Laissez-nous juste le temps de vous détruire

 Laissez-nous juste le temps de vous détruire d’ Emmanuelle Pireyre, mise en scène de Myriam Marzouki. 

100.jpg  Le spectacle  se situe dans la même ligne qu’ United Problems of coût de la main- d’œuvre de  Jean-Charles  Massera ou Europeana de Patrick Ourednik ,  même ligne qu’avait déjà suivi cette jeune metteuse en scène: soit,  à partir du texte d’un écrivain contemporain, un constat et un questionnement très violent  sur l’état de notre civilisation occidentale.
Myriam Marzouki , cette fois, remet le couvert en s’invitant, avec l’ humour caustique d’un texte écrit  par Emmanuelle Pireyre,  dans le pavillon de banlieue , où des  bobos en proie à une passion scrupuleuse pour l’écologie et la sauvegarde notre chère planète, à la recherche d’un bonheur familial absolu. Il y un faut un jardin,  des enfants et
l’obligation qu’ils s’imposent   de sacrifier à » l’universelle sociabilité du barbecue »...
Bien entendu, la bêtise et la prétention sont bien là,quand un jeune journaliste venu faire une enquête sur cet univers où les certitudes ne volent  pas très haut, pas  loin des merveilleuses déclarations de Bouvard et Pécuchet.   Il y a sur scène trois maisons, ou plutôt trois semblants de maisons en tissu avec une porte dont le rideau  est roulé, et chaque maison est entourée d’une petite haie en contre-plaqué;
C’est sans doute un coin de campagne, ou de presque campagne, déjà urbanisée, loin  de Levallois… dont l’une des deux jeunes femmes  a parfois la nostalgie, quand elle se voit obligée de vivre selon ses principes, ce qui représente, avoue-t-elle, un travail à plein temps! Mais tout est dérisoire dans cette obsession écologique qui taraude les deux couples et qui les pousse à prendre à prendre d’incroyables précautions pour ne pas polluer: toilettes  sèches, isolants naturels,ampoules basse consommation, jardin potager familial, bassin de phyto-épuration, prise en compte des trajets de transport des aliments, etc… alors qu’ils sont probablement, d’une autre façon, d’inconscients pollueurs de premier ordre. Ce que suggère aussi l’auteur.
Servie avec efficacité et humour par Myriam Marzouki qui est devenue, spectacle après spectacle, une excellente directrice d’acteurs, cette dénonciation assez décapante de ce type d’idéologie  ne manque pas de piquant, même si la charge est souvent un peu facile.
Comme les comédiens ont une diction de premier ordre et ont adopté une gestuelle un peu mécanique impeccable, très drôle et  qui fait parfois penser  à celle de Buster  Keaton, et que les micros HF-indispensables?- renforcent encore ce côté pantins, l’on rit de bon cœur, quand on entend les délires mentaux  de leurs personnages.
Dans le seconde partie, les comédiens, tous impeccables, en particulier Johanna Khortal Altes, passent en revue les différents thèmes qu’ils pourraient traiter sur  scène, pour réinventer un théâtre d’intervention politique,  à l’image peut-être de celui du Groupe Octobre animé entre autres, dans les années 30,  par Jacques Prévert  et le metteur en scène Roger Blin.Ils  rêvent ainsi de mettre  au point  des sketches sur  le rôle des traders dans la crise financière internationale,ou sur l’affaire, désormais célèbre, du rêve devenu cauchemar des petits propriétaires américains ou irlandais qui se retrouvent à la rue pour avoir fait confiance aux sourires angéliques des banquiers.
Mais là, cela marche moins bien- et c’est dommage: cette mise en abyme tombe un peu à plat, sans doute parce que l’indispensable unité, qui est la  base même  d’un spectacle réussi, n’est pas ici tout à fait au rendez-vous.
Alors à voir? Oui pour toute la première partie, à la fois drôle et intelligente, non pour la seconde plus courte mais estouffadou, qui pèse sur le spectacle…Mais Myriam Marzouki a encore du temps pour la réviser, avant les autres dates prévues prochainement.

Philippe du Vignal

 Spectacle joué au Théâtre du Fil de l’eau de Pantin, du  19 au 21 octobre 2011, et en tournée: au Phénix, Scène Nationale de Valenciennes le  2 février 2012 , et à la Maison de la Poésie, à Paris, du 7 au 25 mars 2012.  


