Dommage qu’elle soit une putain

1118.jpgDommage qu’elle soit une putain de John Ford, mise en scène de Doclan Donnellan.

Doclan Donnellan qui a créé ou présenté aux Gémeaux quelque dix spectacles,  revient cette fois avec la pièce du grand John Ford  (1586-1640), donc  presque contemporain de Shakespeare. Dommage qu’elle soit une putain fut mise en scène, entre autres,  par Visconti au cinéma avec Romi Schneider et Alain Delon, et au théâtre par Jérôme Savary à Bonn en 81, puis à Paris en 97,  mais aussi par Stuart Seide.
C’est une œuvre baroque à souhait, très brutale; et féministe avant la lettre.
Il s’agit dans la Parme de l’époque de John Ford des amours d’un très jeune couple: la magnifique Anabella et  le beau Giovanni, follement amoureux tous les deux et qui vont concrétiser leur passion. Même si… Annabella et Giovanni sont frère et sœur, ce qui ne les refroidit pas du tout. Et le frère Bonnaventure, tuteur de Giovanni, aura beau lui rappeler que l’inceste est rigoureusement interdit, ils continueront à s’aimer avec délices.
Pour échapper à cet interdit, Annabella , poussée par son père qui ignore tout de leur liaison, acceptera de se marier. Mais son époux apprendra vite qu’elle est enceinte, et voudra connaître le nom du père du futur enfant. Et  la belle histoire d’amour finira  en tragédie avec empoisonnement et tuerie; on vous passe les multiples rebondissements de cette pièce sans doute inégale mais aux dialogues souvent savoureux qui, Doclan Donnellan a raison de le signaler, continue à nous fasciner .
Sans doute parce que John Ford il y a déjà quatre siècles, osait traiter  d’un tabou qui n’ a jamais été remis en question, même si l’inceste entre  frère et sœur est encore bien présent. Doclan Donnellan souligne aussi que tout amour ne peut exister sans possibilité de perte du (ou  de la) bien aimé(e). Et que cela engendre inévitablement une souffrance aigüe. Le metteur en scène avec son fidèle complice scénographe  Nick Ormerod a  situé l’œuvre dans un cadre contemporain: un mur rouge foncé avec deux portes dont l’une donne sur  une salle de bain avec une douche et un lavabo qui fonctionnent, une armoire où sont juchés des nounours, un bureau avec un ordinateur portable, une commode aux tiroirs qui débordent de vêtements féminins, et, au centre de la scène, un grand lit bas avec un drap et une couette rouge foncé; : cela pourrait être la chambre d’une très jeune fille d’un milieu favorisé des beaux quartiers de  Londres ou de Paris.

Le grand lit servira aux amours de Giovanni et d’Annabella presque nus devant nous,  mais aussi, par moments, de praticable où tous les prétendants d’Annabella en costume noir se retrouveront. C’est comme toujours chez Donnellan, extrêmement soigné et raffiné, surtout dans la direction d’acteurs; ils  interprètent au mieux ces personnages délirants comme Vasques, curieux valet- très bien joué par Laurent Spellman-qui cache bien son jeu et  qui déjouera la tentative d’empoisonnement concocté par la méchante rivale qui en sera la victime.  Mais Lydia Wilson, le premier soir, minaudait et ne paraissait pas vraiment à l’aise, ce qui est tout de même  embêtant quand il s’agit d’Annabella…
Il y a des scènes formidables comme les scènes d’amour,  ou celles où les comédiens anglais chantent en chœur et dansent, avec une facilité exemplaire, une sarabande infernale: on se dit qu’il y a peu de troupes françaises pour atteindre ces moments de folie qui sont le cœur même de la pièce. Il y a aussi des moments un peu creux: le spectacle qui ne dure pourtant que 90 minutes  est inégal et   nous n’avons pas été  tout à fait convaincu par les partis pris de Doclan Donnellan:  sa mise en scène dénote  parfois  comme une volonté démonstrative du genre: vous allez voir ce que je peux faire avec cette pièce baroque à souhait en vous la préparant à la sauce contemporaine, avec un arrière-goût psychanalytique .
Savary avait dit , lui,  les choses plus simplement en mettant l’accent sur la question de la liberté dans l’amour vécus par deux très jeunes gens quand il est interdit par la loi.
Mais ce Dommage qu’elle soit une putain mérite quand même le détour; après tout la pièce, aux dialogues souvent exemplaires ,incisifs voire cyniques, sans doute à cause d’un grand nombre de personnages, n’est pas si souvent jouée…

