Baroufs

Baroufs, (Barouf à Chioggia), de Goldoni, nouvelle traduction de Jean-Paul Manganaro, mise en scène Frédéric Maragnani.

 

Le rideau s’ouvre sur deux rangées de femmes occupées à leur tricot. Un « coq » a le malheur de survenir, et cette basse-cour se répand en piaillements jaloux et criailleries. Une chicanerie de rue que les irrépressibles cancans ont tôt fait de répandre dans les foyers : dès leur retour chez elles, sœurs et épouses, incapables de tenir leur langue, dénoncent l’affaire à leurs hommes et se répandent en accusations sur leurs voisines. Le barouf est lancé..
Cette chamaillerie provoque une altercation armée qui ira résonner jusqu’aux oreilles de la « substitute » du chancelier. Une plainte est donc déposée et l’on mène alors des interrogatoires afin d’éclaircir la situation et d’éviter si possible un procès grâce à une réconciliation.

Jean-Paul Manganaro a retraduit le texte et rend à la langue de Goldoni des accents populaires, en s’amusant à jouer sur les mots: « Z’est-il bon ? », « Ça m’est bien légal »… Déstructurée, la grammaire obéit dans Baroufs à une nouvelle logique, celle du comique. Dans cet univers de la rue, plus enclos sur lui-même qu’il n’y paraît, chacun se trouve en outre affublé d’un sobriquet qui le suit à la trace: cela peut être un jeu verbal quand il (Checca Boudin), ou un qualificatif rappelant un trait de personnalité (Toffolo l’Alcoolo). Ce texte, auquel on s’habitue progressivement, joue sur la répétition et sur des formules  qui finissent par s’ancrer dans l’esprit du spectateur, avec un effet comique certain (ainsi la révérencieuse appellation de « lustrissime » pour qualifier la « substitute »).
Jeux sur l’oralité en accord avec la mise en scène de Frédéric Maragnani, qui se dit très attaché à la musique des mots. Tout le spectacle se déroule en effet dans un délirant charivari. Les relations dans la pièce de Goldoni sont très souvent houleuses, les clans ne cessent de changer et l’autorité n’est jamais où l’on croit, et se partage entre hommes et femmes (Dona Libera est d’ailleurs astucieusement jouée par un homme, Jean-Paul Dias).
Nous sommes plongés dans un monde carnavalesque qui n’est pas sans évoquer parfois celui des cités : des racailles se battent derrière les poubelles, la promiscuité pousse chacun à écouter aux portes,…etc. Quant aux costumes, ils rappellent un éclectisme un peu vulgaire et correspondent en gros à l’image que l’on se fait de l’Italie populaire (surtout pour Dona Pasqua, que Christine Gagnieux interprète avec une présence posée, rassérénante dans cette cacophonie et ce tourbillon de folie. Mais  où-et c’est dommage- la compréhension n’est pas toujours au rendez-vous).
L’accent est aussi mis sur les couleurs : motifs des costumes, coiffures aux coloris surprenants de ringardise, tandis que les représentants de l’administration sont vêtus d’un beige conventionnel. Les habitants du port qui évoluent sur un plateau métallique, se heurtent ainsi à un monde mécanique et froid, celui d’une puissante administration: c’est un haut-parleur qui annonce à chacun, avec une voix off hésitante, sa convocation au tribunal, et cela a un côté «  Big Brother » mais tout fait ridicule, quand cette voix off avoue ne faire que transmettre les ordres sans savoir ce qu’il en est vraiment. C’est dire, grâce à ce procédé tout à fait efficace,  l’absurde machinerie de cette administration qui s’efforce avec maladresse d’encadrer les démarches impromptues de l’homme.
La joyeuse folie humaine, toute en couleurs et en impulsions, se débat dans un monde métallique qui l’infantilise, et qui lui est inadapté (le plateau incliné représentant la rue ne facilite pas en effet les déplacements!). Quant au langage populaire, il devient alors un patois grotesque dans la bouche du Patron Fortunato, interprété pour notre plus grand plaisir par un Philippe Vieux qui ne lésine pas sur la gestuelle et le langage corporel pour se faire comprendre-sans succès-par la subsitute). Mais ce joyeux bazar reste savamment orchestré par une mise en scène qui maîtrise l’art des tableaux.
Baroufs
est un spectacle énergique et savoureux, portée par une équipe qui réussit à nous entraîner sans même user du recours, fréquent chez les jeunes compagnies mais un peu facile, d’un accompagnement musical…

Élise Blanc

 durée 1h15

Au Théâtre de l’Ouest Parisien jusqu’au 16 octobre.