Archive pour 22 octobre, 2011

Marie Tudor

Marie Tudor, de Victor Hugo, mise en scène de Pascal Faber.

  Quelle part d’humanité le pouvoir contient-il ? Jusqu’où Marie Tudor, reine d’Angleterre, peut-elle rester femme et déborder d’amour pour un favori haï du peuple ? Complot, trahisons, serments violés, jeune fille outragée, peuple indigné: tous les ingrédients du drame sont là. Et pourtant la mise sur scène triomphe des enchevêtrements de l’intrigue en choisissant de rester simple. Simplicité : tout est dit.
Loin de tomber dans la faste célébration d’une pièce-monument, Pascal Faber épure le spectaculaire hugolien pour nous en offrir un concentré précieux, vibrant d’intensité. Point ici d’interférence prosodique, l’alexand
tudor.jpgrin est parlé, et juste. Côté costumes, Cécile Flamand a elle aussi fait vœu de simplicité : la reine est revêtue d’une robe sang, quand Jane porte du blanc (rehaussé plus tard d’un bleu royal). Symboliques, les tenues n’en sont pas moins pratiques et claires.
La scénographie de Doriane Boudeville et les lumières de Sébastien Lanoue brillent également par leur efficacité pure et simple : une scène nue, encadrée de rideaux noirs. D’abord, une rue assombrie par la nuit, où se nouent les destinées, où Gilbert le ciseleur (Pierre Azéma) scelle un pacte avec le démoniaque Simon Renard; Sacha Petronijevic est maléfique, redoutable de justesse dans ce rôle et parvient à rendre son personnage aussi inquiétant qu’étrangement sympathique.
On pénètre ensuite la chambre royale, qui sera ensuite salle du trône. Entre ces velours rouges ,Florence Cabaret est  une  reine passionnelle et furieuse qui,  sans jamais éclater en cris hystériques, retient en elle le flot de la souffrance et qui nous suspend à ses lèvres. La crise est là, d’autant plus
fascinante qu’elle est contenue, péniblement.    Ce n’est pas la cruauté royale que l’on dénonce, mais la douleur aveugle qui pousse une reine à faire fi de son peuple. Le jeu est fondé sur une dualité triomphante. Dualité entre les personnages (la jeune fille et la femme mûre, l’homme du peuple et la reine, le séducteur et l’amoureux sincère, le fiancé trompé et l’amante outragée, tout s’équilibre), mais aussi dualité en eux-mêmes (ni tout à fait fautifs ni tout à fait purs).
Brutal dans sa passion, Gilbert échappe à l’étiquette niaiseuse du gentil prolétaire innocent, tandis que la reine, en proie au déchirement tragique, suscite autant pitié que crainte… Le désespoir de Gilbert trompé fait frémir les cœurs et, malgré l’heure tardive, la présence des comédiens nous garde captivés par ce déchaînement de passions humaines.        Un petit reproche peut-être:  le jeu de  Flore Vannier-Moreau (Jane), encore trop fragile face à ses aînés. Enfin le dernier tableau se fait à la tour de Londres. Dans le cachot, des rais de lumière oblique transpercent la scène qui en devient étonnamment profonde. Du sommet, derrière les grilles dessinées au sol par des spots, la reine, harcelée par le Bailly Renard, contemple le peuple en furie.
La mort de Fabiani paraît donc s’imposer… Le spectacle tire de  sa sobriété une puissance remarquable. L’obscur triomphe à juste titre et  la pièce apparait alors plus comme une tragédie politique qu’un drame amoureux.

 

Élise Blanc

Théâtre du Lucernaire jusqu’au 27 novembre.

Sur le concept

Sur le concept du visage du fils de Dieu, texte et mise de Romeo Castellucci.

