…Have you hugged, kissed and respected your brown Venus today
…Have you hugged, kissed and respected your brown Venus today ? de Robyn Orlin.
C’est la dernière création de la metteuse en scène sud-africaine, qui a trait à la vie de Saartje Baartman, plus connue sous le nom de Vénus noire ou Vénus hottentote, son nom « d’exposition ». Née en 1789, elle fait partie de l’histoire de l’Afrique du Sud et, bien entendu, de l’histoire de l’humanité.
Symbolique de ce qu’étaient les zoos humains du XIX ème siècle, – à cause de ses caractéristiques physiques, (en particulier la stéatopygie), elle a été enlevée de sa tribu d’Afrique du Sud , pour être exploitée d’abord en Angleterre puis en France. Entre prostitution et exhibition, elle est devenue un objet sexuel et un objet de foire, et a fini comme sujet d’étude pour les scientifiques du Muséum d’histoire naturelle de Paris de l’époque. Dès l’ entrée dans la salle, le public est confronté aux cinq comédiennes qui interprètent chacune Saartje Baartman à leur manière. L’une d’elles reste au milieu du public, les autres interpellent le spectateur et le prennent à témoin. Une de ces Vénus lance une remarque: « Il n’y a pas beaucoup de noirs ici ».
Le spectacle se poursuit sur la scène. De trop longues parties, quand en particulier, une des comédiennes parle à une caméra semblent improvisées et ralentissent le rythme de ce cabaret grotesque. Mais grâce à une belle scénographie avec un plateau tournant et un écran amovible où sont projetés des vidéos, grâce surtout aux chants de ces femmes, le public est emporté par cette histoire troublante. Avec deux scènes en particulier: une pantomime , en ombres chinoises, où les comédiennes vêtues d’habits traditionnels, prennent des poses qui rappellent les gravures de l’époque. Enfin, il y a cette danse dérangeante, que les quatre Venus interprètent avec une belle violence, devant la projection d’une lionne en cage… Ici l’animalité, la beauté et la cruauté de l’animal se confondent avec celles de l’humain. Tout au long du spectacle, des portraits d’habitantes d’Afrique du Sud sont projetés sur l’écran.
Robyn Orlin se permet un petit clin d’œil à l’histoire: à la fin , sont projetés ce seul nom et ces dates: Saartje Baartman (1789-2002). Mais elle ne vécut que 26 ans, et son squelette ne fut restitué par la France à l’Afrique du Sud qu’en 2002! Il y a encore un moulage en plâtre de son corps au Muséum à Paris, après qu’il ait été exposé au Musée de l’homme jusqu’en 1976. Ses organes génitaux et son cerveau, prélevés par le Professeur Cuvier en 1815 et conservés dans du formol, ont, officiellement, été égarés… La dernière image-très émouvante: les cinq comédiennes se tiennent comme Saartje Baartman , quand son corps fut moulé par les anthropologues.
Jean Couturier
Théâtre de la Ville jusqu’au 3 décembre puis à la Maison de la musique de Nanterre, le 6 décembre, et au Monaco Dance Forum, le 13 décembre.