 

barouf.jpg

 


Archive pour octobre, 2011

Le concert extraordinaire

Festival International de la marionnette de Moscou

Le Concert extraordinaire par la compagnie Obraztsov.

obra.jpg  Ce spectacle de marionnettes à tige, le plus connu de la troupe, a été joué dans 115 pays différents!En 65 ans d’existence, ce  Concert extraordinaire n’a connu que deux scénographies, celle d’origine de Sergueï Obraztsov en 1946 et l’actuelle qui date de 1968!
Il comprend une quinzaine de tableaux différents, joué dans la grande salle, à chaque ouverture du festival, sous le regard des portraits des dix-neuf fondateurs du théâtre, garants de la tradition Un théâtre où travaillent… 300 personnes dont 60 comédiens.
Le Concert extaordinaire
donne à voir toutes les formes de spectacles, de la chorale à la danse acrobatique. L’humour sarcastique notamment vis-à-vis de l’Europe, nourrit le jeu des marionnettistes. Tour à tour sont brocardés, le dompteur de lions allemand, le montreur de caniche français, la diva italienne, la chanteuse réaliste française des années  soixante et les danseuses du french cancan.
Le public russe vient aussi retrouver un jeune virtuose du piano qui a…neuf mois et écouter et voir la très-et trop longue partie- avec des  musiciens gitans et des danseuses. Cette partie du spectacle plaisait beaucoup à Staline, ce qui explique sa longueur  qui a été soigneusement conservée! Quand on parle de la tradition,  ici … on la respecte !

Jean Couturier

Au répertoire du théâtre Obraztsov, septembre 2011   

Décès de Marie-Odile Wald.

rn33354611px470.jpgDécès de Marie-Odile Wald.

 

Marie-Odile Wald, directrice adjointe du Théâtre national de Bretagne depuis 2002 dont a la charge François Le Pillouër,  après avoir lutté courageusement contre un cancer qui la minait depuis quelque temps, s’est éteinte lundi à 57 ans. C’était une femme intelligente et efficace, aussi discrète que brillante, que nous avons bien connue surtout à ses débuts en 83,  quand elle dirigeait avec François Le Pilllouër le festival Nouvelles Scènes à Dijon; elle  le rejoindra ensuite à Rennes, après avoir été l’administratrice de la compagnie de Dominique Pitoiset, directeur du Centre dramatique de Bordeaux.
Marie-Odile Wadl connaissait bien toutes les ramifications  du théâtre contemporain et  avait un jugement exemplaire sur la création et sur les metteurs en scène. Elle aura contribué à l’émergence de nombreuses compagnies et aura joué un rôle important au Théâtre national de Bretagne.
La profession théâtrale perd quelqu’un d’important. Adieu, Marie-Odile.

 

Philippe du Vignal

Démon

 