photo.jpgC’est à une soirée très spéciale que le public a assisté lors de la première à Paris… A 20h15 , devant le théâtre de la Ville, un groupe d’intégristes chrétiens tente de pénétrer en force  à l’intérieur, après avoir  lancé des grenades lacrymogènes.
Le public qui est déjà arrivé entre alors précipitamment dans le théâtre et, à 21h15, le spectacle débute  enfin, mais, vingt minutes après, un autre groupe qui, lui,  était déjà entré après avoir acheté ses places, envahit alors la scène, (photo  ci-contre) interrompant ainsi la représentation.
Après quelques palabres, le public, dont une partie  se souvient de sa jeunesse rebelle (pour d’autres causes!), applaudit les policiers qui évacuent le groupe, et, à 22h15,  Emmanuel Demarcy- Mota le directeur du Théâtre de la Ville, et le metteur en scène, en accord avec les acteurs, décident de reprendre la représentation. Sur le concept du visage du fils de Dieu
 a déjà été joué sans problèmes en Italie et  en Pologne…
Mais  la France, qui se targue d’être un pays de liberté et qui veut en permanence faire la leçon au monde, engendre de tels phénomènes et laisse se développer des extrémismes de tout bord. Le spectacle met en images la douleur et la patience d’un fils, devant la déchéance physique et mentale de son propre père, (incapable de retenir ses sphincters),  sous le regard du Christ dans le tableau d’Antonello da Messina.
Dans une courte deuxième partie, ce Christ, dont le visage occupe tout le fond de la scène, va être envahi de stigmates, et des larmes de sang finissent par déchirer le visage, laissant apparaître une phrase à double sens:  tu es mon berger, tu n’es pas mon berger.    Ce spectacle pose en fait la question de la représentation du corps en souffrance. Romeo Castellucci avait déjà évoqué cette idée avec Giulio Cesare en 1988 au festival d’Avignon.
La société moderne policée a fait disparaître la notion de corps malade mais pourtant, chacun a personnellement plus ou moins vécu une telle situation. Seul, les soignants qui ont fait  de cette approche du corps
leur métier , voient cela au quotidien.Faut-il donner à voir cette déchéance humaine, à l’heure ou les sociétés modernes sont si fières de pouvoir allonger la durée moyenne de la vie… Mais dans quelles conditions ?
Aujourd’hui, seul le monde de la foi religieuse pourrait peut être prendre en charge cette destruction inéluctable?  Destruction  que le simple mortel n’arrive pas à intégrer ! Voilà ce qu’aurait pu nous dire Roméo Castelluci… s’il en avait eu la liberté.
A vous donc de choisir, selon vos convictions et votre vécu personnel,  de voir ou non ce spectacle de 50 minutes.René Magritte disait déjà: «  La valeur réelle de l’art est en fonction de son pouvoir de révélation libératrice ».

 

Jean Couturier

Théâtre de la Ville jusqu’au 30 octobre,  et ensuite en tournée.

 

Le Théâtre de la Ville nous a communiqué aujourd’hui lundi ce texte de Romeo Castellucci  qui fait écho aux lamentables provocations de bandes bien organisées vendredi dernier; comme le dit justement Jean Couturier, la France d’aujourd’hui  fait preuve d’une  grande tolérance.. mais à l’extérieur de  notre cher hexagone… C’est triste  de constater que la bêtise, une denrée qui n’a jamais manqué à l’extrême-droite française soit encore là Alain Escada, secrétaire général de Civitas, n’ pas peur  « de constater que dès la première représentation de ces spectacles obscènes et blasphématoires à Paris, l’indignation des chrétiens s’est manifestée avec dignité et fermeté et néanmoins sans excès, malgré tout ce que peut écrire une certaine presse spécialisée dans la désinformation ».
Mais Emmanuel Demarcy-Motta a su garder son sang-froid et a  fait le maximum pour qu’un metteur en scène étranger puisse  quand même voir son spectacle joué dans des conditions normales d’exploitation.Et l’on ne peut que l’en remercier. Mais de tels faits montrent que l’intolérance  politique et religieuse concernant, entre autres, un spectacle vivant tend à gagner du terrain.  « Ces extrémistes, rappelle le Syndicat de la critique qui a pris fermement position, se revendiquent de Civitas, association qui œuvre à « la reconquête politique et sociale visant à rechristianiser la France ». « Leurs méthodes, leurs propos injurieux à l’égard des artistes et de la liberté de création, aussi minoritaires soient-ils, témoignent d’un climat nauséabond. Après Castellucci, ne prétendent-ils pas s’opposer également aux représentations de Golgota picnic  de Rodrigo Garcia ? « Et Civitas appelle même à une manifestation nationale contre la « christianophobie ». Rien ne nous sera épargné.

Ph. du V.

Communiqué de Romeo Castellucci à propos de « Sul concetto di volto nel Figlio di Dio » joué au Théâtre de la Ville à Paris

Je veux pardonner à ceux qui ont essayé par la violence d’empêcher le public d’avoir accès au Théâtre de la Ville à Paris.

