Ivanov

Ivanov de Tchekhov,  (première version), traduction de Françoise Morvan et André Markovics, mise en scène de Jacques Osinski.


Ivanov est la première pièce de Tchekov à avoir été jouée (1887) mais on ne met en scène d’habitude que la seconde version, (1889) sous-titrée tragédie et non plus comédie. Jacques Osinski a choisi de revenir à cette première version redécouverte par André Markovics il y a une dizaine d’années.Le canevas général et les dialogues sont  proches. C’est l’histoire d’Ivanov, 35 ans, (on dirait 45 maintenant)plus très jeune et pas encore vieux   » déçu, fatigué, écrasé par une activité médiocre « comme il le dit-lui-même, dont le femme Anna Petrovna, née Sarah Abramson, est rongée par la tuberculose (comme Tchekov); il l’a aimée follement mais il s’en est détaché.
En fait, il y a eu un double malentendu: Anna a abandonné la religion juive et donc son identité pour se marier avec lui; reniée par ses parents, elle n’a pas eu de dot  et Ivanov, en épousant une femme juive, est mis au ban de cette  société rurale antisémite! Sans argent, mal dans sa peau,  il est  fasciné, même s’il s’en défend et se sent   coupable, par Sacha (20 ans), la fille des Lebedev qui l’aime elle passionnément.
Mais Lvov le jeune médecin , sans doute aussi  un peu amoureux d’Anna qu’il essaye de soigner,  injurie Ivanov à qui il reproche de mal se conduire avec  elle . II culpabilise et reconnaît avoir fait des erreurs et l’avoir trompée mais ne supporte pas qu’Anna le traite de menteur et de lâche; exaspéré, comme s’il voulait en finir, il dira cruellement à  sa femme  qu’elle va bientôt mourir.
Quant à Sacha, elle ne supporte pas non plus que Lvov juge Ivanov  et l’attaque sans arrêt. Ivanov, écorché vif, épuisé par ces épreuves, sait peut-être dans cette première version qu’il est au bout du rouleau ; ce qui se vérifie, puisqu’il meurt peu après  d’un infarctus. Mais il y a des différences notables entre des deux versions:  comme on est à la campagne,  au cœur de la Russie centrale, on parle  souvent gros sous, comme dans La Cerisaie: fermages, dettes et dotes, champs qui rapportent, et… traites à rembourser; les personnages, des êtres ordinaires, sont bien ancrés sur leurs terres, même et surtout quand ils n’ont plus  d’argent.
Par ailleurs,le mariage de Sacha et d’Ivanov a lieu bien avant,  et à la fin, Ivanov meurt seul, un peu à l’écart, alors que dans la seconde version, il se suicide devant tout le monde. En fait, Tchekov , dont le regard est parfois féroce, surtout quand il dénonce l’antisémitisme de Chabelski, veut peindre un monde du quotidien, et ce monde n’est pas encore celui du drame de le seconde version :  » Le plus souvent, on mange,on boit, on flirte, on dit des sottises. C’est ça qu’on doit voir sur la scène. Il faut écrire une pièce où les gens vont, viennent, dînent, parlent de la pluie et du beau temps, jouent au whist, non par la volonté de l’auteur, mais parce que c’est comme ça que ça se passe dans la vie réelle. Alors,naturalisme à la Zola ? Non, ni naturalisme, ni réalisme. Il ne faut rien ajouter à un cadre. Il faut laisser la vie telle qu’elle est, et les gens tels qu’ils sont, vrais et non boursouflés. »
Jacques Osinski a donc  voulu montrer cette société rurale, très fermée sur elle-même, où  l’on s’ennuie et  où, en proie à la nostalgie dès que l’on passé la trentaine,on ne sait trop quoi faire de sa vie.  » Le passé me tourmente et je crains l’avenir » , faisait déjà dire à ses personnages  le bon Corneille! Alors on joue aux cartes, on dit du mal de ses proches parents ou amis, on rêve à des mariages, on mange des harengs et des gâteaux, on boit beaucoup, et  de la vodka plus que du thé!
Et le metteur en scène pendant la première moitié du spectacle nous montre ces anti-héros tchekoviens en proie à la lassitude et à l’ennui, errant d’un canapé à un fauteuil,  qu’ils repositionnent très souvent sans que l’on sache bien pourquoi. Le décor, plastiquement très réussi, dans les gris et crème, avec une profondeur de champ très limitée, de façon obscène au sens étymologique du mot, ressemble à une « installation « et tient  donc  d’une œuvre d’art contemporain où  deux lampadaires sur pied dispensent une lumière des plus avares.   Comme l’on voit à peine ce que disent les comédiens dont certains ont une diction approximative, et qu’ils bougent à peine et parlent doucement, en prenant des temps , une douce torpeur s’empare  du public, jusqu’à plomber le spectacle. Il  est vrai que le début de la pièce n’est quand même pas du même niveau que celui des grandes pièces de Tchekov et que l’on sent encore une certaine difficulté chez Tchekov à s’emparer des personnages. Il y a un parti pris sans aucun doute mais vraiment, on ne comprend pas ce que le metteur en scène a voulu faire  et  cela ne fonctionne pas, surtout dans cette salle difficile du Théâtre de l’Ouest Parisien.
Puis, comme par un coup de baguette magique, la scène est davantage éclairée, on voit chaque personnage, les dialogues incisifs ont une vie et une saveur incomparables, et il  y a  des scènes étonnantes de vérité et de cruauté, comme celle où Sacha embrasse Ivanov et qu’elle s’aperçoit vite qu’Anna Petrovna est là, muette, en train de les regarder, ou quand Ivanov subit les reproches d’Anna, ou encore quand Lvov le jeune médecin, sûr de lui, accable Ivanov de reproches qui lui rappelle que les êtres humains son complexes. Tout est juste et clair  dans la direction des  acteurs qui sont excellents;  Vincent Berger (Ivanov),  Grétel Delattre (Anna Pétrovna), Jean-Claude Frissung (Lébédev), Delphine Hecquet (Sacha), ou Alexandre Steiger (Lvov). On retrouve ici la même exigence de mise en scène que dans les travaux précédents d’Osinski, notamment Le Triomphe de l’amour. Comme si Jacques Osinski était plus à l’aise dans les scènes intimistes avec dialogue coup de poing .Alors à voir? Oui, si vous voulez découvrir un Ivanov inédit mais surtout  pour la seconde partie du spectacle mais… prenez un café avant de subir la première et essayez d’être dans les premiers rangs…

