Cancrelat

Cancrelat de Sam Holcroft, mise en scène de  Jean-Pierre Vincent.

Cancrelat cancrelat-de-jean-pierre-vincentM56142 La classe d’une école : comme le plateau de théâtre, elle représente un parfait microcosme.
Unité de lieu, lieu de conflits, elle met en scène les transformations d’une génération, momentanément préservée du “monde“ et aussitôt rattrapée par ce monde. Dans les années 80, Class ennemy de Nigel Williams, réunissait dans un collège abandonné de tous, à l’image d’une Angleterre sous-prolétarisée, un groupe d’élèves qui bricolait une survie possible dans la bagarre et le crachat.
Ici, à Théâtre Ouvert, François Bégaudeau avait pu tester dans une mise en espace de François Wastiaux la vitalité dramatique d’Entre les murs, vérifiée ensuite sur grand écran. Comme lui, Sam Holcroft, a été professeur, de biologie, ce qui n’est pas indifférent. Elle enferme cinq “caractères“, (Leah, Mmoma, Danielle, Lee et Davey) avec les théories de Darwin et le fonctionnement hormonal de l’être humain.
Leçon est donnée par une jeune et jolie enseignante à ces adolescents travaillés par le désir et la peur du désir, les jalousies, la peur de la solitude… Fragile autorité : la guerre, une guerre, progressivement envahit tout, sépare, transforme, détruit. Faut-il alors être le pus fort ou « le plus adapté » ?
On commence par rire, un rire qui répond au « bien vu », à des moments de vérité. On passe peu à peu à un ton proche de celui d’Edward Bond .
La pièce avait été lue il y a deux ans sous la direction de Sophie Loucachevsky. Jean-Pierre Vincent l’a “mise en espace“ cet été, à Avignon, pour le quarantième anniversaire de Théâtre Ouvert,  et  la met en scène aujourd’hui, avec la même distribution, parfaite, de jeunes acteurs. La direction est d’une précision extrême, avec juste ce qu’il faut de « dessin » dans le jeu, mais  sans aucun détail de trop.
Une comédienne est chargée de dire les didascalies à certains moments-clés : cela ouvre la scène vers le récit, vers un théâtre en train de se faire, ce  qui donne à la pièce de beaux moments de suspens.

Tout parle :  scénographie minimale mais chargée, uniformes scolaires volontairement négligés, selon le style et la révolte de chacun des adolescents, et uniformes de soldats morts qu’on leur demande – effort de guerre de l’“arrière“ – de remettre en état, au risque d’y lire le nom d’un frère. Du tissu au corps, du corps au tissu… La violence monte, jamais  gommée ni complaisante.
Mais la pièce souffre de quelques longueurs. Tout est parfaitement en place, le déroulement, les caractères, de façon presque trop explicite : ça manque du “manque“ qui nous emporterait totalement du côté de la tragédie. Comme dans la tradition dramatique anglo-saxonne, avec efficacité. Ou du fait que pour les Britanniques la guerre n’est pas – pas seulement – une métaphore de la catastrophe, comme c’est le cas de ce côté de la Manche. La métaphore n’a pas besoin d’être redite. Sauf s’il s’agit, réellement, d’une pièce de guerre. À voir.

Christine Friedel

Théâtre ouvert, jusqu’au 4 février – 01 42 55 55 50


Archive pour janvier, 2012

Altaïr

  Le groupe de réflexion Altaïr organise une journée  de débat public le samedi 28 janvier au Palais du Luxembourg-salle Clémenceau, 15 ter rue de Vaugirard 75006 Paris (carte d’identité obligatoire), avec,  au programme, de 10h à 12 heures: Les forces de création face à la logique des marchés et de 14 à 16 heures: Du choc des cultures à la rencontre des diversités.
 Il y aura tout du beau monde… Entre autres: Daniel Mesguich, Edwy Plenel, David Kessler, etc.. Entrée gratuite sous  réserve du nombre de places limitées. Inscription obligatoire :  http://www.altair-thinktank.com/save-the-date-118.html.
   Altaïr est un groupe de réflexion indépendant  qui  rassemble des acteurs de la création, des responsables du monde de la culture et des médias, des artistes et des citoyens engagés. Il pense qu’aucune mesure technique ne dénouera les crises actuelles, dans la mesure où nous sommes confrontés à une crise de civilisation qui appelle une métamorphose de nos cultures. Altaïr affirme qu’ à un moment où nos repères vacillent, la culture est le fondement de nos sociétés, et qu’il  faut lui donner  une place centrale dans le débat public.