Je leur pardonne car ils ne savent pas ce qu’ils font.

Ils n’ont jamais vu le spectacle ; ils ne savent pas qu’il est spirituel et christique ; c’est-à-dire porteur de l’image du Christ. Je ne cherche pas de raccourcis et je déteste la provocation. Pour cette raison, je ne peux accepter la caricature et l’effrayante simplification effectuées par ces personnes. Mais je leur pardonne car ils sont ignorants, et leur ignorance est d’autant plus arrogante et néfaste qu’elle fait appel à la foi. Ces personnes sont dépourvues de la foi catholique même sur le plan doctrinal et dogmatique ; ils croient à tort défendre les symboles d’une identité perdue, en brandissant menace et violence. Elle est très forte la mobilisation irrationnelle qui s’organise et s’impose par la violence.

Désolé, mais l’art n’est champion que de la liberté d’expression.

Ce spectacle est une réflexion sur la déchéance de la beauté, sur le mystère de la fin. Les excréments dont le vieux père incontinent se souille ne sont que la métaphore du martyre humain comme condition ultime et réelle. Le visage du Christ illumine tout ceci par la puissance de son regard et interroge chaque spectateur en profondeur. C’est ce regard qui dérange et met à nu ; certainement pas la couleur marron dont l’artifice évident représente les matières fécales. En même temps – et je dois le dire avec clarté -, il est complètement faux qu’on salisse le visage du Christ avec les excréments dans le spectacle.

Ceux qui ont assisté à la représentation ont pu voir la coulée finale d’un voile d’encre noire, descendant sur le tableau tel un suaire nocturne.

Cette image du Christ de la douleur n’appartient pas à l’illustration anesthésiée de la doctrine dogmatique de la foi. Ce Christ interroge en tant qu’image vivante, et certainement il divise et continuera à diviser. De plus, je tiens à remercier le Théâtre de la Ville en la personne d’Emmanuel Demarcy-Mota pour tous les efforts qui sont faits afin de garantir l’intégrité des spectateurs et des acteurs.

Romeo Castellucci

Societas Raffaello Sanzio

Le Syndicat de la Critique nous a fait parvenir ce message et bien entendu, nous invitons tous nos lecteurs à le lire et à signer cette pétition dont l’adresse  figure à la suite.
Le Théâtre contre le Fanatisme

Comité de soutien à la liberté de représentation du spectacle de Romeo Castellucci
au Théâtre de la Ville – Paris.

Depuis le 20 octobre, date de la première, les représentations de « Sur le concept du visage du fils de Dieu », de Romeo Castellucci, au Théâtre de la Ville, donnent lieu à des événements graves.Un groupe organisé d’individus qualifiés d’intégristes chrétiens, se réclamant en partie de l’Action française, a tenté  d’empêcher l’accès au Théâtre de la Ville en bloquant les portes, en agressant le public, en le menaçant, en l’aspergeant d’huile de vidange, de gaz lacrymogènes et en lui jetant œufs et boules puantes, tandis que leurs complices, militants du Renouveau Français, entrés dans la salle, ont interrompu la représentation dès le début en occupant la scène et en déployant leur mot d’ordre : «La christianophobie, ça suffit ».L’AGRIF avait demandé par voie de justice l’interdiction du spectacle et avait été déboutée de sa demande par le Tribunal de Grande Instance le 18 octobre 2011.
La police doit donc intervenir chaque jour à l’entrée du théâtre, et nous nous sommes vus dans l’obligation de l’appeler à l’intérieur de la salle à plusieurs reprises pour qu’elle évacue ceux qui occupaient la scène, ce qui s’est fait sans heurts, parce que nous avons veillé à éviter des affrontements entre ces envahisseurs et le public outré de tels agissements.
Le personnel du théâtre s’est montré résolu et efficace en ces pénibles circonstances, et, malgré les nombreux incidents et interruptions, les représentations ont pu, jusqu’à présent, avoir lieu.Que ces groupes d’individus violents et organisés, qui se réclament de la religion contre une soi-disant « christianophobie », obéissent à des mouvements religieux ou politiques, demande une enquête ; pour nous, en tout cas, ces comportements relèvent à l’évidence du fanatisme, cet ennemi des Lumières et de la liberté contre lequel, à de glorieuses époques, la France a su si bien lutter. Le théâtre a d’ailleurs très souvent été pour ces luttes, un lieu décisif.
On ne peut en rester là. De tels agissements sont graves, ils prennent une tournure nouvelle, nettement fascisante. Ces groupes d’individus s’empressent en outre de décréter blasphématoires, de façon automatique, des spectacles qui ne sont dirigés ni contre les croyants, ni contre le christianisme. Des critiques de journaux importants, qui ne font pas mystère de leur foi chrétienne, ont d’ailleurs loué sans réserve ce spectacle lors de sa présentation en Avignon. Nous vous invitons aussi à lire les déclarations de Romeo Castellucci, publiées dans le programme distribué chaque soir au public, pour comprendre ses intentions et son propos d’artiste.