Démon mise en scène de Dmitry Krymov

moscou010.jpgC’est à un théâtre d’images très particulier que nous invite Dmitry Krymov d’après un poème «Démon» de l’écrivain russe Mikhaïl Lermontov.
Ce spectacle est emblématique des origines artistiques de Krymov,  fils d’un grand metteur de Moscou,  et travaille surtout avec des artistes qui sont issus, comme lui, des écoles d’arts plastiques. Il offre au public un livre d’images  à regarder d’en haut .Ce qui constitue l’une des qualités du spectacles mais aussi l’un de ses défauts. Il vient d’être  joué  à l’école d’art dramatique d’Anatoli Vassiliev fondée en 1987 qui comprend plusieurs studios de répétition et des salles de spectacles dont l’une,  en forme de puit, appelée le  « globus  » comporte trois étages de spectateurs sur deux rangs pour une jauge de 150 personnes et une base de plateau circulaire où se joue Démon.  Ce qui rend ce spectacle  difficilement exportable à moins d’adapter sa scénographie.
Créé en 2006, il a reçu un « Masque d’or » dans la catégorie du théâtre expérimental et reste au répertoire de la compagnie. Le public placé au-dessus du jeu voit se dérouler devant lui un grand livre d’images sans texte mais avec une riche illustration musicale: extraits de Bach et Tchaîkovski,  sons de l’alphabet morse,  voix de Léon Tolstoï, bruits de la nature et du vent, de la pluie et de la  mer, etc….
La représentation débute quand  le plateau de scène s’enfonce d’un niveau avec la troupe et qu’une étrange forme noire  s’envole. Plusieurs tableaux se succèdent, les feuilles blanches posées au sol sont tour à tour peintes, dessinées, découpées, ou mises en volume avec talent par les artistes de Krymov. Le spectacle relève d’une  « performance », dont  la narration n’est pourtant pas absente. Les images sont en effet construites en référence  avec  l’histoire artistique russe de l’époque de Lermontov.
Adam et Eve, formes fragiles dessinées sur le papier ,initient le récit qui se termine par l’image du profil de l’auteur. Au milieu des tempêtes de neige, on  voit l’évocation de Gogol qui brûle le tome II de son œuvre emblématique «Les Ames mortes», ou une ballerine en perdition.. Des images vidéo sont aussi  projetées sur une toile blanche.
Le matériau papier est bien utilisé, et,  à la différence d’un théâtre d’images comme celui de Philippe Genty, les transitions entre les scènes ne sont pas masquées, ce qui nuit un peu à la fluidité du spectacle.
Mais ce mille-feuilles artistique réussit à nous emporter en voyage dans la folie de la culture russe.

Jean Couturier

Spectacle de l’Ecole d’art dramatique d’Anatoli Vassiliev à Moscou

L’Augmentation

L’Augmentation de Georges Perec, mise en scène d’Anne-Laure Liégeois.

 

  perec.jpgAnne-Laure Liégeois reprend ce texte de Perec qu’elle avait autrefois monté à Chatenay-Malabry , texte devenu non une véritable pièce mais une sorte de performance.  88 pages, sans aucune autre ponctuation que le dernier point, sans majuscules, avec, pour aérer les choses, quelques images: un œuf dans un coquetier,une horloge, une poule, des poissons décrit,  dans la logique implacable qui figure dans l’organigramme présenté au début du livre, Perec  décrit la stratégie utilisée par M. X… pour arriver jusqu’au bureau de son patron et pour lui soutirer une augmentation de salaire. Dans un style aussi brillant et intelligent que volontairement exaspérant,  avec de légères variations à chaque reprise de la même phrase.
Perec sait manier la répétition avec une virtuosité comparable à celle de Phil Glass en musique, du genre: «  Ayant mûrement réfléchi ayant pris votre courage à deux mains vous vous décidez à aller trouver votre chef de service pour lui demander une augmentation vous allez donc trouver votre chef de service disons pour simplifier car il faut toujours simplifier qu’il s’appelle monsieur xavier c’est à dire monsieur ou plutôt Mr x donc vous allez trouver mr x là de deux choses l’une ou bien mr x est dans son bureau ou bien Mr x n’est pas dans son bureau si Mr x était dans son bureau il n’y aurait apparemment pas de problème mais évidemment Mr x n’est pas dans son bureau vous n’avez donc guère qu’une chose à faire guetter dans le couloir son retour ou son arrivée ».    Perec, de toute évidence, s’amuse de ce langage mis en abyme  qu’il a réussi à mettre au point et  qu’il  propose avec un certain cynisme au lecteur: avec une logique absolument infaillible, à la fin,  le serpent semble se mordre  la queue, puisque cette quête du chef de service, dans une inflation qui finit par épuiser le lecteur, semble absolument vaine: nous  sommes comme invités par Perec à retourner au début du texte!
Cette Augmentation a quelque chose de fascinant pour un metteur en scène: il  doit à la fois se soumettre aux contraintes qu’impose le texte de Perec et, en même temps, a toute liberté pour construire son spectacle. Anne-Laure Liégeois,  elle, a choisi, de le faire interpréter par un homme et une femme qui se répartissent cette longue et unique phrase, ce qui suppose à la fois une belle énergie, une diction et une gestuelle impeccables, donc un solide métier.
Olivier Dutilloy et Anne Grouard, d’abord assis devant la table sans bouger, coincés dans l’espace très réduit d’une un petite scène installée sur la grande, sont impeccables. quand ils jouent les employés pas très finauds de la grande entreprise. Même si, au début, le texte est un peu surjoué et si, ensuite, ils criaillent parfois sans nécessité apparente.
Ce qu’Anne-Laure Liégeois aurait pu nous  épargner même si, par ailleurs, elle réalise un   travail d’orfèvre sur la phrase qu’aurait sans doute beaucoup apprécié Perec.
A voir? Le spectacle est peut-être un peu court pour faire une soirée mais c’est quand même un vrai bonheur que de retrouver l’écriture de Perec avec  ses procédés de composition et son incomparable virtuosité à jouer avec la langue française,dans les contraintes qu’il s’impose…  alors que le texte n’avait  pas été conçu pour un plateau de théâtre.