Ph. du V.

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LE SUICIDÉ

Le suicidé de N. Erdman mise en scène de Patrick Pineau

D’anciens souvenirs reviennent sur les mises en scène de cette pièce, celle de Jean-Louis Barrault dans les années 70 et beaucoup plus récemment celle de Volodia Serre à Villejuif.C’est une heureuse reprise de cette pièce décapante écrite en 1928 qui a valu des déboires à Erdman avec le pouvoir soviétique.Le héros, Semion Podsekalnikov, chômeur affamé, réveille sa femme en pleine nuit, à la recherche du saucisson dont il n’a pu se régaler. Devant ses récriminations et ses menaces de mettre fin à ses jours, elle se lève, réveille sa mère. Il a disparu, serait-il parti se suicider ? Les toilettes sont fermées, on réveille le voisin pour enfoncer la porte. Il n’est pas là mais on le retrouve menaçant d’attenter à ses jours en écrivant qu’il ne faut accuser personne de sa mort.
Aussitôt il est surpris par  des  voisins qui le prient de rendre responsable de sa mort le mépris de l’intelligentsia russe et de toutes sortes de causes perdues, les plus loufoques. Il ne dit pas non, fait semblant de mettre son suicide au service des pétitionnaires. Mais au moment de passer à l’acte, il se couche dans son cercueil au cours du splendide banquet funéraire. Il se réveille pour maudire les les convives et acclamer sa petite vie précieuse.

Interprété par une vingtaine de brillants acteurs, l’humour décapant de cette pièce qui a valu les foudres de Staline à Nicolaï Erdman est bienfaisant.

Edith Rappoport

MC 93 de Bobigny, jusqu’au 15 janvier, 01 41 60 72 72,, www.mc93.com et en tournée

http://www.dailymotion.com/video/xlxdhf

On confirme; la pièce était un peu perdue à la Carrière Boulbon lors du dernier Festival d’Avignon  et l’on attendait avec impatience sa reprise sur un vrai plateau de théâtre plus adapté à  cette farce; l’excellente mise en scène de Patrick Pineau comme le jeu des acteurs, dont lui-même dans le rôle du Suicidé mettent bien valeur le texte d’une férocité et d’une drôlerie exemplaire (on comprend que Staline n’ait pas supporté cette raillerie du pouvoir soviétique!).
 Les dialogues de cette pièce,  84 ans, après avoir été écrite, reste d’une fraîcheur étonnante; surtout allez-y, vous rirez bien et cela faisait vraiment plaisir de voir cette bande de comédiens très soudée s’en emparer  et le public leur a fait une ovation tout à fait méritée.

Philippe du Vignal

L’Eveil du printemps

L’Éveil du printemps de Frank Wedekind, mise en scène et adaptation d’Omar Porras, adaptation(sic) et traduction de Marco Sabbatini.

