El ano de Ricardo

 El ano de Ricardo de et par Angelica Liddell.

           El ano de Ricardo 100719_rdl_3024Angelica Liddell, avant de présenter à l’Odéon La Casa de la fuerza, revient avec ce  spectacle déjà ancien (2005)  et qui a donc précédé cette somptueux  spectacle qui avait été le grand succès du Festival d’Avignon de 2010 puis  (voir Le Théâtre du Blog)
Il s’agit, là, avec El ano de Ricardo  non d’un spectacle avec plusieurs comédiens,mais d’une sorte de performance/exorcisme où elle est seule en scène avec un acteur muet qui sert à la fois de complice et de faire-valoir, qu’elle désigne comme étant nommé Catesby.
Sur la petite scène, il y a tout un assemblage d’objets qui n’est pas curieusement sans faire penser à ceux de Tadeusz Kantor, ne particulier celui de son ultime spectacle Aujourd’hui c’est mon anniversaire dont il n’aura pu voir la première !En fond de scène, un mur de bottes de paille compressées; côté cour,  un lit en bois d’une personne,et un petit monticule de terre parsemé de pots de primevères avec une photo de bébé encadrée- celui qu’elle refuse ou dont elle rêve? On ne saura jamais- qui fait face côté cour,  à un autre petit monticule derrière lequel se trouve un sanglier empaillé couvert au début par un grand tissu noir. Et des dizaines d’oranges,  clémentines… et bouteilles de bières dont elle enlèvera la capsule d’un geste déterminé avant de les boire au goulot, tout en continuant à  proférer ses textes au micro.
Angelica Liddell est  habillée d’une sorte de pyjama chinois bleu et brodé, avec en dessous,  un tee-shirt blanc;  cette boule d’énergie et de violence maîtrisée parcourt la scène sans arrêt, scène qu’elle ne quittera pas pendant deux heures épuisantes pour elle sur le plan mental et physique.

  Pas vraiment de personnage, même si elle convoque,  au début, celui de Richard III, qui semble la fasciner complètement comme représentant symbolique de l’exercice de la malfaisance  et dont elle dit plusieurs courts extraits de la pièce de Shakespeare. Ce qui répond, dit-elle, à « un besoin de définir le mal comme disait Brecht. Le mal est concret, et non abstrait. le mal est exercé, il est conscient ».
Puis Angelica Liddell lira ensuite quelques extraits de Primo Levi. Mais elle passe aussi à la moulinette, avec des textes d’elle, les personnages politiques, surtout Bush, Blair et Aznar qu’elle abhorre…

   Mais il faut suivre: elle parle très vite, comme s’il y avait une urgence absolue à dire les mots, voire à les redire, pour les imprimer encore plus fort dans la mémoire du spectateur.. Dans un assaut de violence poétique permanente en accord avec la violence de l’expression gestuelle et corporelle. L’impudeur, dit-elle aussi lui offre une liberté totale: elle se lave ainsi  le sexe et les fesses à quelques mètres du public, ou baisse son slip blanc pour courir en rond tout en continuant à éructer ses injures et ses blasphèmes, et à tirer sur tout ce qui ressemble de près ou de loin aux conformisme de la pensée. Aucun compromis, aucune tolérance qui serait de l’ordre de l’éthique, voire de l’esthétique: Angelica Liddell continue à régler ses comptes avec la société, et avec l’espèce humaine dans son ensemble qui semble la dégoûter.
Elle rappelle cet étrange mélange de grandeur et d’abjection qui est le fait de la condition humaine mais son spectacle  n’est plus le fait seulement d’une actrice; même s’il  est, à n’en pas douter, très construit, elle y met en effet beaucoup de sa sensibilité personnelle. C’est un curieux mélange explosif… obscène au sens étymologique du terme, où elle parle de la Shoah et de toutes les atrocités  de la guerre du Viet nam, en montant des photos d’enfants grandeur nature, défigurés par le napalm. En fait Angelica Liddell ne cesse  de se poser la question ontologique du mal qui  tombe sur  les innocents. Pourquoi la souffrance personnelle correspond-t-elle à une souffrance collective? Pourquoi les humains ne peuvent-ils  se passer de dictateurs? Pourquoi les masses sont-elles aveugles  au point  d’accepter le cynisme de ses dirigeants et de croire que la crainte et la peur  sont les  garantes de leur sécurité? Pourquoi en arrivent-elles à considérer la douleur des guerres et des tortures comme un mal nécessaire? Pourquoi les individus sont-ils aussi égoïstes?
A ces questions aussi vieilles que les civilisations les plus anciennes,  Shakespeare n’apportait pas de réponse quand il mettait en scène ce monstre qu’était Richard III… Angelica Liddell en propose, elle, une sorte d’exorcisme personnel.

  Et cela fonctionne? Oui, plutôt bien:  on est à la fois séduit-pas choqué- par cette relation si particulière qu’elle réussit à établir  entre l’expression gestuelle  et la profération  qu’elle assume,  seule , souvent soutenue par des airs de musique populaire, ou, sur la fin, par une puissante et solennelle musique  d’orgue. Mais elle aurait pu sans aucune difficulté, réduire la durée de cette épreuve; le rythme patine un peu  dans la dernière demi-heure: il faut dire  qu’elle a quelques raisons d’être épuisée… Deux  nôtres  consœurs trouvaient  qu’elle en faisait un peu trop et que le texte  était fondé sur un ensemble de banalités…
Pas du tout d’accord: on pourrait dire cela de n’importe quel texte théâtral! Mais Angelica Liddell a un style bien à elle de dire les choses sur un plateau et de leur donner une  substance en se servant de son propre corps. Un peu  comme le faisait  Gina Pane dans  ses performances des années 70.

  Alors à voir? Oui, absolument. Mieux vaudrait comprendre l’espagnol mais il  y a un surtitrage de grande qualité. Et  c’est un plaisir d’entendre Angelica Liddell qui est aussi écrivain et non des moindres, même si elle ne veut pas l’admettre, et qui  sait très bien se servir d’une scène  avec une rare  violence  quant à l’ expression verbale et physique; ce qui n’est déjà pas si mal, non? Jean-Michel Ribes a bien eu raison de programmer cet Ano del Ricardo... Mais ne ratez pas non plus La Casa de la fuerza en mars prochain.

Philippe du Vignal

Théâtre du Rond Point  jusqu’au 29 janvier puis en tournée les 3 et 4 février 2012 Le Quartz, Scène Nationale de Brest  et 23, 24 et 25 mai 2012 Théâtre Sorano – Jules Julien, à Toulouse

Le texte des spectacles d’Angelica Liddell sont publiés  aux  Editions Les Solitaires Intempestifs.

 


Un commentaire

  1. DRAY dit :

    Bonjour

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