 

Philippe du Vignal

 

 Le spectacle après avoir été joué au cours de la soirée du 40 ème anniversaire du Théâtre 71 de Malakoff, est actuellement au Théâtre du Rond-Point .6 oct. – 6 nov., 21:00 salle Roland Topor dimanche, 18:30 relâche les lundis et les 9 oct. , 13 oct. , 20 oct, 27 oct. et 1 nov.

Georges Perec, L’Art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation, postface de Bernard Magné, Hachette Littératures, 105 p., 12 €.

 

Couple ouvert à deux battants

Couple ouvert à deux battants d’après Dario Fo et Franca Rame, mise en scène  de Jean-Marc Layer.

 

co2b1clubisoclaudearnaudas.jpgCette pièce du fameux couple italien,  extraite de Récits de femmes et autres histoires, est une comédie satirique qui met en jeu le couple dit « traditionnel » où l’homme trompe sa épouse, mais voit poindre un véritable désir d’émancipation chez les femmes. Dans l’acmé de la crise conjugale, le mari machiste lui suggère de le tromper à son tour, dans une relation de « couple ouvert » comme l’indique le titre de la pièce. Ce sont deux figures représentatives de notre époque (la pièce date de 1983) : la femme apparaît tiraillée à la fois par un désir de couple mais aussi par celui de son émancipation, tandis que l’homme recherche uniquement le plaisir immédiat.
Comme le dit Jean-Marc Layer : « Cette posture de l’ «Homo Economicus» délaisse volontairement la notion du « nous », antagoniste à sa finalité : elle est un frein à sa propre liberté de jouir. Le texte suggère d’emblée un rapport privilégié avec le public au travers de nombreuses adresses directes. Le décor est simple, un plateau tournant ressemblant à une horloge fondue de Dalí, doté d’un panneau qui suggère d’un côté un décor de cirque et, de l’autre, une draperie d’intérieur d’appartement ; le musicien avec son matériel de percussion sur un côté, et sur l’autre se trouvent de nombreux objets utilisés au fur et à mesure par les acteurs circassiens. Une bande au sol délimite, sur le devant de la scène, la « frontière » entre fiction et réalité dont ils jouent largement tout au long du spectacle.
L’adresse directe, l’intrusion au sein du public, puis le retour à la fiction sont autant d’éléments qui fusent ici ou là, souvent de manière efficace mais parfois un peu répétitive, qui laissent voir au spectateur les coutures d’un spectacle où l’improvisation joue un rôle déterminant. Mais les acteurs du Cirque Désaccordé vont plus loin, et se réapproprient de manière personnelle ce texte, en explorant ses possibilités scéniques et surtout son potentiel circassien : « De chutes en culbutes, l’auguste et le clown blanc échangent de rôles, s’affrontent : le plus fort n’est pas forcément celui que l’on croit. Tous les coups sont permis » ! Valérie Pareti adapte, par exemple, la recherche existentielle de la femme à l’univers du clown : grâce à l’ univers musical sobre et précis de Frank Lawrence, son clown apparaît, pétri de tendresse et de déchirement. Laurent Pareti, doté d’une énergie communicative, et de beaucoup d’adresse, fait exploser le tempérament brutal de l’homme à travers des numéros de jonglage avec ballon (dignes d’un footballeur !) et surtout avec des massues.
C’est un des moments forts du spectacle : la femme est avachie sur le côté de la scène, l’homme se munit de plusieurs massues ornées de cheveux blonds, bruns, roux, chacune représentant les conquêtes extra-conjugales de l’homme, qui les fait tourner dans tous les sens en faisant au passage bon nombre de commentaires.. Ce spectacle avec des ombres chinoises, s’ouvre sur un prologue étonnant, accompagné par une musique lancinante: un homme au corps sculptural, improvise un numéro et réussit à créer une forte complicité avec le public dès le début du spectacle qui mérite largement de rencontrer son public.

