Les Chaises

Les Chaises d’Eugène Ionesco, mise en scène de Philippe Adrien

 

 photomedium504920110930110217leschaisesinter.jpgUn spectacle dont on ressort dont on parle l’air de rien, en remontant vers le métro. Mais, au fil des jours, il nous hante et nous réalisons qu’il a gravé son nom dans notre imaginaire. La pièce en elle-même est un véritable malaise à retardement, la révélation d’une peur profonde que chacun retrouve en soi : celle d’une vie à une seule issue. Et Philippe Adrien a su créer un univers solide et juste où la parole de l’auteur s’inscrit naturellement.
Le décor conçu par Gérard Didier est une pièce lugubre avec un mur de fer en demi-cercle rouillé qui semble être le sommet d’une vieille tour d’où l’on peut entrevoir la mer par deux étroites fenêtres chacune à une extrémité et accessibles par un escabeau. Et des chaises, bien sûr. De vieilles chaises en ferraille, entassées les unes sur les autres en équilibre précaire. Loin d’éclairer la scène, la lumière en renforce encore l’aspect sinistre…  Un couple de vieillards décatis habite cette mansarde. Sous leur maquillage verdâtre, eux aussi participent de cette impression de délabrement général.
Et la parole elle-même semble disparaître. Malgré tout, un espoir subsiste : le Vieux prétend avoir une idée qui peut sauver le monde: il a repris contact avec tous les gens importants et s’apprête à donner chez lui, avec l’aide de sa femme, une conférence historique pour leur révéler. cette idée géniale. Les petits vieux accueillent poliment  les invités (que nous ne verrons jamais) et qu’ils font asseoir sur des chaises trop peu nombreuses.
L’Orateur (Bruno Netter) finalement arrivé, s’avance pour énoncer le message salvateur, mais ne sortent de la bouche de cet hurluberlu roulant des yeux, qu’onomatopées et vagissements insensés.  Une lente descente vers l’enfer, donc, à travers l’effacement progressif qu’est la vieillesse, son flot de souvenirs et regrets faisant surface, rencontres impromptues. Mais aussi faiblesse de corps et d’esprit  et la répétition sans fin de la même comédie journalière, avec les mêmes gestes et mêmes mots échangés, portant en eux la trace de toute une existence perdue.
Alexis Rangheard est poignant. Agité de tremblements, il incarne tout le pathétique de son personnage dont il nous infiltre l’image, augure d’un futur incertain. Le jeu de Monica Companys d’un registre moins subtil,tombe parfois dans un effet mécanique, pas toujours heureux. Mais les acteurs forment un couple qui réussit à s’imposer, d’abord sur scène, puis dans notre esprit. Quelques  jours plus tard, nous avons de sombres pensées et des images qui se sont ancrées: celle d’une certaine représentation de la vieillesse, avec l’impression d’une décrépitude inéluctable: le spectacle est ainsi devenu une idée que nous nous approprions: au fond, tout ce que l’on demande au théâtre….

 Élise Blanc

Théâtre de La Tempête jusqu’au 5 novembre.

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Archive pour 3 novembre, 2011

Les Chaises

Les Chaises d’Eugène Ionesco, mise en scène de Philippe Adrien

 

 photomedium504920110930110217leschaisesinter.jpgUn spectacle dont on ressort dont on parle l’air de rien, en remontant vers le métro. Mais, au fil des jours, il nous hante et nous réalisons qu’il a gravé son nom dans notre imaginaire. La pièce en elle-même est un véritable malaise à retardement, la révélation d’une peur profonde que chacun retrouve en soi : celle d’une vie à une seule issue. Et Philippe Adrien a su créer un univers solide et juste où la parole de l’auteur s’inscrit naturellement.
Le décor conçu par Gérard Didier est une pièce lugubre avec un mur de fer en demi-cercle rouillé qui semble être le sommet d’une vieille tour d’où l’on peut entrevoir la mer par deux étroites fenêtres chacune à une extrémité et accessibles par un escabeau. Et des chaises, bien sûr. De vieilles chaises en ferraille, entassées les unes sur les autres en équilibre précaire. Loin d’éclairer la scène, la lumière en renforce encore l’aspect sinistre…  Un couple de vieillards décatis habite cette mansarde. Sous leur maquillage verdâtre, eux aussi participent de cette impression de délabrement général.
Et la parole elle-même semble disparaître. Malgré tout, un espoir subsiste : le Vieux prétend avoir une idée qui peut sauver le monde: il a repris contact avec tous les gens importants et s’apprête à donner chez lui, avec l’aide de sa femme, une conférence historique pour leur révéler. cette idée géniale. Les petits vieux accueillent poliment  les invités (que nous ne verrons jamais) et qu’ils font asseoir sur des chaises trop peu nombreuses.
L’Orateur (Bruno Netter) finalement arrivé, s’avance pour énoncer le message salvateur, mais ne sortent de la bouche de cet hurluberlu roulant des yeux, qu’onomatopées et vagissements insensés.  Une lente descente vers l’enfer, donc, à travers l’effacement progressif qu’est la vieillesse, son flot de souvenirs et regrets faisant surface, rencontres impromptues. Mais aussi faiblesse de corps et d’esprit  et la répétition sans fin de la même comédie journalière, avec les mêmes gestes et mêmes mots échangés, portant en eux la trace de toute une existence perdue.
Alexis Rangheard est poignant. Agité de tremblements, il incarne tout le pathétique de son personnage dont il nous infiltre l’image, augure d’un futur incertain. Le jeu de Monica Companys d’un registre moins subtil,tombe parfois dans un effet mécanique, pas toujours heureux. Mais les acteurs forment un couple qui réussit à s’imposer, d’abord sur scène, puis dans notre esprit. Quelques  jours plus tard, nous avons de sombres pensées et des images qui se sont ancrées: celle d’une certaine représentation de la vieillesse, avec l’impression d’une décrépitude inéluctable: le spectacle est ainsi devenu une idée que nous nous approprions: au fond, tout ce que l’on demande au théâtre….

 Élise Blanc

Théâtre de La Tempête jusqu’au 5 novembre.

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