Une guerre personnelle
Une Guerre personnelle, mise en scène, vidéo et musique de Tatiana Frolova, d’après La Couleur de la guerre d’Arkadi Babtchenko.
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Tatiana Frolova avait fondé en 1985 son Théâtre Knam, l’un des premiers théâtres indépendants de Russie à Komsomolsk sur Amour, “une petite ville de 230 000 habitants”, à huit heures de vol de Moscou”, dans une salle de 25 places, et ses comédiens et ses techniciens lui sont restés fidèles ! Depuis 1990, la compagnie a pris son envol international au Festival Passages de Nancy, Kulturgest à Lisbonne, Unidram à Postdam, en Italie. Venue en 2005 en résidence aux Récollets pour monter Le Rêve d’un homme ridicule de Dostoievski, elle s’est tournée depuis vers le théâtre documentaire et a créé Endroit sec et sans eau, présenté à la Rose des Vents et au Festival Exit de Créteil.
Elle a rencontré Arkadi Babtchenko, soldat pendant les deux guerres de Tchétchénie, devenu correspondant de guerre à Novaïa Gazeta, dont le livre La couleur de la guerre publié en Russie, vient d’être édité par Gallimard. Comme la majorité des Russes, Tatiana ignorait tout de cette guerre considérée par le pouvoir comme une “pacification” identique à celle de l’Algérie française à la fin des années soixante.
Après une conversation de toute une nuit avec Babtchenko et “neuf mois de cauchemar” pour les répétitions, l’équipe renforcée par Gabriel Almaer, jeune comédien français venu les rejoindre, Tatiana Frolova a réussi un spectacle bouleversant, dépourvu de pathos et de simplifications.
Les quatre comédiens s’expriment en français et en russe avec des images projetées sur leur guerre de jeunes volontaires engagés qui découvrent l’horreur quotidienne, la boue, le froid, la saleté, le faim, face à un ennemi souvent invisible, si loin, si proche d’eux. ” Tenez vous prêts . Si on tue une fois, on transforme son cœur en pierre !” La première image, des six chemises blanches étendues sur la terre, qu’une jeune femme enterre peu à peu nous introduit dans l’enfer quotidien de cette guerre que le président russe dissimule au peuple. Seuls les cercueils revenant de Tchétchénie peuvent parler !
Arkadi Babtchenko qui revenait d’Ossétie du Sud, présent au débat du lendemain racontait qu’il n’y a plus de conflit en Tchétchénie: Kadyrov, le président mis en place par Poutine, a tué tous ses opposants ! Mais le conflit s’est étendu dans tout le Caucase…
Edith Rappoport
Festival Sens Interdits du Théâtre des Célestins de Lyon