Davi Jucá

 

Théâtre de la Girandole, 4 rue Edouard Vaillant, Montreuil.

Les jeudis 6 & 13 octobre à 19h30 Les vendredis 7 & 14 octobre à 20h30. Les samedis 8 et 15 octobre à 20h30. Les dimanches 9 et 16 octobre à 16h.

La femme qui frappe


 
La femme qui frappe, texte et mise en scène de Victor Haïm.

 

     Dans la petite salle du Ciné Théâtre 13, il y  devant quelques rangées de sièges, quatre canapés deux places et neuf fauteuils club en cuir rouge où on peut se lover. Dehors,  il fait encore presque chaud, la salle est fraîche mais pas climatisée: donc tout va bien pour la trentaine de spectateurs qui sont montés sur la butte Montmartre pour aller voir ce monologue.
Sur scène, le studio un peu minable avec  des casiers où sont empilés des revues et des livres, et où sont accrochées des feuilles de manuscrit  par dizaines  il y a un panier de linge sale qui déborde, une table de cuisine qui accueille une machine à écrire mais sans doute aussi les repas. Dans l’angle droit, un lit avec un homme allongé, dont on ne voit que le jean et les grandes chaussures, mort sans doute puisqu’il ne bouge pas.
3395618538.jpgOn est le 22 juillet 1969, donc l’année d’après mai 68, et le lendemain du jour où deux astronautes, l’astronaute américain, Amstrong, chef de la mission Apollo 11, sort de la capsule spatiale et pose son pied gauche sur  la lune, rejoint 19 minutes plus tard, par  Aldrin. Tandis qu’ à Paris, une  jeune femme s’escrime à taper le manuscrit d’un très épais roman, qui ne semble pas très passionnant si l’on en juge les morceaux qu’elle essaye de déchiffrer. Le roman lui est envoyé chaque jour par paquets envoyés par l’auteur qu’elle ne connaît pas du tout.
Bref, un travail épuisant- la jeune femme s’endort parfois sur sa machine-sans grand intérêt, payé avec un élastique mais il faut bien vivre et payer les obsèques de son compagnon comme elle le dira à l’auteur dont elle n’a pas encore reçu la moindre avance, et  à qui elle téléphone pour une histoire de virgule qu’elle juge mal placée. Elle le rappellera plusieurs fois, et il y a aura donc un véritable dialogue entre  cet écrivain amateur  et  la pauvre dactylo qu’il traite d’abord avec une certaine suffisance . On devinera seulement ce qu’il lui  dit à l’autre bout du fil mais on n’entendra jamais sa voix, et c’est peut-être dommage…Puis, les choses évolueront et l’écrivain, assez pervers, la flattera jusqu’à avoir avec elle une conversation érotique. mais les affaires sont les affaires, et la jeune femme  devra de nouveau subir ses sarcasmes, quand elle lui fera des remarques de style. Et cela finit comment? Vous le saurez si vous y allez mais pas très bien.
C’est Victor Haïm qui, en vieux routier du théâtre, a dirigé la comédienne et a mis en scène sa pièçette . Plutôt pas mal, et les 70 minutes passent vite, même cette femme qui frappe aurait pu frapper dix minutes de moins… Même si ce cadavre sur le lit a quelque chose de surréaliste qui n’a pas grand chose à voir avec le dialogue entre l’écrivain et la dactylo.
Mais Marianne Soumoy, tour à tour espiègle, drôle mais aussi parfois accablée par ce travail qui la mine, possède le métier nécessaire pour venir à bout de ce long monologue: diction et gestuelle impeccables, et maîtrise de l’espace tout à fait convaincante.. Bref, un vrai plaisir. Alors y  aller? Pas nécessairement pour le texte qui reste quand même un peu mince pour une soirée, mais si vous avez envie de découvrir un vraie comédienne…

