre au-delà de ce qu’elle aurait pu imaginer, surtout quand les accusations viennent de l’homme qu’elle a aimé, le père de ses deux enfants.
On a vite compris qu’elle attend son heure mais qu’elle va rendre, sans aucune pitié, coup par coup… Mais on n’est pas dans la fameuse pièce Qui a peur de Virginia Woolf? d’Edward Albeef aucun dialogue, comme si la rupture était déjà consommée et qu’il n’y avait plus qu’à la dire et à la proclamer dans l’esprit et dans la chair de l’autre. Aucun espoir: on solde les comptes de cette faillite amoureuse au moyen du langage, arme redoutable.
Et pas un contact entre Stan et Audrey pendant ce duel impitoyable, de monologue contre monologue. Quelqu’un frappe à la porte du fond: c’est une chorale d’une dizaine d’adolescents- surtout des filles et deux garçons- qui ont peut-être l’âge des enfants d’Audrey et Stan .Ils viennent répéter une chanson parce que, disent-ils, ils ont réservé la salle. Ce sera la seule ouverture de portes avant la fin. Ils s’inclinent devant la demande des enfants, comme pour une trêve finalement bienvenue dans leur douloureux mais nécessaire combat.
La petite chorale chante Happe, une chanson d’Alain Baschung puis s’en va aussi poliment qu’ elle était arrivée. Cette bouffée de naïveté, même si cette pause dure que quelques minutes sans rien casser, est une belle minute. Audrey et Stan ont maintenant changé de place mais ils sont toujours debout. Puis c’est à elle, Audrey de répondre à Stan et d’engager le combat pour se délivrer d’une histoire qui l’obsède. Et cet exorcisme est sans doute plus violent, plus impitoyable: elle est d’un calme absolu mais ses phrases sont ciselées et n’hésite pas une seconde devant un mot bien vulgaire qu’elle lui balance de temps en temps, sans aucun scrupule.
Elle accepte cette séparation mais lui dit tout le bien qu’elle pense de son attitude. les mots sont durs…Lui est là, un peu minable et découvre quelqu’un qu’il ne connaissait pas, qui a sans doute trop attendu pour lui parler. Mais maintenant qu’elle a commencé, on sent qu’elle videra son sac de grenades jusqu’au bout. Prostré, le corps plié en deux, il comprend vite qu’il devra encaisser des paroles et un langage qu’il n’attendait chez celle qu’il a autrefois tant aimée…
Le texte de Pascal Rambert est vraiment d’une rare qualité, même s’il est un peu trop long et va vite devenir la coqueluche des cours de théâtre. Il a bien fait de diriger lui-même Audrey Bonnet et Stanislas Nordey qui sont absolument exceptionnels. Pas une erreur, une diction impeccable et une incarnation de leur personnage que l’on n’a guère l’habitude de voir sur les scènes françaises.
Au chapitre des inévitables bémols, une gestuelle un peu trop expansive, au début du moins, de Stanislas Nordey et la fin, pas très réussie quand ils mettent tous les deux, le torse nu, une coiffe d »indien en plumes bleues. Pas grave, redisons-le, ce spectacle est d’une rare qualité et le public a applaudi longtemps et à juste titre, les comédiens épuisés après un pareil combat mais heureux d’avoir réussi cette performance, aussi bien mentale que physique..
Philippe du Vignal
T 2 G Théâtre de Gennevilliers jusqu’au 22 octobre T: 01 41 32 26 26.
quand j’ai vu ce spectacle à Avignon, j’ai bien vite été plus fasciné par le chignon d’Emmanuelle Béart assise devant moi que par le ce qui se passait sur la scène.
D’abord une remarque de pauvre, quel est le sens de prendre un théâtre en ordre de marche de le masquer entièrement pour en faire une salle de répétition comme il y en a tant. On veut faire du théâtre du réel ? qu’on aille jusqu’au bout et qu’on nous emmène dans ces salles, au moins on sentira cette odeur de chaud quand les gens ont passé la journée à travailler, on verra un ou deux néons qui claque, une ou deux plaques du plafond qui se détache …
Mais on est là dans un théâtre qui a les moyens de se payer ce pied de nez
vous parlez d’un jeune homme, moi je vois un faux jeune homme à la gestuelle en effet complètement polluante et tout a fait artificielle, des placements qui le sont tout autant.
on a vite compris le schéma et je n’aime pas ça au théâtre, on sait qu’il va y avoir une heure chacun et des enfants (parce que c’était la mode cette année à Avignon) qui viendront faire la transition en chantant une chanson un peu obscure qu’ils ne comprennent certainement pas. Donc on attend tranquillement que l’heure passe …
Audrey Bonnet s’en tire beaucoup mieux, qui apprendra à Nordey l’humilité ?! quand on voit ce qu’il a fait d’Incendies en essayant de récupérer Wajdi Mouawad et de dire à tout le monde que c’est lui qui l’a découvert …
rajouté à ça une fin complètement absurde avec des masques, bref vous avez un spectacle très « tendance », verbeux et bavard qui n’apporte pas grand chose au théâtre si ce n’est une espèce de performance d’acteurs à moitié réussie.
Je suis d’autant plus critique que je sais que ce spectacle marchera et qu’il trouvera / a trouvé public et programmateurs …