Une Ronde militante
Une Ronde militante de Jacques Jouet, mise en scène de Gérard Lorcy.
C’est un peu, sur le modèle de la fameuse Ronde d’ Arthur Schnitzler, et en sept séquences, la vie de militants communistes dont l’idéal, le plus souvent dans la pauvreté, ce qui n’excluait pas du tout la solidarité, a été vécu au quotidien malgré toutes les attaques du pouvoir en place et du grand patronat.
Trois hommes et trois femmes pour représenter sept personnages de 1950 à 2010, et chaque séquence se déroule tous dix ans, et l’on va ainsi pouvoir rencontrer d’abord un jeune couple de communistes où la femme plus que l’homme est militante engagée , et pas du tout insensible au secrétaire de cellule qui deviendra représentant syndical, jusqu’ à faire l’amour avec lui. Il y a aussi ensuite le groupe de grévistes, puis la visite de représentants syndicaux au Ministre communiste, et le fantôme de Nadejda Kroupskaïala , la veuve de Lénine, et enfin une jeune fille de notre époque, la petite- fille du couple du début du spectacle qui vient voir son grand-père et qui se pose plein de questions sur ce passé des militants lié à l’histoire de sa famille, ce passé de luttes sociales souvent impitoyables qui a construit le paysage sociologique actuel.
La pièce de Jacques Jouet, vieux routier des Papous dans la tête, l’émission culte de France-Culture créée par le regretté Bertrand Jérôme, qu’il a écrite à partir de témoignages recueillis auprès d’anciens responsables politiques et syndicaux de la région de Creil, fonctionne bien, à mi-chemin entre le tragique quand est évoquée la vie difficile des métallos de l’époque-les accidents horribles n’étaient pas rares- et le comique quand il y a du sexe dans l’air: ici, on s’embrasse beaucoup sur le bouche!
Surtout dans cette image de la transmission de l’ idéal par la parole, celle que l’on prend et celle que l’on reçoit dans le petit monde fermé que constituait une cellule du Parti Communiste de l’époque. Et il y a de très beaux moments, comme cette entrevue de délégués syndicaux avec le Ministre, tout à fait convaincante.
Pas grand chose sur la scène au même niveau que le public: un tapis de danse noir, des tabourets hauts tubulaires, un téléphone , quelques chaises d’école maternelle, et des armoires métalliques grises de vestiaire, où le comédiens décrochent à vue les costumes nécessaires pour la séquence suivante . La mise en scène de Gérard Lorcy est efficace, même si la direction d’acteurs est parfois un peu flottante et s’il a du mal à mettre en valeur les dernières séquences, à vrai dire bien faiblardes, où intervient la veuve de Lénine; c’est Sylvie Jobert , comédienne épatante, que l’on avait pu voir autrefois chez Jérôme Deschamps, qui s’y colle, et elle a vraiment du mérite à prendre en charge cette pseudo-réflexion politique sans grand intérêt…
Les acteurs : François Decayeux, Nora Gambet, Francis Coulaud, Dominique Laidet sont tout à fait crédibles et efficaces et Jehanne Carillon qui a rejoint l’équipe des Papous dans la tête depuis deux ans possède une présence étonnante sur le plateau. Quand ils ne jouent pas- aucun dégagement sur les côtés-ils attendent sagement leur tour sur des tabourets hauts, comme dans les années 70; ce qui correspond bien, après tout, à un théâtre militant issu des années Brecht; et ils savent comment s’y prendre pour obtenir la complicité du public, ce qui n’est pas du tout évident dans ce type de salle.
C’est en effet du travail sans filet, vu la grande proximité avec le public très attentif , toutes générations confondues, à cette plongée dans l’histoire politique de la France depuis soixante ans; mais les nombreux lycéens qui étaient là, ont décroché quand la veuve de Lénine s’est lancée dans une discussion politique assez ennuyeuse.
Comme le dit souvent, et avec juste raison, Christine Friedel, notre amie et critique de service au Théâtre du Blog, il faut toujours faire attention aux réactions des plus jeunes parmi les spectateurs. Gérard Lorcy devrait effectivement, en tenir compte et revoir sa mise en scène dans ce sens. Ce serait vraiment dommage que ce spectacle ne trouve pas sa véritable dimension…
Philippe du Vignal
Le Vent se Lève ! 181 avenue Jean Jaurès 75019 Paris T : 01 77 35 94 36, (attention , l’entrée est peu visible!)
les jeudis vendredis samedis 13, 14, 15 / 20, 21, 22 et 27, 28, 29 octobre à 20h30
et à La Faïencerie de Creil, le 8 novembre à 20 h 45 et le 9 à 19 h.