Marie Tudor

Marie Tudor, de Victor Hugo, mise en scène de Pascal Faber.

  Quelle part d’humanité le pouvoir contient-il ? Jusqu’où Marie Tudor, reine d’Angleterre, peut-elle rester femme et déborder d’amour pour un favori haï du peuple ? Complot, trahisons, serments violés, jeune fille outragée, peuple indigné: tous les ingrédients du drame sont là. Et pourtant la mise sur scène triomphe des enchevêtrements de l’intrigue en choisissant de rester simple. Simplicité : tout est dit.
Loin de tomber dans la faste célébration d’une pièce-monument, Pascal Faber épure le spectaculaire hugolien pour nous en offrir un concentré précieux, vibrant d’intensité. Point ici d’interférence prosodique, l’alexand
tudor.jpgrin est parlé, et juste. Côté costumes, Cécile Flamand a elle aussi fait vœu de simplicité : la reine est revêtue d’une robe sang, quand Jane porte du blanc (rehaussé plus tard d’un bleu royal). Symboliques, les tenues n’en sont pas moins pratiques et claires.
La scénographie de Doriane Boudeville et les lumières de Sébastien Lanoue brillent également par leur efficacité pure et simple : une scène nue, encadrée de rideaux noirs. D’abord, une rue assombrie par la nuit, où se nouent les destinées, où Gilbert le ciseleur (Pierre Azéma) scelle un pacte avec le démoniaque Simon Renard; Sacha Petronijevic est maléfique, redoutable de justesse dans ce rôle et parvient à rendre son personnage aussi inquiétant qu’étrangement sympathique.
On pénètre ensuite la chambre royale, qui sera ensuite salle du trône. Entre ces velours rouges ,Florence Cabaret est  une  reine passionnelle et furieuse qui,  sans jamais éclater en cris hystériques, retient en elle le flot de la souffrance et qui nous suspend à ses lèvres. La crise est là, d’autant plus
fascinante qu’elle est contenue, péniblement.    Ce n’est pas la cruauté royale que l’on dénonce, mais la douleur aveugle qui pousse une reine à faire fi de son peuple. Le jeu est fondé sur une dualité triomphante. Dualité entre les personnages (la jeune fille et la femme mûre, l’homme du peuple et la reine, le séducteur et l’amoureux sincère, le fiancé trompé et l’amante outragée, tout s’équilibre), mais aussi dualité en eux-mêmes (ni tout à fait fautifs ni tout à fait purs).
Brutal dans sa passion, Gilbert échappe à l’étiquette niaiseuse du gentil prolétaire innocent, tandis que la reine, en proie au déchirement tragique, suscite autant pitié que crainte… Le désespoir de Gilbert trompé fait frémir les cœurs et, malgré l’heure tardive, la présence des comédiens nous garde captivés par ce déchaînement de passions humaines.        Un petit reproche peut-être:  le jeu de  Flore Vannier-Moreau (Jane), encore trop fragile face à ses aînés. Enfin le dernier tableau se fait à la tour de Londres. Dans le cachot, des rais de lumière oblique transpercent la scène qui en devient étonnamment profonde. Du sommet, derrière les grilles dessinées au sol par des spots, la reine, harcelée par le Bailly Renard, contemple le peuple en furie.
La mort de Fabiani paraît donc s’imposer… Le spectacle tire de  sa sobriété une puissance remarquable. L’obscur triomphe à juste titre et  la pièce apparait alors plus comme une tragédie politique qu’un drame amoureux.

 

Élise Blanc

Théâtre du Lucernaire jusqu’au 27 novembre.

 

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