Philippe du Vignal


Théâtre de l’Ouest Parisien à  Boulogne jusqu’au 13 novembre.


Archive pour 11 novembre, 2011

ÇA DÉCHIRE

Ca déchire, mise en scène de Véro Dahuron et Guy Delamotte,  textes de Sigurdur Palsson, Frédéric Sonntag, Elie Karam, Lot Vekemans, Angel Norzagaray.

Mustapha Aouar rencontré à l’issue des Poseurs de voie, nous convie à cette première série de représentations des Rencontres du Théâtre du Réel, il y a une grève du RER, Gare au Théâtre réclame des spectateurs-son point faible, malgré l’originalité de sa démarche et les axes qu’il défend ! Alléchés par l’axe du théâtre documentaire, nous le suivons, et  le Panta Théâtre fait remonter des souvenirs très lointains.
Cette partition inachevée entre Vero Dahuron et Timo Torrika, massif acteur islandais, tourne autour des ruptures de couples. Malgré un travail plutôt soigné sur le plan plastique, les deux acteurs peinent à convaincre. La théâtralité ne semble pas au rendez-vous de ce sujet de prédilection du théâtre de boulevard.

Edith Rappoport
www.pantatheatre.net

Gare au Théâtre Vitry sur Seine

LES POSEURS DE VOIES

LES POSEURS DE VOIES La Constellation, Mise en scène Alexandre Ribeyrolles, Musique de Marco Quesada avec Jacques Germain et Hélène Savina chanteurs, 5 batteurs dirigés par Riké (Éric Goubet), film d’Alain Petoux.

La place du théâtre de Vitry est occupée par un immense dispositif, des dizaines de tonneaux métalliques à hauteur de nos têtes surmontés de grands écrans de part et d’autre de la place occupée par un public clairsemé. La tension monte avec la musique lyrique de belles voix, des images ferroviaires et les rythmes frénétiques frappés avec énergie sur les tonneaux. On installe sur les rails la future voie de chemin de fer qui reliera Vitry et d’autres villes au réseau SNCF. La compagnie KNAM de Komsomols sur amour rencontrée au Festival Sens interdits du Théâtre de Célestins de Lyon (voir blog du 25 octobre), qui nous accompagne est comme nous sidérée. Les poseurs de voies ont bénéficié d’une commande du Conseil Général du Val de Marne, de la ville de Vitry, de la SNCF, de la RATP et de Total.
Edith Rappoport

Place du Théâtre de Vitry
11 représentations dans le Val de Marne jusqu’au 12 décembre, www.laconstellation.com

LES POSEURS DE VOIES à ….

Villejuif : le samedi 12 Novembre 2011 à 19h (En face du 7 rue Saint Exupéry 94800 Villejuif)Arcueil/Cachan : le lundi 14 Novembre 2011 à 18h30 (Rue Léon Eyrolles – parking de la Gare 94230 Cachan)Bagneux : le mercredi 16 Novembre 2011 à 18h30 (Rond-point des Martyrs de Châteaubriant, 92220 Bagneux)Alfortville : le vendredi 18 Novembre 2011 à 18h30 (à l’angle de la rue Constantinople et du Cours Beethoven, 94410 Alfortville)Créteil : le samedi 19 Novembre 2011 à 19h (Rue Gustave Eiffel / Parking de l’Echat 94000 Créteil)Vitry – Les Ardoines : Le lundi 21 Novembre 2011 à 18h30 (Parking des Ardoines 94400 Vitry-sur-Seine)Maisons-Alfort : le jeudi 24 Novembre 2011 à 18h30 (Devant le Stade Hébert, 79 av de la liberté 94700 Maisons Alfort)Saint-Maur-des-Fossés : le samedi 26 Novembre 2011 à 17h (Parvis de la Gare RER St Maur- Créteil 94100 Saint-Maur-des-Fossés)Champigny : le vendredi 2 Décembre 2011 à 19h (Place Lénine 94500 Champigny-sur-Marne)Nogent sur Marne / Le Perreux-sur-Marne : le lundi 12 Décembre à 18h (Parking de la Gare côté « Le Perreux »)

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