Nous n’entendons pas céder à ces menaces odieuses, et ce spectacle sera maintenu malgré toutes les tentatives d’intimidation. Nous invitons le public à y assister, en toute liberté. Le spectacle, coproduit par le Théâtre de la Ville, y est présenté jusqu’au 30 octobre; puis il sera repris, dans le cadre de notre partenariat, au Centquatre du 2 au 6 novembre.Il est d’ailleurs à noter que ce spectacle a été présenté sans troubles en Allemagne, en Belgique, en Norvège, en Grande-Bretagne, en Espagne, en Russie, aux Pays-Bas, en Grèce, en Suisse, en Pologne et en Italie, et que c’est en France qu’ont lieu ces manifestations d’intolérance. Nous créons  donc un comité de soutien s’adressant à toutes les personnes de bonne volonté – et cette expression est ici particulièrement bienvenue – pour défendre au-delà même du spectacle de Romeo Castellucci, la liberté d’expression, la liberté des artistes et la liberté de pensée, contre ce nouveau fanatisme.Emmanuel Demarcy-Mota, directeur et l’équipe du Théâtre de la Ville.* * *Premiers signataires :P atrice Chéreau, metteur en scèneStéphane HesselMichel Piccoli, comédienSylvie Testud, comédienne
Sasha Waltz, chorégraphe, Berlin
Arnaud Desplechin, cinéaste
Luc Bondy, metteur en scène,
Jean-Michel Ribes, auteur, metteur en scène, directeur de théâtre
Bulle Ogier, comédienne
Barbet Schroeder, cinéaste
Juliette Binoche, comédienne
Elodie Bouchez, comédienne
Claude Régy, metteur en scène
Christophe Girard, Président du Centquatre
Joseph Melillo, directeur de la Brooklyn Academy of Music, New York
Stéphane Lissner, directeur de la Scala, Milan
Dominique Mercy, directeur du Tanztheater Wuppertal Pina Bausch
Brigitte Jaques Wajeman, metteur en scène
Jean-Claude Milner, philosophe
Pascal Bonitzer, cinéaste
Jacques-Alain Miller, psychanalyste
Judith Miller, philosophe
Marc Olivier Dupin, compositeur
Peter de Caluwe, directeur général de la Monnaie, Bruxelles
Christian Longchamp, Adjoint artistique & directeur de la dramaturgie, la Monnaie, Bruxelles
Jean-Luc Choplin, directeur du Théâtre du Châtelet
Yorgos Loukos, directeur du Festival d’Athènes
Simon McBurney, metteur en scène, Grande Bretagne
José Manuel Goncalves, directeur du Centquatre
François Le Pillouer, Président du SYNDEAC
Lloyd Newson, chorégraphe, Grande Bretagne
Anne Delbée, écrivain et metteur en scène
Jack Ralite, Ancien ministre
Ushio Amagatsu, chorégraphe, Japon
Georges Banu, Président d’honneur de l’association internationale des critiques de théâtre
Monique Veaute, Présidente de la Fondation RomaEuropa
Fabrizio Grifasi, Directeur de RomaEuropa
Claus Peymann, directeur du Berliner Ensemble

Les soutiens peuvent être envoyés par e-mail à l’adresse suivante :

comite-de-soutien-castellucci@theatredelaville.com

Une Ronde militante

Une Ronde militante  de Jacques Jouet, mise en scène de Gérard Lorcy.

