Tout le monde veut vivre
Tout le monde veut vivre d’Hanokh Levin, mise en scène d’Amélie Porteu de la Morandière et Vincent-Menjou-Cortès.
Hanokh Levin (1943-1999) est sans doute l’auteur israëlien le plus connu de son pays ; il a écrit quelque cinquante pièces et sketches de théâtre dont une partie est régulièrement montée en France depuis une dizaine d’années. Ce sont, en général, des comédie satiriques où Levin met en scène la vie d’un quartier et brocarde les mœurs politiques d’Israël. Avec une certaine cruauté mais aussi avec une indéniable poésie.
Tout le monde veut vivre est une pièce où Levin parle de vie et de mort par le biais d’une fable aux personnages excentriques. Le comte Pozna est un tyran qui reçoit un lundi la visite de l’Ange de la mort qui vient lui signifier que son heure est bien arrivée. Légère erreur sur l’orthographe de son nom! Et Pozna essaye de se défiler mais l’ange est intraitable: » Ils veulent tous vivre et tous ont un bon prétexte! »
Et Pozna réussit à obtenir un sursis de trois jours, donc jusqu’au vendredi; d’ici là, il doit absolument trouver un homme ou une femme qui accepte de prendre sa place. Et le très riche Pozna essaye alors en vain de trouver cet indispensable remplaçant… Mais cette quête, quels que soient ses arguments sonores et trébuchants, ne donne pas grand chose: de misérables SDF tiennent à leur peau, Baba son serviteur africain lui dit qu’il ferait n’importe quoi pour lui mais pas au point de lui rendre ce service, et ses vieux parents refusent sans aucun état d’âme d’aider ce fils ingrat qui ne les pas vus depuis deux ans. » Mon enfant, j’ai honte, lui dit sa mère mais devant la mort, je ne suis qu’un bébé ». Mais Pozna réplique avec cynisme: « Les vieux, çà sent comme un bébé sans en avoir le charme! »
Amélie Porteu de la Morandière, que l’on avait vu comme comédienne dans L’Opérette imaginaire somptueusement réalisée par Marie Ballet et Jean Bellorini, s’est lancée avec Vincent Menjou-Cortès dans cette satire pas si facile que cela à mettre en scène.
Il y faut en effet de solides comédiens, un sens du rythme et une direction d’acteurs exemplaire.. Et ici, malgré de bons mais courts moments, le compte n’y est pas. Aucun des acteurs, copains du Conservatoire et d’autres cours ou écoles, n’est convaincant, surtout Vincent-Morjou Cortès qui a une bonne diction- ce qui est la moindre des choses quand on sort du Cons! Mal dirigé? En tout cas, il n’est pas crédible dans le personnage de Pozna.
Bref, l’ensemble du spectacle fait souvent penser à un travail de fin d’école: sympathique au début mais où rien n’est vraiment maîtrisé: interprétation trop approximative, nombreux noirs cassant le rythme d’une pièce qui s’essouffle après une heure, pénibles allers et retours dans la salle et on nous ressert, pour faire mode? un coup de vidéo (Castorf et Lupa encore frappé! Voir Le Théâtre du Blog). Comme le petit écran est installé dans un angle de l’avant-scène, on voit mal les quelques scènes vite filmées dans une cuisine! Quant à la scéno de Michaël Horchman , elle n’est pas digne de l’élève des Arts Déco qu’il est encore, et mieux vaut oublier les costumes de Hiroko Myajima aux couleurs assez dures et sans grande intelligence scénique.
La salle de l’ex-théâtre du Tambour royal a été refaite, toute en noir, avec des fauteuils confortables, et a une bonne acoustique; on entend donc bien le texte de Levin-qui n’est pas son meilleur: il appuie quand même un peu trop sur la métaphore- mais qui est d’un cynisme savoureux aux meilleurs moments… Mais cela ne fait quand même pas une soirée.
Alors y aller ou pas? Si c’est votre jour de grande générosité, à la rigueur.
Mais éprouve-t-on, en sortant, le besoin de revoir ce spectacle? Non, ma mère…Ce qui n’est jamais bon signe.
Philippe du Vignal
Théâtre de Belleville 94 rue du Faubourg du Temple jusqu’au 12 février . t: 01-48-06-72-34
Le texte comme de nombreux autres d’Hannokh Levin est publié aux Editions Théâtrales.