Richard III n’aura pas lieu
Richard III n’aura pas lieu, tragédie dramatiquement drôle de Matéi Visniec, mise en scène de David Sztulman.
C’est une belle découverte que ce spectacle sur la dernière nuit de Vsevolod Meyerhold, immense metteur en scène né de la Révolution d’Octobre en Russie soviétique, monté avec une équipe de quatorze comédiens formés pour la plupart au cours Simon, où David Sztulman enseigne. C’est le cinquième spectacle de sa compagnie du Grand Requin qui a monté David Mamet, Laurent Gaudé, Dario Fo et Franca Rame, Christian Binet et qui a fait une heureuse rencontre avec Matéi Visniec quand il a monté La femme comme champ de bataille.
Meyerhold, étonnant Yves Jego, est endormi dans son théâtre; il répète Richard III, une jeune habilleuse, un pied dans le plâtre vient le réveiller, parce que le théâtre va fermer. Elle lui témoigne son admiration, elle est comédienne et ne peut plus jouer. Staline , la pipe au bec apparaît à la fenêtre escorté de deux gardes inquiétants, et se montre jovial, Meyerhold n’était-il pas un des plus ardents défenseurs de la Révolution d’Octobre ?
On voit l’interprète de Richard III répéter, terrorisé par les incursions incessantes de la commission de censure qui menace la troupe d’interdiction pour avoir fait de Richard un héros positif. Tania, la femme de Meyerhold, enceinte, ne parvient pas à accoucher, craint de vomir son enfant, qui enfin naîtra pour maudire et vouer aux gémonies son “ camarade Papa”.
Meyerhold, torturé et incarcéré avant d’être secrètement exécuté le 2 févier 40, comme son épouse, vivra sa dernière nuit en compagnie de son gardien illettré qui lui demande d’écrire à sa place une lettre de malédiction à sa fille en fuite avec son amoureux…Il n’en fait rien et écrit une lettre d’amour aussitôt déchirée par le gardien… Une vraie troupe, un travail sur la bio-mécanique, un texte fulgurant et drôle, un Meyerhold attendrissant presque silencieux qui révèle l’horreur de l’anéantissement du rêve de la Révolution d’Octobre, c’est un spectacle à ne pas manquer.
Edith Rappoport
Théâtre 13, 103 A avenue Auguste Blanqui, métro Glacière, jusqu’au 19 février, T: 01 45 88 62 22