 

    visuelrondemil.jpgC’est un peu, sur le modèle de la fameuse Ronde d’ Arthur Schnitzler, et en sept séquences, la vie de militants communistes  dont l’idéal, le plus souvent dans la pauvreté, ce qui n’excluait pas du tout la solidarité, a été vécu au quotidien malgré toutes les attaques du pouvoir en place et du grand patronat.
Trois hommes et trois femmes pour représenter sept personnages de 1950 à 2010, et chaque séquence se déroule tous dix ans, et l’on va ainsi pouvoir rencontrer d’abord un jeune couple de communistes où la femme plus que l’homme est militante engagée , et pas du tout insensible au secrétaire de cellule qui deviendra représentant syndical, jusqu’ à faire  l’amour avec lui. Il y a aussi ensuite le groupe de  grévistes, puis la visite de représentants syndicaux au Ministre communiste, et  le fantôme de Nadejda Kroupskaïala , la veuve de Lénine, et enfin une jeune fille de notre époque, la petite- fille du couple du début du spectacle qui vient voir son grand-père et qui se pose plein de questions sur ce passé des militants lié à l’histoire de sa famille, ce passé de luttes sociales souvent impitoyables qui a construit le paysage sociologique actuel.
La pièce de Jacques Jouet, vieux routier des Papous dans la tête, l’émission culte de France-Culture créée par le regretté Bertrand Jérôme, qu’il a écrite à partir de témoignages recueillis auprès d’anciens responsables politiques et syndicaux de la région de Creil, fonctionne bien, à mi-chemin entre le tragique quand est évoquée la vie difficile des métallos de l’époque-les accidents horribles n’étaient pas rares-  et le comique quand il y a du sexe dans l’air: ici, on s’embrasse beaucoup sur le bouche!
Surtout dans  cette image  de la transmission de l’ idéal par la parole, celle que l’on prend et celle que l’on reçoit dans le petit monde fermé que constituait une cellule du Parti Communiste de l’époque. Et il y a de très beaux moments, comme cette entrevue de délégués syndicaux avec le Ministre, tout à fait convaincante.
Pas grand chose sur la scène au même niveau que le public: un tapis de danse noir, des tabourets hauts tubulaires, un téléphone ,  quelques chaises d’école maternelle, et des armoires  métalliques grises de vestiaire, où le comédiens décrochent à vue les costumes nécessaires pour la séquence suivante . La mise en scène de Gérard Lorcy  est  efficace, même si la direction d’acteurs est parfois un peu flottante et s’il a du mal  à mettre en valeur les dernières séquences, à vrai dire bien  faiblardes, où intervient la veuve de Lénine; c’est Sylvie Jobert , comédienne épatante, que l’on avait pu voir autrefois chez Jérôme Deschamps, qui s’y colle, et elle a vraiment  du mérite à prendre en charge cette  pseudo-réflexion politique sans grand intérêt…
Les  acteurs : François Decayeux, Nora Gambet, Francis Coulaud, Dominique Laidet sont tout à fait crédibles et efficaces et  Jehanne Carillon qui a rejoint l’équipe des Papous dans la tête depuis deux ans  possède une présence étonnante sur le plateau. Quand ils ne jouent pas- aucun dégagement sur les côtés-ils attendent sagement leur tour  sur des tabourets hauts, comme dans les années 70; ce qui correspond bien, après tout, à un théâtre militant issu des années Brecht; et ils  savent comment s’y prendre pour obtenir  la complicité du public, ce qui n’est pas du tout  évident dans ce type de salle.
C’est en effet du travail sans filet,  vu la grande proximité avec le public très attentif ,  toutes générations confondues, à cette plongée dans l’histoire politique de la France depuis soixante ans; mais les nombreux lycéens qui étaient là, ont  décroché quand la veuve de Lénine s’est lancée dans une discussion politique assez ennuyeuse.
Comme le dit souvent, et avec juste raison, Christine Friedel, notre amie et critique de service au Théâtre du Blog, il faut toujours faire attention aux réactions des plus jeunes parmi les spectateurs. Gérard Lorcy devrait effectivement, en tenir compte et revoir sa mise en scène dans ce sens. Ce serait vraiment dommage que ce spectacle ne trouve pas sa véritable dimension…

 

Philippe du Vignal

 

Le Vent se Lève ! 181 avenue Jean Jaurès 75019 Paris T : 01 77 35 94 36, (attention , l’entrée est peu visible!)

les jeudis vendredis samedis 13, 14, 15 / 20, 21, 22 et 27, 28, 29 octobre à 20h30

 

et à La Faïencerie de Creil, le 8 novembre à 20 h 45 et le 9 à 19 h.

 

 

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