Zadig

Zadig, conte parodisiaque de Voltaire, (sic) mise en scène de  Gwenhaël de Gouvello.

   zadig.jpgZadig est un conte philosophique de Voltaire qu’il fit paraître en 1747 sous le titre de Memnon puis, un peu plus tard, lesté de quelques chapitres supplémentaires, sous son nom actuel.
C’est un peu le cousin de Candide; le conte est aussi le voyage initiatique d’un jeune homme, cette fois  babylonien, « riche et jeune » et « d’un cœur sincère et noble » qui est à la recherche du bonheur mais,  qu’à chaque fois, un mauvais sort accable:  les jeunes femmes qu’il aime le trompent sans état d’âme, et il sera condamné à être pendu avant de se retrouver Premier ministre.
Le balancier repartant dans l’autre  sens, le pauvre Zadig  vendu comme esclave, verra le bûcher de près. Puis le brigand Arbogad le fera prisonnier; Zadig arrive quand même à regagner Babylone avec la reine Astarté qu’il a réussi à libérer de l’esclavage. Mais il devra encore affronter des combats qui doivent désigner l’homme qui méritera d’épouser Astarté. Mais il perd à cause d’un adversaire malhonnête; il rencontre alors un ermite qui n’est autre en fait que l’ange Jesrad qui s’est déguisé et qui lui expliquera l’ordre de l’univers. Zadig alors remporte une épreuve où il doit deviner des énigmes et il retrouvera ainsi la Reine Astarté qu’il épousera.
C’est, bien entendu, une œuvre influencée par Les Contes des mille et une nuits qui avaient été édités  dans la traduction de  Galland au début du 18 ème siècle mais Zadig se situe aussi dans la tradition du roman picaresque, avec des cadeaux du destin mais aussi avec des chutes sociales  imprévues qui font réfléchir le malheureux jeune homme aux  destinées qui gouvernent le monde et les humains.
Bonne occasion aussi  pour Voltaire de régler ses comptes avec ses ennemis: les  ministres sont corrompus, les médecins bêtes  et incompétents, les religieux fanatiques et les femmes incapables de rester fidèles, nette allusion à son amie Madame du Châtelet…
Cette réflexion sur le bonheur n’est pas exempte chez Voltaire d’un pessimisme bon teint. L’auteur de Zadig ne se fait pas d’illusions sur la bêtise et la cruauté de l’homme, qu’il soit occidental ou oriental… C’est une invitation claire à ses lecteurs à ne pas se bercer d’illusions et à agrandir leur champ de vision du monde. Moralité: mieux vaut être  bon observateur, s’en tenir à la raison et comprendre  que la liberté individuelle ressemble à un mythe et pas à un absolu.
Bref, ce conte de Voltaire qui oscille entre satire et philosophie nous apprend que le monde est régi par des lois et non pas par notre imagination, et nous rappelle que l’échec nous menace à tout moment, et qu’il vaut mieux alors croire en la raison. Les tribulations des personnages imaginés par Voltaire  suffiraient à  fournir l’argument de plusieurs pièces de théâtre.
Gwenhaël de Gouvello a, sans aucun scrupule, rebaptisé Zadig, conte parodisiaque de Voltaire  l’œuvre du célèbre philosophe comme s’il était l’auteur de la chose présentée. Il y a tromperie sur la marchandise. Alors qu’il indique ensuite en toutes petites lettres: adaptation! Il faudrait savoir,  et c’est un bien mauvais présage…
Sur une scène nue,  vingt chaises de bistrot en bois, manipulées sans arrêt par la douzaine de comédiens, vont servir à  créer des accessoires ou des praticables. Malheureusement,  la mise en scène et la direction d’acteurs comme les costumes sont d’une rare indigence. Et aucun des  comédiens n’arrive à  rendre  crédible les  personnages de ce conte. Soyons justes: comme la diction est tout à fait correcte, on entend bien le texte, c’est déjà cela mais le reste est affligeant  et  le jeu  souvent vulgaire et racoleur.
La majorité du public venait d’un collège voisin semblait s’accommoder de cet ovni mais la demoiselle qui se trouvait devant moi a  commencé très vite à lire ses sms et à y répondre: c’est un signe qui ne trompe pas… Que peut-on sauver de ce bri-à-brac qui, on le craint, ne pourra guère être amélioré? La musique de Bruno Girard sans doute, charmante et discrète mais c’est bien tout.
Alors à voir? Sûrement pas. A tout prendre le Candide dont nous vous avions récemment parlé, sans être bien fameux, avait au moins des qualités d’invention mais  ici, on se demande bien à quoi l’on est venu  assister. Il y a aussi, à la base,  une erreur  de dramaturgie: le dialogue philosophique de Zadig est quand même trop important pour se prêter à une adaptation théâtrale.
Décidément, Voltaire adapté au théâtre n’a pas eu de chance ce mois-ci! Et on se demande bien pourquoi Colette Nucci a programmé ce spectacle…

 Philippe du Vignal

 Théâtre 13,  30 rue du Chevaleret 75013 Paris jusqu’au 18 décembre.

 


2 commentaires

  1. Guillaume dit :

    Bonjour M du Vignal,

    j’ai découvert récemment votre blog et trouve vos critiques très éclairantes.

    Je vous conseille la dame de chez Maxim mis en scène par Hervé van der Meulen à Asnières, j’ai passé un excellent moment et j’aimerai connaître votre avis.

    Bien cordialement

  2. anne dit :

    Alors là, je vous trouve dur!
    La collégienne qui consulte ses SMS, pour avoir emmené des classes au théâtre, je sais maintenant que c’est inévitable, y eût-il Sarah Bernhard sur scène.
    Les personnages de Zadig sont des marionnettes, des fantoches au service de scènes destinées à faire réfléchir à la morale et à la sagesse, donc on ne peut guère se placer sur le plan de la construction du personnage pour critiquer.
    Le spectacle est certes trop touffu et tourbillonnant, il y a trop de manipulations de chaises, il faudrait couper 1/4 d’heure, mais il est généreux, bien mis en place, très gai, avec une troupe homogène. C’est selon moi du bon théâtre populaire, on passe un bon moment, on a envie de relire Zadig (dont chacun sait que c’est une oeuvre de Voltaire… ) au bout du compte.
    Le metteur en scène connaît son métier. Certes, sa mises en scène est assez semblable (dans son aspect tourbillonnant) à celle du « Timide au palais », et il est possible qu’il n’ait qu’une corde à son arc, mais ici, ça marche…

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