 

Philippe du Vignal

 

Ciné Théâtre 13  avenue Junot 75018 Paris,  jusqu’au 15 octobre. T: 01-42-54-15-12

Les Trois Mousquetaires par le théâtre Alfa

Festival International de la Marionnette Obraztsov de Moscou

 

moscou007.jpgLes Trois Mousquetaires par le théâtre Alfa.

 

Cette semaine, la troupe tchèque du Théâtre Alpha a présenté avec succès, un de ses spectacles fétiches au public russe . Cette adaptation-créée en 2006-des Trois Mousquetaires pour marionnettes à gaine, comédiens et musiciens, a déjà reçu de nombreux prix dans son pays et à l’étranger. Le castelet représente le campement d’un régiment en campagne, avec, à l’ avant-scène, trois musiciens qui jouent, avec une belle folie, des morceaux de transition entre les tableaux. Les langues russe, anglaise, française, et tchèque s’entremêlent dans cette version dynamique, compréhensible par tous.  Paradoxalement très parlé, le spectacle fait référence au burlesque des films muets de Max Linder, L’étroit Mousquetaire.
Et cela tient aussi d’une bande dessinée. Avec un humour, une énergie et une certaine distance par rapport au roman d’origine.. Les marionnettes sont survoltées et les artistes se permettent même de réaliser un tableau de mise en abyme du castelet, avec un bel hommage à Serguey Obraztsov, le maître fondateur du lieu. Le spectacle est à repérer dans les prochains festivals de théâtre de marionnette,  et il ne devrait pas vous décevoir.

 

Jean Couturier
HYPERLINK « http://www.divadloalfa.cz » www.divadloalfa.cz

Van Gogh, Autoportrait

Van Gogh, Autoportrait par Jean 0′Cottrell


vangoghautoportrait.jpgD’après des textes tirés de la correspondance de Vincent Van Gogh et de Van Gogh le suicidé de la société, le comédien vif et inspiré Jean O’Cottrell campe sur la scène à la fois l’homme en souffrance et l’artiste en quête d’absolu. Le spectateur attentif est convié à un chemin de croix, une recherche ardue de tous les instants à travers laquelle l’être infiniment fragile et profondément humain qu’est Vincent, s’exprime pour vivre et survivre. Habité par sa passion de peindre et un désir d’expression forcené, il ne cesse en même temps de questionner le monde et son frère Théo, un autre lui-même aux antipodes de sa propre posture sociale, tous deux à l’écoute sincère l’un de l’autre. Tout concourt à blesser Vincent : la solitude insupportable et douloureuse, le rejet des siens et de Kate – la femme aimée -à Amsterdam, la recherche dans l’errance urbaine – à la façon de Baudelaire et de ses Fleurs du Mal - d’une figure féminine de substitution choisie pour connaître enfin l’illumination à travers la sensualité ou le partage d’un corps. Faire l’épreuve de sa solitude encore dans sa chambre, et se sentir bien avec quelques meubles et accessoires comme un lit, une chaise, une table, une tenue rustique de peintre, la paire de fameux croquenots de Van Gogh, un bouquet d’iris bleus et violets jetés sur le fond d’une toile jaune, rien ne manque de l’imaginaire solaire diffusé par l’icône picturale attachante. Prennent alors vie ,délicatement l’évocation du café à Arles et les lumières des étoiles célestes dans le firmament noir: O’Cottrell est plus Van Gogh que nature, méditatif, inquiet, torturé, assailli par la voix qui l’habite et le contrôle aussi, dans l’exigence d’un art tyrannique jamais assouvi.
Le peintre prend conscience de son hypersensibilité et tente, ce faisant, de la juguler à travers le travail et une obsession de la perfection : « J’ai une fièvre de travail continuelle et j’en jouis comme une cigale. On remplit sa toile à la diable. Alors pourtant on attrape le vrai et l’essentiel, et celui qui assiste à cela en est parfois tout saisi et même emballé. » La lumière estivale, les bougies installées sur le chapeau de rêve de l’artiste qui peint dans la nuit pour mieux capter nuances et couleurs et en saisir l’esprit, rien ne manque au souvenir magistral d’un artiste injustement méconnu en son temps et devenu une référence artistique d’envergure en notre époque d’indécision et d’incertitude.
Un beau travail précis et concret qui fraie en même temps avec la beauté et l’onirisme qui jamais ne lasse.

