La folie Sganarelle : L’Amour médecin, Le Mariage forcé, La Jalousie du barbouillé

La folie Sganarelle : L’Amour médecin, Le Mariage forcé, La Jalousie du barbouillé, de Molière,mise en scène de  Claude Buchvald

La folie Sganarelle : L’Amour médecin, Le Mariage forcé, La Jalousie du barbouillé La-Folie-Sganarelle-Th%C3%A9%C3%A2tre-de-la-Temp%C3%AAte-500x374Voilà du Molière bien raide, le Molière des farces, treize ans de tournées à succès à travers les provinces. Pas le grand Molière du Misanthrope, à faire pleurer Musset, le comédien chef de troupe qui se souvient de la comédie italienne et qui la réécrit, à la hache, et à la française. L’Amour médecin nous raconte deux choses, que notre auteur ne cessera jamais de répéter : que l’amour des jeunes gens triomphe toujours, hélas (hélas pour le barbon qu’il sera un jour, qu’il a été), des précautions des vieux, des pères surtout, et que les médecins ne sont que de vaniteux et dangereux discoureurs. Le seul remède qui vaille, et c’est la base de toute comédie, ce sont les douces paroles de l’amour partagé. Du reste, croyant plaisanter, -mais on ne plaisante jamais qu’à demi -, notre Molière se souvenait qu’à Epidaure il y avait non seulement un théâtre, mais avant tout un sanctuaire d’Asclépios, dieu guérisseur de l’âme et du corps ; peut-être même qu’il entrevoyait quelque chose de la psychanalyse. Le Mariage forcé, lui, ne peut rien guérir du tout, étant forcé. Voilà Sganarelle tenté par une jeune beauté. Qui dit jeune beauté dit coquette, qui dit coquette dit cocu probable. Sganarelle va s’esquinter les oreilles auprès de philosophes coléreux et diserts : faut-il se marier ou non (voir l’ancêtre Rabelais) ? Trop tard : il s’est trop avancé, impossible de reculer, le frère de la mariée l’en empêche à coups de bâtons. Cela donnera La Jalousie du barbouillé, ébauche de Georges Dandin et tout aussi cruelle. Moralité peu morale, mais réaliste, à la façon de La Fontaine : bien fait pour les vieux égoïstes, avares de surcroît, et sots. Ils n’ont qu’à être jeunes, beaux, et prêts à tout pour combler leur désir amoureux.
La mise en scène de tout cela, autour d’un Sganarelle naïf, roublard, tantôt dépensier comme un voleur, tantôt avare comme Harpagon en personne, aveugle sur ses charmes et aveuglé par ceux de sa jeune voisine, battu, cocu et pas content, est tout à fait réjouissante. Claude Merlin campe, si on peut dire car il est toujours en mouvement, un Sganarelle idéal, auquel on s’attache malgré toutes les tares susdites.
La présence du petit valet Champagne (Aurélia Poirier, délicieux Kid) y est pour quelque chose : son regard bienveillant, quoique critique, emmène le nôtre du côté de la sympathie, quand même. Les filles sont pestes à souhait, on a le regret de le dire, mais c’est écrit comme ça, les médecins odieux et les savants insupportables – et pourtant Molière aurait fréquenté Gassendi et autres lumières de son temps, mais quoi, il faut faire rire le parterre, et un peu de poujadisme est toujours efficace. Terme anachronique, certes, comme la lecture qui est ici heureusement faite de ces farces.
C’est précis, drôle, inventif avec cette maison à roulettes style cabine téléphonique, grinçante à souhait, quand il s’agit de souligner comme la farce est elle-même grinçante. Malheur au vaincu, qui l’a bien cherché, et rires pour tout le monde.

Christine Friedel

Vu au Théâtre de la Tempête. En tournée. Entre autres : le 15 décembre à Dourdan. De février à fin mars : Tarbes, Marseille, Sète, et tournée régionale autour de Béziers .

=================================================================================================


Archive pour 13 décembre, 2011

LA FORÊT

La Forêt de Kasem Trebeshina, mise en lecture de Cyril Levi-Provençal,

Malgré les difficultés engendrées par la réduction de l’équipe de la MEO (diminution des subventions),ce chaleureux petit lieu niché au creux des arcades de la Bastille, vient d’organiser Les Hivernales 2011, série de huit lectures d’auteurs des Balkans, depuis le 28 novembre.
Plus qu’une lecture, c’est une mise en espace dynamique interprétée par onze acteurs de bonne trempe, avec des effets techniques dirigés par Dominique Dolmieu. Ils sont assis dos à dos au centre de la la salle minuscule, nous les entourons, ils se lèvent munis de quelques éléments de costumes quand leur personnage intervient.
C’est une odyssée contemporaine, Ulysse qui s’est perdu, qui oublié jusqu’à son nom, croise des personnages étranges et menaçants, un roi qui ne sait pas sur qui il règne, un couple à la recherche de Nausicaa, qui tombe amoureuse d’Ulysse. Tous les personnages sont en quête de quelque chose, Nausicaa voudrait partir avec Ulysse, mais celui-ci retrouve ses marins en même temps que son identité et repart sur les mers. Cette pièce énigmatique a été traduite de l’albanais par Anne-Marie Autissier.

Edith Rappoport

Maison d’Europe et d’Orient.

La campagne de Martin Crimp

 La Campagne de Martin Crimp, traduction de Philippe Djian, mise en scène de Patrick Schmitt.

