Lecture par Jean-Louis Trintignant
Lecture par Jean-Louis Trintignant, avec Daniel Mille à l’accordéon et Grégoire Korniluk, mise en scène de Gabor Rassov.
Le grand Jean-Louis Trintignant reprend à l’Odéon un spectacle, qu’il avait créé il y a un an et demi. Il dit, seul, accompagné par deux excellents musiciens, avec lesquels il est en parfaite complicité, quelque vingt poèmes de trois auteurs populaires : Jacques Prévert, Boris Vian et Robert Desnos dont Antonin Artaud disait: » C’est aussi beau que ce que vous pouvez connaître de plus beau dans le genre, Baudelaire ou Ronsard » ; trois auteurs que tout Français depuis une cinquantaine d’années a eu l’occasion de lire à l’école primaire ou au lycée.
Le choix de Trintignant est aussi subtil qu’intelligent, et il nous fait découvrir entre autres poèmes de Vian une autre version-censurée- du très fameux Déserteur ou, moins connus peut-être du grand public, les formidable poèmes de Desnos, en particulier celui qu’il avait écrit à sa femme Youki en 26, et que l’on retrouva sur lui quand il mourut du typhus au camp de concentration de Terezin en Tchecoslovaquie, loin des siens et de la France.
Le comédien, bien mis en scène par Gabor Rassov, dit ces poèmes avec beaucoup de force et d’humilité; il les dit avec l’air de ne pas y toucher et pendant une heure et demi, et c’est un vrai régal du début jusqu’à la fin. Trintignant va bientôt fêter ses 81 ans et, si le corps ne suit pas toujours, il a cette voix merveilleuse, solide et grave, pleine d’ironie, chaleureuse et pleine de légèreté. La diction est impeccable et il sait bien mettre en valeur les jeux sur le langage où excellait son cher Prévert: équivoques, allusions, aphorismes, mots à double sens: c’est un véritable feu d’artifice et jamais peut-être le poète n’avait été si bien dit.
Le public, très ému, qui a gardé une attention soutenue pendant tout le spectacle, a fait à Trintignant une ovation debout de plusieurs minutes. Qui a dit que le public n’aimait guère la poésie au théâtre? Jean-Louis Trintignant n’était à l’Odéon que trois jours mais une tournée en France va suivre; surtout si vous pouvez aller le voir, n’hésitez surtout pas, c’est vraiment quelque chose d’à la fois simple mais exigeant et tout à fait exceptionnel.
Philippe du Vignal