 

Véronique Hotte

 

Van Gogh, Autoportrait, de et par Jean O’Cottrell. Jusqu’au 5 novembre 2011, du mardi au samedi à 21h au Lucernaire. Réservations : 01 45 44 57 34

Le développement de la civilisation à venir

Le développement de la civilisation à venir, d’après Une maison de poupée d’Henrik Ibsen, adaptation et mise en scène de Daniel Véronèse.

 

  lede769veloppementdelacivilisationa768venir800x533.jpgC’est,  comment dire, une sorte de précipité à partir de la trame et des personnages de la célèbre pièce d’Ibsen créée en 1879. Il y a Nora, son mari le  directeur de banque Helmer, l’amie de Nora,  Cristina, Krogstad l’employé de’Helmer, autrefois amant de Cristina qui va faire chanter Nora à cause d’un document où elle a imité la signature de son père, et enfin le docteur Rank, l’ami de la famille ici incarné par une femme.
C’est si l’on veut une adaptation du célèbre texte en une heure quinze.   « J’ai voulu , dit le metteur en scène argentin, conserver l’essence de la lutte des sexes, qui est toujours en vigueur aujourd’hui: la situation a beau avoir changé depuis la création de Maison de poupée, la volonté de l’homme s’impose toujours à celle de la femme. Il continue à y avoir quelqu’un de plus fort qui soumet quelqu’un de plus faible.Il y a certes plus de liberté -ou plus d’hypocrisie- aujourd’hui mais le pouvoir reste entre les mains de l’homme ».
Dans le version de Véronèse, Nora ne partira pas ou,  du moins,ce n’est pas encore fait, parce que  la main de son mari garde symboliquement  les clés sur la table qui lui permettraient d’ouvrir la porte pour sortir…  Un décor de salle à manger un peu minable  avec deux portes, un canapé moderne blanc à deux places où sont déjà assises avant le début du spectacle, Nora et Cristina, qui bavardent , une table en bois et trois chaises.
Sur la petite scène du Théâtre de la Bastille,  les acteurs sont à quelques mètres à peine du premier rang de spectateurs d’où une impression de gros plan et de grande proximité des personnages qui vivent et s’expriment tout près de nous. C’est visiblement une volonté du metteur en scène qui introduit aussi des références tout fait contemporaines comme ces remarques à propos  d’Ingmar Bergman mais c’est fait sans aucun racolage comme une chose naturelle, histoire,  comme dit Véronèse, « d’attirer l’histoire vers le présent ». Cette mise en abyme n’était sans doute pas nécessaire mais n’est en rien gênante.
Et Daniel Véronèse dirige remarquablement ses comédiens; apparaît alors  une vérité des personnages grâce à  la concentration de chaque acteur. Maria Figueras (Nora) Carlos Portaluppi, son mari et Roly Serrano (Krogstad) surtout  font un travail exemplaire d’intensité dans l’expression des sentiments.
Quand , à la fin, Nora, bouleversée, les cheveux décoiffés, en larmes, avoue enfin qu’elle a falsifié la signature de son père, c’est vraiment un grand moment de théâtre. Avec un calme et une force peu courantes,les cinq comédiens savent faire monter l’émotion dans le le public qui retient son souffle,  et qui  leur a fait une ovation tout à fait méritée.
Il reste deux jours pour voir à Paris ce spectacle fascinant: surtout , si vous le pouvez, n’hésitez pas, que vous connaissiez Une Maison de poupée ou non…

 

Philippe du Vignal

Théâtre de la Bastille  jusqu’au 2 octobre ; attention, c’est à 19 heures.

 

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