 

 Philippe du Vignal

 


Théâtre des Gémeaux à Sceaux  jusqu’au 18 décembre. T: 01-46-61-36-67
puis en tournée en Angleterre.


Archive pour décembre, 2011

…Have you hugged, kissed and respected your brown Venus today

…Have you hugged, kissed and respected your brown Venus today ? de Robyn Orlin.

 

  C’est la dernière création de la metteuse en scène sud-africaine,  qui a trait  à la vie de Saartje Baartman, plus connue sous le nom de Vénus noire ou  Vénus hottentote, son nom « d’exposition ». Née en 1789, elle fait partie de l’histoire de l’Afrique du Sud et, bien entendu, de l’histoire de l’humanité.
Symbolique de ce qu’étaient les zoos humains du  XIX ème siècle,  – à cause de ses  caractéristiques physiques, (en particulier la stéatopygie), elle a été  enlevée de sa tribu d’Afrique du Sud , pour être exploitée d’abord en Angleterre puis en France. Entre prostitution et exhibition, elle est devenue un objet sexuel et un objet de foire, et a fini comme sujet d’étude pour les scientifiques du Muséum d’histoire naturelle de Paris de l’époque. Dès l’ entrée dans la salle, le public est confronté aux cinq comédiennes qui interprètent chacune  Saartje Baartman à leur manière. L’une d’elles reste au milieu du public, les autres interpellent le spectateur et le prennent à témoin. Une de ces Vénus lance une remarque: « Il n’y a pas beaucoup de noirs ici ».
Le spectacle se poursuit sur la  scène.   De trop longues parties, quand en particulier, une des comédiennes parle à une caméra semblent improvisées et ralentissent le rythme de ce cabaret grotesque. Mais grâce à une belle scénographie avec un plateau tournant et un écran amovible où sont projetés des vidéos, grâce surtout aux chants de ces femmes,  le public  est  emporté par cette histoire troublante. Avec deux scènes  en particulier:  une pantomime , en ombres chinoises, où les comédiennes vêtues d’habits traditionnels, prennent des poses qui rappellent les gravures de l’époque. Enfin, il y a cette danse dérangeante, que les quatre Venus interprètent avec une belle violence, devant la projection d’une lionne en cage…   Ici l’animalité, la beauté et la cruauté de l’animal se confondent avec celles de l’humain. Tout au long du spectacle,  des portraits d’habitantes d’Afrique du Sud sont projetés sur l’écran.
Robyn Orlin se permet un petit clin d’œil à l’histoire: à la fin , sont projetés ce seul nom et ces dates: Saartje Baartman (1789-2002).  Mais elle ne vécut que  26 ans, et  son squelette ne fut restitué par la France à l’Afrique du Sud qu’en 2002!  Il y a encore un moulage en plâtre de son corps au Muséum à Paris,  après qu’il ait  été exposé au Musée de l’homme jusqu’en 1976.   Ses organes génitaux et son cerveau, prélevés 
par le Professeur Cuvier  en 1815 et conservés dans du formol, ont, officiellement, été égarés… La dernière image-très émouvante:  les  cinq comédiennes  se tiennent comme Saartje Baartman ,  quand  son corps fut  moulé par les anthropologues.

 

Jean Couturier

 

Théâtre de la Ville jusqu’au 3 décembre puis à la Maison de la musique de Nanterre, le 6 décembre, et au Monaco Dance Forum,  le 13 décembre.

 

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Hic sunt leones

Hic sunt leones  de Corine Miret et Stéphane Olry.

