Les Bonnes
Les Bonnes de Jean Genet, mise en scène de Jacques Vincey.
La pièce la plus connue du théâtre de Genet fut écrite en 41, d’après un fait divers survenu au Mans en 1930, et montée par Louis Jouvet en 47 et plutôt mal accueillie par le public de l’ Athénée qui lui avait nettement préféré Giraudoux.
Comme dans un clin d’œil à l’histoire du théâtre, Patrice Martinet accueille aujourd’hui dans ce même Athénée une œuvre depuis mise en scène un peu partout.
On connaît l’argument: deux jeunes sœurs, Claire et Solange, femmes de chambre au service d’une grande bourgeoise fortunée et qui vivent dans une chambre minable de la maison se révoltent et pendant que madame n’est pas là s’amusent à mettre ses robes. Claire, la plus jeune des deux, en vient même à jouer le rôle de Monsieur l’amant de madame que joue Solange. Il y a de la vengeance dans l’air, et même si Genet ne voulait pas que sa pièce soit un plaidoyer pour les domestiques maltraités, il n’empêche que les deux sœurs ne sont pas du même rang social, et elles vont se mettre dans l’idée d’offrir à Madame une tasse de tilleul empoisonnée… qu’elle ne boira pas. Et c’est Claire qui joue Madame qui boira le tilleul en dénonçant la société qui leur a ôté leur identité; en fait elle se suicide. Claire et Solange qui ont une tendance à la schizophrénie, n’en peuvent plus de leur vie devenu un enfer sur terre. Et seul un meurtre rituel pourra servir d’exorcisme…
Reste à savoir comment l’on peut monter avec efficacité cette pièce difficile qui fait le grand écart entre symbolisme et réalisme. Et des Bonnes, ces dernières années, on en a vu de toutes sorte mais la proposition de Vincey n’a rien de convaincant dans la mesure où il orienté sa mise en scène sur une scénographie des plus envahissantes qui parasite l’action. Imaginez une tournette- c’est la grande mode des tournettes depuis quelque temps!- avec un très belle installation de poutrelles et d’escalier en caillebotis de fer galvanisé à un étage; en bas, juste un meuble d’évier blanc. Mais en fait, tout ce dispositif parasite l’action: la tournette tourne ( c’est son devoir), les personnages passent d’un étage à l’autre, mais sans véritable raison, comme pour justifier le système. Quant aux spectateurs du parterre, ils sont obligés de lever constamment la tête quand la scène se passe au niveau supérieur!
En bas, un jeune homme qui n’est pas un personnages de la pièce, ouvre le spectacle,complètement nu, enfile des gants de ménage bleu; on le verra toujours aussi silencieux errant pendant la durée du spectacle… Fantôme de l’amant de madame? Arrive Marilu Marini en Madame, et cela fait toujours du bien de la retrouver, même si elle a tendance à en faire un peu beaucoup.
Ce qui manque en fait le plus à cette mise en scène , c’est le manque de crédibilité des deux bonnes habillées avec les robes aériennes en tulle de Madame aux quelles on ne croit pas un instant, et qui pourraient figurer dans un clip publicitaire. Il y a, dans cette mise en scène un côté sec et froid qui met en valeur les éclairages et la scénographie, mais finalement bien peu les personnages, réduits à des marionnettes. En bref: un travail rigoureux fondé sur une esthétique très graphique en noir et blanc mais peu convaincant sur le plan théâtral…
Alors à voir? Pas sûr, si vous voulez voir une pièce vivante plutôt qu’ une espèce d’épure -avec des confettis d’alu qui tombent pour que cela fasse joli?-fort peu émouvante et où l’on ne sent pas vraiment le tragique qui s’annonce. A moins que vous n’ayez envie de retrouver la grande Marilu Marini pour quelques minutes…
Philippe du Vignal
Théâtre de l’Athénée