    La campagne de Martin Crimp Martin-crimp-300x297Martin Crimp, à 55 ans,  est sans aucun doute le dramaturge anglais le plus connu en Europe et en France. La plupart de ses pièces-entre autres:  La Ville,  montée par Marc Paquien, Atteinte à sa vie, Claire en affaires par Sylvain Maurice, Getting for attention  ( voir Le Théâtre du Blog) et La Campagne sont maintenant très souvent jouées en France. On l’a comparé à Harold Pinter et c’est vrai qu’Il sait dire comme personne, la violence et la menace au sein  des couples;  avec humour et cruauté. Il sait construire une intrigue, en même temps qu’il s’exerce à la déconstruire et il  établii très vite  un climat tout à fait particulier grâce à un langage fondé sur les non-dits, les silences, les mensonges par omission comme on disait autrefois.Le vrai, le faux, les demi-vérités, les demi-mensonges, les hypothèses comme les questions sans réponses: : Martin Crimp emmène habilement  le public sur les chemins de l’inconscient, et, bien sûr, on ne saura jamais vraiment rien d’exact sur l’histoire aussi banale que fascinante qu’il nous raconte. Avec trois personnages qui semblent échapper- du vieux triangle amoureux boulevardier. La campagne n’échappe pas à la règle…
Un couple: Richard et Corinne,  a voulu quitter Londres pour vivre à la campagne avec leurs deux enfants. Il est médecin et,  un soir, il a trouvé une très jeune femme étendue – c’est du moins ce qu’il dit à  Corinne ( pas très sexy, l’épouse  en pantoufles et robe de chambre) -sur un bas-côté de la petite route. N’écoutant que sa conscience professionnelle, il l’a donc ramenée à la maison où elle  dort.
C’est la nuit, il sont tous les deux dans le salon, et  aux interrogations de Corinne concernant la jeune femme, il répond souvent évasivement, et le doute commence à s’installer: Corinne semble penser que la rencontre entre Richard  et Rebecca est beaucoup plus ancienne qu’il ne le dit. Le public attend comme Corinne le moment où Rebecca se réveillera et livrera sa version des faits. Très mignonne mais un  peu envahissante, la Rebecca qui  semble connaître la maison ou du moins qui s’y trouve parfaitement à l’aise. Ment-elle? Sans doute mais dans quelles proportions, cela Martin Crimp, très habilement, laisse le spectateur s’en faire une idée mais sans lui fournir vraiment les clés indispensables.
Rebecca fait preuve d’un cynisme total, n’a pas le moindre scrupule comme si elle  avait de très bonnes raisons pour tenir Richard à sa merci.. Si l’on juge par le contenu de son sac où l’on trouve des seringues neuves. Richard les lui a-t-il procurées en échange de services sexuels?  C’est du moins ce que l’on peut supposer , même si l’on n’a  aucune preuve. Corinne semble alors  être sur le point de craquer, ira même jusqu’à  prendre la défense de son mari et proposera de l’argent à Rebecca contre son silence, de façon à ce que son mari , bourgeois considéré, ne soit pas  inquiété si jamais Rebecca venait à le dénoncer.
Est-il le médecin respectable que l’on croit ou un personnage assez pervers  qui navigue en eaux troubles? On peut se dire qu’elle pense  d’abord et  à sa sécurité personnelle et à celle de ses enfants. Il y a aussi un autre homme, Morris, un ami du couple que l’on ne verra jamais mais qui téléphone souvent, et que l’ensorcelante Rebecca semble connaître, ce qui jette Corinne dans le doute le plus  complet. Qui est finalement cette jeune, pulpeuse et cynique Rebecca? On ne le saura jamais… Les choses à la fin s’apaiseront  et le couple Richard/ Corinne retrouve un semblant de paix. Richard est plus calme et Corinne moins anxieuse mais bon…
C’est un huis-clos que cette Campagne et  Patrick Schmitt a choisi-et il a eu raison- de ne pas s’encombrer d’un décor réaliste et de vidéo comme c’est la mode ridicule et , de ne pas céder à la  tentation de l’illusion. Juste un parquet noir , trois fauteuils, une petite table, un téléphone : cela suffit à évoquer  la maison de campagne et à mettre en place, cette comédie de l’hypocrisie et du mensonge en cinq séquences ponctuées de musique .   Comme le  lieu est très silencieux, on est tout de suite plongé dans cet univers aussi calme qu’inquiétant.Et la magie du langage opère alors  très vite; grâce à une mise en scène et à une direction d’acteurs tout à fait ciselées; Emmanuelle Meyssignac (Corinne) et Larissa Chomolova  (Rebbeca)sont vraiment impeccables. On les a vues toutes les deux souvent mais ici, elle,dans ce petit lieu, comme en gros plan, elles sont fascinantes de vérité: pas de criailleries, pas de gestes faux mais une sensibilité et une  précision dans le jeu d’une grande intelligence qui fonctionne parfaitement, surtout quand elles elles engagent toutes les deux  le ping-pong verbal sans aucune concession imaginé par Crimp. Patrick Schmitt,  qui joue  Richard, semble être un peu en retrait, même s’il est tout à fait crédible. En tout cas, c’est vraiment la meilleure mise en scène de cette Campagne que l’on ait pu voir en France.
Le seul bémol: vous n’avez pas beaucoup de chances de la voir. Le spectacle s’est en effet joué une dizaine de fois à Nanterre  mais  pour le moment, il n’y a pas de reprise à l’horizon. C’est une des aberrations du théâtre contemporain que ce manque d’exploitation, même et surtout quand il s’agit d’excellents  spectacles comme celui-ci…En tout cas, ne le ratez pas s’il passe près de chez vous.

Philippe du Vignal

Théâtre de la Forge à Nanterre du 25 novembre jusqu’au 11 décembre
The Country (La Campagne), l’Arche éditeur, 2002,

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...