Corine Miret et Stéphane Olry nous convient depuis des années sur des routes étranges, hors des sentiers battus. Sur l’invitation d’Yves Chevallier, directeur du Château de la Roche-Guyon qui les accueillit en résidence, ils avaient présenté Cartes postales,  et Les treize semaines de vertu spectacle sur Benjamin Franklin. Ils ont travaillé pendant des mois avec des enfants poly-handicapés de l’hôpital qui fait vivre ce village depuis près de deux siècles, ce qui a donné naissance à un curieux dyptique.
La danseuse Sandrine Buring présente Chose, vers un pays lointain, le plateau nu est habité par un grand pendule en verre creux, elle s’y glisse après s’être dénudée, on la voit se débattre silencieusement, c’est une atonie torturante et muette, habitée par la seule musique. On nous demande de sortir pour des raisons techniques avant d’assister à la deuxième phase du diptyque.
Nous sommes alors invités à pénétrer dans la salle pour assister à Là-bas il y a des lions, après un avertissement étrange : il y a du brouillard dans la salle, ce n’est pas dangereux, nous allons être guidés jusqu’à notre transat, si nous avons besoin de sortir, ne pas en prendre l’initiative sans être guidés. En effet, nous ne distinguons que nos proches voisins, deux voix s’élèvent pour parler de l’effrayant quotidien de ces enfants passant leur vie aux hospices, eux qui ne peuvent ni parler, ni voir, ni marcher pour la plupart, abandonnés par leurs familles, ils ne sortiront jamais.
Pourtant, une nouvelle infirmière est là qui ne baisse pas les bras. On goûte pleinement les yeux parfois mi-clos ce voyage théâtral insolite, cruel et pourtant généreux.

Edith Rappoport

 

Théâtre de l’Aquarium jusqu’au 18 décembre, samedi à 17 h, dimanche à 13 h 30. T: 01 43 74 72 74.

L’HOMME QUI RIT (CRITIQUE DE LA POLITIQUE)

L’HOMME QUI RIT (CRITIQUE DE LA POLITIQUE)
RENZO LE PARTISAN (CRITIQUE DES ARMES) d’Antonio Negrim mise en scène de Barbara Nicolier, traduction de Judith Revel,  musique de Gabriel Scotti et Vincent Hanni.

Ces deux pièces de théâtre documentaire nous font plonger dans les sombres années 70 où les Brigades rouges s’étaient illustrées avec l’enlèvement et l’assassinat d’Aldo Moro, chef du gouvernement égaré dans les compromissions avec la droite italienne. L’homme qui rit nous fait revivre la passion d’un honnête homme qui paiera de sa vie ses efforts de négociation pour garder le pouvoir. Carlo Brandt interprète avec une belle présence un dialogue angoissé avec son jeune gardien avec lequel s’établit une complicité pendant des semaines, sachant qu’il est promis à une disparition inéluctable. On le voit étendu sur un tapis, peinant à se remettre debout, son image est retransmise sur un grand écran au devant du plateau. On se souvient que son cadavre avait été retrouvé dans le coffre d’une voiture.
Renzo, le partisan met en scène un jeune militant désigné pour abattre un grand chef allemand, qui triomphe de sa peur pour accomplir la mission qui lui a été donnée. Anéanti par les représailles qui vouent à une mort certaine nombre de ses amis, il voudrait se rendre. Mais le médecin chef qui l’héberge dans son hôpital psychiatrique l’en dissuade, arguant que sa reddition entraînerait des catastrophes pires encore. Renzo continuera donc à tuer;  à la fin de la guerre, il devra renoncer à son amour de jeunesse qui voudrait le voir abandonner la violence qui l’a détruit. Antonio Negri condamné puis amnistié pour l’assassinat d’Aldo Moro a fait de longues années de prison. Qu’advient-il de la violence quand l’objectif qu’on s’est fixé pour établir une justice sociale, a échoué ? Pierre Félix Gravière interprète un Renzo véhément et halluciné. Ces deux premières pièces font partie d’une trilogie qui devrait se poursuivre.

 

Edith Rappoport

TGP de St Denis
Sur France Culture dimanche 4 décembre à 21 h dans Théâtre & Cie, diffusion de Trilogie de la critique Renzo partisan (Critique des armes)

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