Arrestation

Arrestation, de Mario Batista, mise en scène de Christophe Laluque

Ça se passe presque comme n’importe où au coin d’une rue – déserte-, n’importe quel soir de nos jours, si on peut dire. Un flic arrête un jeune garçon. Brassard Police contre capuche : la scène n’est que trop banale. Jeune égale suspect, forcément suspect. Après la kyrielle d’injures et d’interrogations humiliantes habituelles, le policier glisse de plus en plus profondément dans son propre délire, sa peur, sa vérité donc, face au « délinquant » sidéré.
Le spectacle est joué dans un double dispositif : gradins un peu protecteurs, et labyrinthe de bancs au sol, où le public est pris au cœur de l’action. Ça ne change pas fondamentalement les choses. Le texte de Mario Batista trouve dans son flot de paroles, dans son flux montant et descendant une poétique rythmique efficace.
Dès les premières paroles lancées par le flic – le mot policier contiendrait trop de politesse -, les adolescents à capuchon présents à cette séance “jeune public“ encaissent bien le texte. La parole est un acte, dire, c’est faire, on est bien dans le théâtre. Avec la fragilité que cela comporte : les collégiens connaissent le code, et même assis dans le labyrinthe, bousculés par l’un ou l’autre des protagonistes, ils savent bien que c’est « pour de faux ». Il faut tout donner pour qu’ils restent “dedans“, il y a des moments de flottement.
L’affaire manque de théâtre, et  les vertus du texte  Arrestation se retournent contre lui. La sobriété, la rigueur dans la représentation de la banalité – insupportable – de la chasse au jeune, au faciès, ne suffit pas. Certes, l’explosion du “for intérieur“ du flic n’est pas banale, elle. Au point qu’elle aurait pu constituer un monologue qui aurait été à lui seul spectacle et théâtre, que le comédien Bruno Pesenti pouvait porter avec la même force nerveuse et obsessionnelle.
Mais il se trouve que la mise en scène reste trop collée au réel dont décolle le texte. Elle ne sait pas quoi faire du jeune homme – le comédien n’est pas en cause-, ses déambulations font tomber le rythme, sa peur, la violence de la situation sont bien en dessous de ce que nous voyons quotidiennement “dans la vie “. Le metteur en scène n’y peut rien, mais quelques jours avant cette représentation au théâtre Dunois, un jeune homme a été tabassé à mort par des vigiles trop zélés, emportés par leur propre trouille. Devant de tels faits, le théâtre est sommé d’inventer une poétique puissante, une symbolique qui réponde de cette violence quotidienne.
L’Arrestation ne fait qu’une partie du chemin.

 

Christine Friedel

L’Amin compagnie – vu au théâtre Dunois.

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Captation du spectacle « L’arrestation » de L’Amin… par amin91170« ][/gv]

 


Un commentaire

  1. Rémi S dit :

    du même metteur en scène, a peu près dans la même configuration et dans le même théâtre il ne fallait pas manquer l’excellente adaptation de Jon Fosse « Noir et Humide », spectacle brillant de simplicité et d’intelligence, autant pour les petits que les grands. Un metteur en scène de grand talent malgré tout « remercié » par la ville de Viry Chatillon
    Rémi S.

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