Ruy Blas
Ruy Blas de Victor Hugo, mise en scène de Christian Schiaretti..
Notre amie Evelyne Loew vous avait dit en novembre tout le bien qu’elle pensait de ce Ruy Blas qui inaugurait le nouveau et splendide T.N.P.
Le spectacle est maintenant en tournée mais soit dans l’euphorie de cette grande première, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes villeurbannais, soit il ne s’est pas bonifié et, pardon Evelyne, nous n’ avons sans doute pas vu tout à fait la même chose!
Nous avons même eu la nette impression qu’il avait tendance à perdre ses boulons en route, pour reprendre une expression du cher Bernard Dort.
Le décor d’azueleros bleus de Rudi Sabounghi, est tout à fait impressionnant mais écrase un peu les personnages déjà victimes d’un éclairage parcimonieux dans toute la première partie. Les costumes de Thibault Wechlin donnent à l’ensemble un côté Ménines de Velasquez d’une indéniable beauté. Comme cette entrée de la reine saluée par toute la cour… Il n’y aucun doute là-dessus: Christian Schiaretti a réalisé une œuvre de peintre assez rare pour être signalée.
Et la direction d’acteurs et la mise en scène? Là, les choses se gâtent plutôt! Schiaretti, par manque de temps sans doute, semble avoir laissé la bride sur le coup à ses comédiens; c’est un peu comme si on assistait à une répétition! Robin Renucci (Salluste), Isabelle Sadoyan (la duègne) , Jérôme Kircher (Don César) et Roland Monod( Don Guritan) ont un sacré métier: diction, gestuelle, sens du phrasé hugolien, humour et panache : ils savent imposer leur personnage mais ne sont pas à l’unisson avec leurs plus jeunes camarades qui semblent, eux, un peu perdus, comme s’ils avaient été vite et peu dirigés.
Nicolas Gonzalès que l’on connaît depuis longtemps, est sans doute jeune et beau mais, dans la première partie, manque d’énergie et de présence, et on l’entend souvent mal. Cela s’arrange ensuite heureusement…Quant à Juliette Rizoud, elle semble avoir bien de mal à incarner cette reine qui devrait être sublime… mais qu’on entend difficilement aussi (c’est une maladie du siècle chez les jeunes comédiens plus enclins à dire un texte à vingt centimètres d’un micro!) et dont la confidente est, elle, beaucoup plus convaincante. Ce qui est quand même ennuyeux!
En fait, il manque d’abord à cette mise en scène une véritable cohésion, et comme, dans toute la première partie, on voit mal les acteurs faute d’un éclairage très nuancé mais souvent insuffisant, on écoute mal et l’on s’ennuie quand même un peu. Bref, la belle image ne suffit pas quand le texte n’est pas vraiment pris en compte par le metteur en scène, c’est évident. La mise en scène de Schiaretti un peu raide, manque singulièrement de rythme, et il n’y a jamais ce second degré que Victor Hugo savait si bien introduire de temps à autre dans ses pièces. Encore une fois, tout est beau mais manque à ce Ruy Blas un certain lyrisme: tout est trop sage !
C’est bien dommage que Jacques Seebacher, grand spécialiste de Victor Hugo, et ami de Jérôme Kircher, ne soit plus là mais il aurait sans doute trouvé, exigeant comme il l’était, que le compte n’y était pas tout à fait.
Alors à voir? Oui, pour la scénographie (vous aurez le temps cela dure trois heures avec entracte) et pour la singulière beauté des images, surtout dans les scènes de groupe, mais on sort déçu quant à la mise en scène et au jeu. Donc à vous de choisir. En tout cas, ce n’est pas la meilleure réalisation de Schiaretti. Dommage !
Philippe du Vignal
Théâtre des Gémeaux de Sceaux jusqu’au 29 janvier.