Tout est normal mon cœur scintille
Tout est normal mon cœur scintille de et avec Jacques Gamblin.
Jacques Gamblin, on l’a beaucoup vu au cinéma mais aussi au théâtre avec Arias, Martinelli ou Anne Bourgeois dans Les Diablogues de Dubillard dans ce même théâtre en 2008. Il y a quelque vingt ans, il avait déjà commis un superbe monologue Quincailleries suivi de plusieurs autres. Jacques Gamblin est aussi à l’aise dans ces solos où il interprète, dit-il, « un personnages qui serait ni tout à fait moi ni tout à fait un autre et qui aurait pour mission de faire sourire et plus si affinités en racontant des histoires désespérantes mais qui ont du cœur ».
Il entre sur le plateau en complet noir et chemise blanche, et aussitôt il y a comme une sorte d’élan du public vers cet homme qui vient parler de lui avec une extrême pudeur; il passe d’une anecdote à l’autre, explique les mystères du corps d’une girafe puis compare le nombre de battements de cœur d’une musaraigne à ceux d’un éléphant en mimant ces deux animaux, décrit sa rencontre avec Miss Picardie, nous explique les grands mystère des ventricules du cœur, nous parle d’une amie partie? Absente? On ne sait trop… Mais le ton est toujours juste et, comme le font souvent les comédiens en solo, il fait appel à deux spectateurs pour l’aider dans un sketch. Ils montent tous les deux sur scène une belle jeune femme et un beau jeune homme tous les deux en costume noir et chemise blanche… Bizarre, vous avez dit bizarre; ce sont évidemment deux complices qui vont se révéler être excellents danseurs et qui vont l’entraîner par moments dans leur chorégraphie.
Jacques Gamblin- on ne lui connaissait pas ce don- possède une gestuelle de premier ordre: il faut le voir, le corps allongé en équilibre instable sur un tabouret , puis aux prises avec une jambe élastique dont il essaye de maîtriser le mouvement incessant et qui se révèle être la sienne avant de s’écrouler sur le sol: du grand art parfaitement maîtrisé. Et comme tout ce qu’il raconte , notamment cet horrible voyage de vacances que lui avait imposé ses parents, est dit avec une parfaite distance et un humour ravageur, le public ne sourit pas seulement mais rit, sans se faire prier, emporté comme dans un voyage par cet homme seul en scène qui sait si bien leur offrir la part de délire qu’ils attendent.
Cela dit, le spectacle qui a des moments très forts est quand même du genre plutôt mal ficelé et aurait mérité une mise en scène plus élaborée… On a parfois l’impression qu’il lui faut remplir 90 minutes qui auraient été imposées et son monologue est d’une belle écriture, Jacques Gamblin ne semble pas vraiment en adéquation avec les intermèdes dansés auquel il assiste un peu en retrait, même si les deux interprètes Claire Tran et Bastien Lefèvre ont une belle présence. D’autant plus que les musiques de Johanson et Watson ajoutent une dimension onirique aux paroles de Gamblin.
Mais on se demande bien quel sens peuvent avoir ces projections vidéo sans aucun intérêt dramaturgique, qui surlignent le monologue et parasitent le spectacle, comme ce cœur humain en action ou ces nuages qui passent…pendant qu’ une boule lumineuse tourne doucement sur elle-même. Bref le syndrome vidéo a encore frappé! et le monologue de Gamblin, mais seul en scène, aurait été sans doute été beaucoup plus fort… Reste la composition étonnante de ce personnage délirant que Gamblin porte à la perfection, et ce n’est pas rien… Alors à voir? Oui, malgré cette mise en scène approximative, cela fait toujours plaisir de retrouver l’humour et la poésie de Jacques Gamblin.
Philippe du Vignal
Théâtre du Rond-Point à 18 h 30 jusqu’au 3 décembre.