Forêt sensible

Forêt sensible par Les Souffleurs commandos poétiques, conception artistique d’ Olivier Comte, musique de Nicolas Losson et  sculptures de Vincent Bredif.

Forêt sensible souffleurs-181x300C’est à un bien étrange voyage que nous ont convié les Souffleurs dans cette ancienne Sucrerie de Coulommiers, où ils sont en résidence depuis plusieurs mois. Olivier Comte y travaille avec une quarantaine de souffleurs, acteurs, musiciens, et metteurs en scène, que l’on avait pu  découvrir en 2001  au Festival d’Aurillac.
Nous sommes conviés à pénétrer dans un grand hangar  par groupes  et à parcourir  un dédale lumineux; il y a  des petits tableaux où sont inscrites des phrases difficiles à lire car les mots ne sont pas coupés au bon endroit et qu’il faut donc déchiffrer.
On accède, seul et en silence, à des phrases énigmatiques:  “accepter d’échouer sur des pages souvent parfaites”…”préserver surtout jusqu’au bout le secret de l’émotion”…”la parole humaine, lui apporter régulièrement de quoi respirer”….
Ce cheminement  doit plonger le promeneur dans une  forêt intérieure comme dans un rêve ! Nous arrivons effectivement dans une sorte de forêt en acier non figurative, vaste espace où nous errons parmi  douze grands mâts escaladés par des acteurs munis de fines cannes lumineuses que l’on peut saisir quand elles passent à proximité pour écouter des messages poétiques.
D’abord déconcerté, on se demande si les phrases qu’ils nous chuchotent à l’oreille sont celles que l’on a pu déchiffrer, dans notre promenade  solitaire. Peu à peu,  on se laisse gagner par les images des actrices qui se dénudent, et par la beauté d’une musique irréelle.

Edith Rappoport

La Sucrerie de Coulommiers (77)

www.lessouffleurs.fr
contact@les-souffleurs.fr  A lire aussi  un entretien avec Olivier Comte dans  le n° 88 de  la revue Cassandre.


Archive pour 30 janvier, 2012

Sortir du corps

Sortir du corps, textes  extraits de Lettre aux acteurs, Pour Louis de Funès et L’Opérette imaginaire de Valère Novarina, mise en scène de Cédric Orain.

 Sortir du corps 20110730_sortirducorps_421-300x209La Compagnie de l’Oiseau-Mouche située  à La Grange, situé à Roubaix qui a deux salles et un restaurant; dirigée par Stéphane Frimat, elle a maintenant trente deux ans et elle a pour but de faire travailler sur une scène des adultes jeunes et moins jeunes qui sont en situation d’handicap mental.
La compagnie a monté plus de trente spectacles dont le dernier a été confié à Cédric Orain qui s’est attelé à un travail  des plus exigeants, c’est à dire monter du Novarina. .. Soit deux ans d’intense préparation et de répétitions, et l’on s’en doute , les règles du jeu  sont  beaucoup plus contraignantes, surtout avec  des textes comme ceux de Novarina,  aussi  magnifiques que difficiles à appréhender et à mémoriser .  » J’ai donc pris le temps, dit Cédric Orain, de les écouter , au tout début, avant de travailler comme des fous, des acharnés de je ne sais quoi, on a commencé par ne pas travailler, par bavarder, par perdre du temps, par ne rien faire, et dans ce temps où ils se dévoilaient pudiquement, je les dévorais furieusement. C’est pendant ce temps de l’humain, et  ce temps est pour moi fondateur de tout théâtre,que j’ai éprouvé pour de bon la seule véritable raison d’être de ce spectacle: faire sortir la langue de Valère Novarina des cinq corps là devant moi ».

 Cédric Orain a sans doute raison de parler d’abord de corps, puisqu’ici il y a une indispensable discipline  corporelle, et un véritable engagement physique dans cette mise en scène: le geste, la marche, les positions, voire à la fin la quasi nudité sont des fondamentaux,  même si, bien entendu, il faut aussi pour dire ces textes une mémoire de tout premier ordre: avec Novarina mais  encore plus  qu’avec un autre auteur, on n’a pas droit à l’erreur. C’est dire la rigueur  et l’énergie qu’il a fallu à Cédric Orain et à ses cinq comédiens  pour qu’enfin à l’automne dernier, ce spectacle puisse enfin exister sur le plateau de la Grange et ensuite partir en tournée. Cela  tient non du miracle- cela n’existe pas au théâtre mais d’un travail exemplaire  dont  nombre de compagnies feraient bien de s’inspirer.
 Peu  d’élément scéniques sur le plateau; en fond de scène, un  rideau brechtien de lamelles plastiques comme on en voit dans les entrepôts, un portant avec des costumes, quelques chaises dépareillées, et une guirlande lumineuse qui détermine une aire de jeu rectangulaire au sol. Ce qui frappe chez ces comédiens, sortirc’est d’abord une extrême concentration, ils sont là et pas ailleurs, et  une implication mentale corporelle  évidente: aucune approximation, aucune hésitation : chaque geste est juste et  correspond  au texte: c’est dire le travail fourni par le comédien et par le directeur d’acteurs!
« Si le théâtre est bien le laboratoire des gestes et des paroles de la société , il est à la fois le conservateur des formes anciennes  de l’expression et l’adversaire des traditions « , disait avec raison Antoine Vitez. C’est  bien ici de cela qu’il s’agit, une osmose parfaitement  maîtrisée par Cédric Orain entre gestes  dit normaux, et d’autres inédits, beaucoup plus forts, par exemple, quand Clément  Delliaux se jette retenu par une sangle vers le rectangle dessiné par les guirlandes lumineuses, comme vers un univers inaccessible…

