Rien, solo pour clown
Rien, solo pour clown écrit, mis en scène et joué par Estelle Bordaçarre.
L’unique personnage de ce solo est Michelle qu’Estelle Bordaçarre avait mis en scène en 2005, puis de nouveau en 2007. Elle remercie avec raison Samuel Beckett, Buster Keaton, et Jacques Tati : soit trois mâles morts et, non des moindres, et une femme bien vivante: l’immense Zouc que l’on ne voit plus guère en scène et qui avait, dans les années 70, imposé son solo avec un fabuleux personnage de femme paumée.
Estelle Bordaçarre arrive en scène , habillée d’une robe vert amande ridicule avec un grand col à deux pointes, et un vieux manteau de fourrure noire. Elle a des cheveux ébouriffés, et seule concession au clown traditionnel, un petit nez rouge. C’est vrai qu’elle a quelque chose de Buster Keaton au féminin qui avait, à la fin de sa vie, été dirigé par Beckett, et certains éléments de la gestuelle de Tati, et de ses descendants les Deschiens de Jérôme Deschamps..
Michelle désemparée, marche doucement, à tout petits pas,un tabouret à la main, son seul trésor ; chez elle, tout est minimal, et aussi rigoureux que minimal: quelques onomatopées, voire quelques mots et des gestes émouvants. Elle cherche quelque chose, comme encombrée par son corps, absolument seule à savoir quoi, hésitant sans cesse, à la recherche de son identité.
C’est à la fois pathétique et comique, à l’extrême limite de ce que peut être le théâtre. Reste à faire passer cette angoisse existentielle: ce à quoi Estelle Bordaçarre arrive par moments mais pas toute l’heure que dure ce solo; comme l’éclairage, très doux, un peu doré, est plus que discret, on a du mal à rester concentré et l’on reste un peu sur sa faim malgré le professionnalisme de l’actrice.
Sans doute, faudrait-il revoir ce solo devant un vrai public, et non à l’occasion d’une séance réservée aux professionnels polluée par le bruit d’ appareils photos mitrailleurs…
Philippe du Vignal
Rien sera joué les 21 et 22 janvier de l’Apostrophe, scène nationale de Cergy-Pontoise.