Je disparais

Je disparais d’Arne Lygre, mise en scène de Stéphane Braunschweig.

La Norvège est un pays où le froid sans doute pénètre jusqu’au langage des hommes et ne leur laisse dire que l’essentiel. D’Ibsen à Arne Lygre, né en 1968, en passant par Jon Fosse son aîné de 9 ans, les mots des dramaturges norvégiens cachent bien des mystères. Stéphane Braunschweig, qui a su si bien rendre compte de la subtile cruauté du monde d’Ibsen, affronte courageusement ce théâtre de l’identité perturbée dans ce pays où rien n’arrive jamais, sauf parfois le pire. Les personnages de Je disparais jouent à être multiples, et parlent d’eux à la troisième personne ou s’imaginent dans d’autres personnages, comme les enfants qui disent: » on dirait qu’on serait ». Et pourtant ils ont des vies normales. A l’exemple de cette femme, qui ouvre la pièce, assise sur un fauteuil dans sa maison, et qui nous dit qu’elle habite là depuis longtemps, qu’elle s’y sent bien, qu’elle connaît tout de ce qui l’entoure. Et pourtant  dit qu’elle doit partir?.Pourquoi? Nous ne le saurons pas vraiment.
Son amie qui vient la rejoindre doit partir avec elle. Elles attendent l’une son mari, l’autre sa fille. En les attendant elles jouent à inventer d’autres femmes dans d’autres situations pires que la leur. Elles sont au bord d’une nouvelle vie, au bord de l’inconnu, comme plus tard, lorsqu’elles auront quitté la maison elles seront au bord de la mer à attendre un bateau pour passer de l’autre côté. Le mari de l’une et la fille de l’autre ont déjà choisi une autre vie. Ils ne viendront pas avec elles. Elles le savent sans doute .Tout tourne autour de celle que l’auteur nomme « Moi », les autres n’existent que par rapport à elle; « mon amie », « la fille de mon amie »,  » mon mari ». Seule « l’étrangère » dont elle ne connaît pas l’existence est en dehors de son cercle. Chacun d’eux se définit par ce qu’il dit et redit car des phrases reviennent comme des leitmotiv qui les raccrochent au réel face au vertige de leur identité qui se dérobe…
« Moi » , c’est Annie Mercier, formidable de naïveté et de rouerie mélées, qui fait entendre l’humour de sa partition. Autour d’elle, Luce Mouchel, « mon amie », Pauline Lorillard, « la fille de mon amie », et puis, seul, comme elle au début de la pièce, Alain Libolt, « mon mari », qui nous fait entendre sa difficulté à vivre dans le souvenir du deuil de son enfant.Un personnage romantique, prêt à un nouvel amour, un homme fragile qui ne peut sans doute plus supporter que sa femme taise la mort de l’enfant. Il saisira la main de « l’étrangère », Irina Dalle, qui lui fait entrevoir une autre vie.
Stéphane Braunschweig nous fait découvrir cette écriture si dérangeante dans sa précision et son mystère, qui nous mène au bord du gouffre tant elle joue avec nos certitudes . Il crée une autre pièce d’Arne Lygre, « Les jours souterrains » à Berlin,  qui sera donnée à la Colline en février.. Une interrogation cependant, ce texte n’aurait-il pas été plus à sa place dans la petite salle de la Colline? La belle scénographie abstraite traduit bien le vertige du dédoublement, l’inversion du réel, mais sur ce plateau immense, la dissection de l’âme perd de sa précision.

Françoise du Chaxel


Théâtre National de la Colline jusqu’au 9 Décembre. 01 44 62 52 52.

 

 

 

 

 

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