   Il y a aussi, dans une sorte de délire parfaitement maîtrisé,  les monologues de François Daujon surtout au début et à la fin du spectacle; maigre et petit, sans doute très peu causant dans la vie, l’acteur  déborde pourtant d’une énergie bouleversante à tel point que l’on entend tout d’un coup les phrases de Novarina dites d’une autre façon, avec une impeccable diction et ses   camarades : Lothar Bonin, Florence Decourcelle et Valérie Szmielski  ont une présence  indéniable sur le plateau. Novarina qui avait déjà vu le spectacle à Roubaix ,a beaucoup  admiré, nous a-t-il dit, la qualité de leur travail, à la fois très au point  et profondément vrai.
 Il y a parfois certains petits problèmes de diction: la langue de Novarina n’est pas toujours des plus commodes! Mais le travail de mise en scène de Cédric Orain est remarquable d’intelligence et de sensibilité. Et le salut, qui est la dernière image que l’on garde d’un spectacle, est souvent mal géré et ridicule mais se révèle ici d’une rigueur exemplaire. Et sur un plateau, il n’y a pas de détails! Cédric Orain  et ses comédiens nous offrent ici une grande leçon de théâtre et de vie, à mille kilomètres des grandes pitreries, pathétiques de suffisance, que nous avons récemment pu voir dans certains grands théâtres…

Philippe du Vignal

Maison des métallos jusqu’au 12 février T: 01-48-05-88-27

Nathan le sage

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Nathan le sage de Lessing, mise en scène Bernard Bloch.

Depuis une dizaine d’années, Bernard Bloch qui est né en Alsace, metteur en scène, comédien, traducteur, questionne les incompréhensibles massacres du XXe siècle . Après deux spectacles impressionnants, Lehaïm à la vie tiré du beau livre d’Herlinde Koelbel et Le chercheur de traces d’Imre Kertész (voir Cassandre 87), il s’est attaqué à cette longue pièce emblématique du siècle des lumières écrite par Lessing en 1776.
En exergue, Bernard Bloch cite une phrase de Kertész: “Ce qui est le plus incompréhensible, le moins naturel, ce n’est pas le mal, c’est le bien. Et l’action bonne, le bon geste, sont si rares, si inouïs qu’ils sont plus forts que tous les totalitarismes”.

Nathan le Sage avait été créé en France par Bernard Sobel en 1987  à Gennevilliers,  et  François Mitterand y avait assisté le même soir que nombre d’entre nous. Mais, hormis Jack Ralite, les hommes politiques fréquentent peu le théâtre public ! Dominique Lurcel avait aussi mis la pièce en scène au Théâtre Jean Arp de Clamart en 2004 , puis  au Théâtre Montfort.
On est en 1187, à Jérusalem, Nathan le Sage, riche marchand juif, revient de Damas et de Babylone, avec ses chameaux chargés des fruits de son négoce. Il apprend que sa fille chérie Recha, a été sauvée des flammes par un jeune Templier. Il veut le remercier, mais le jeune homme se dérobe, ne souhaitant pas se compromettre avec des juifs, lui qui combat pour sa foi chrétienne.
Le sultan Saladin qui règne sur la ville, est frappé par la ressemblance étrange entre le Templier et son défunt frère. Le Templier finit par rencontrer Recha,  et  s’en éprend soudainement; son amour est partagé, mais il fuit la jeune fille, la croyant juive.  Après avoir appris par sa gouvernante que Recha n’est pas la vraie fille de Nathan,  mais une chrétienne recueillie dans ses langes après  la mort de la femme et des sept fils du marchand dans  une  guerre de religion, le Templier va consulter le Patriarche chrétien, pour lui poser la question de la foi, sans lui révéler l’identité des protagonistes. Le Patriarche menace du feu un juif qui aurait élevé une chrétienne, sans lui révéler la vraie foi !

Ce premier acte d’exposition long et compliqué, finit par s’imposer dans un espace nu cerné de chaises autour d’un espace circulaire où les personnages viennent s’affronter. Le plateau est cerné par de grands vélums verts qui s’abattent au début du deuxième acte.
Il y a maintenant au centre du plateau un amas de draperies et de gros sacs de trésors amoncelés. Le sultan, à court d’argent pour mener la guerre , doit emprunter à Nathan qui accepte bien volontiers.
Recha retrouve son templier qui retrouvera sa véritable identité: lui non plus n’est pas chrétien,  mais fils du défunt frère du sultan. Au moment où les deux amants croient pouvoir se retrouver, ultime coup de théâtre dans le goût de l’époque: Nathan  leur révèle que le Templier est  le frère de Recha !

Neuf acteurs solides: en particulier, Philippe Dormoy (Nathan),  Miloud Khetib (sultan,) Philippe Mercier (derviche et patriarche), Nils Ohlund (le Templier) donnent vie à ce beau capharnaüm d’identités, et, malgré les longueurs d’une première partie écrite dans un siècle où le temps n’était pas encore de l’argent, le spectacle a enthousiasmé une salle pleine de spectateurs très jeunes pour la plupart.

Edith Rappoport

Comédie de l’Est, jusqu’au 11 février, puis en tournée, www.comedie-est.com

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