Piqûre de rappel: Frank Wedekind,  auteur dramatique allemand (1864-1918) est surtout connu pour sa fameuse Lulu mais L’Eveil du printemps est une pièce  d’une L'Eveil du printemps  eveil-du-printempsviolence inouïe pour son époque(1891) où Wedekind  rompt tous les tabous concernant la sexualité naissante des adolescents et dénonce l’hypocrisie de la société bourgeoise qui admet cependant l’homosexualité, la prostitution et la prospérité des bordels,  et  sans beaucoup d’état d’âme l’avortement, voire le suicide.
  C’est ainsi que Madame Bergmann ne dit rien des choses du sexe à sa charmante ado de Wendla qui finit par coucher avec le beau Melchior, (sans doute plus averti que ses petites copines) et qui se retrouvera enceinte, avant de mourir, victime d’une faiseuse d’anges que lui envoie sa mère…. Melchior, lui, finira par se retrouver en maison de correction avant de retrouver le fantôme de Morritz qui, profondément perturbé s’est tiré une balle dans la tête.  Bref, rien que du bonheur, dans cette société où le petit groupe de lycéens  de cet Eveil du Printemps doit supporter bien des épreuves avant de parvenir à l’âge adulte!
  Reste à savoir ce que l’on peut faire avec cette pièce qui a plus d’un siècle, alors que les mœurs ont radicalement changé depuis une cinquantaine d’années,  et que la pilule, puis la pilule du lendemain, voire du surlendemain, sont  devenues courantes, même si l’avortement a encore bien du mal à être admis dans nombre de pays et si les IVG, dans notre belle France,  représentent quand même un tiers des naissances. Omar Porras s’est emparé de la pièce sans beaucoup d’état d’âme et l’a pour ainsi dire, passé à l’essoreuse et l’a réduite à une sorte de scénario de 90 minutes, sans beaucoup de chair et où les personnages sont  seulement esquissés. Certes Omar Porraz sait faire: il y a, comme dans ses précédentes réalisations, une remarquable direction d’acteurs qui ont tous une gestuelle et une diction de tout premier ordre- en particulier,  Olivia Dalric, Peggy Dias et Paul Jeanson; tout est réglé avec une précision d’horloger  et le metteur en scène fabrique parfois des images d’une grande beauté plastique. Mais, soyons lucides,  c’est au prix de beaucoup de facilités: et hop! Un coup de fumigène, et hop! Un coup d’éclairage rasant sur un décor de ruines de béton dont on voit le ferraillage rouillé,  et hop! Un coup de musique pour souligner le texte,  ou une mise en écho de certaines phrases.  Et  Omar Porraz n’hésite même pas à nous refiler ce vieux truc de la vraie pluie qui tombe!  Ce qui fait toujours son petit effet…Si bien que les enjeux de la pièce ont bien du mal à émerger!
   Omar Porraz dit sans complexe aucun que: «   la musique est celle qui traduit le mieux les rêves et les révoltes, l’angoisse et la nostalgie caractérisant le passage à l’âge adulte » et  » le verbe trouve ici un prolongement naturel dans le chant et la musique, comme en témoignent les adaptations musicales récentes « . On veut bien mais c’est vraiment loin d’être évident. Bref, on voit peu souvent des mises en scène aussi précises et  réussies sur le plan plastique, mais aussi bourrée d’effets ; la pièce laisse ainsi la place à un  spectacle qui prend très vite  des allures de BD, ce qui devrait ravir les ados de 2012, mais sans doute moins leurs parents qui ne seront pas dupes. Dommage!
  Alors à voir? Oui, si vous n’êtes pas du tout  exigeant; au moins, il y a de belles images et on ne s’ennuie pas, comme  à cette très  accablante  Salle d’attente d’après Lars Nören mise en scène par Kristian Lupa trois heures durant! , et on se laisse bercer sans déplaisir. Mais on est loin, très loin de Wedekind. A vous de choisir . On aimerait bien savoir ce qu’en pensent nos amis japonais…

Philippe du Vignal

Théâtre 71 de Malakoff jusqu’au 28 janvier

Chambéry espace Malraux, scène nationale de Chambéry et de la Savoie  04 79 85 55 43 les 21 et 22 mars
Istres théâtre de l’Olivier | 04 42 56 48 48 | le 6 avril Châteauvallon cncdc | 04 94 22 02 02 | du 12 au 14 avril Monthey (suisse) le Crochetan | 0041 24 471 62 67 | le 21 décembre La Rochelle la coursive, scène nationale | 05 46 51 54 02 | du 8 au 12 février Shizuoka (japon) spac, World theater Festival shizuoka under mt. Fuji | juillet 201

Au bord de la route

Au bord de la route, conception, mise en scène et chorégraphies de Patrice Bigel.

Au bord de la route AUBORDDELAROUTE-300x177Le dernier  spectacle de Patrice Bigel se situait autour de l’œuvre d’Henry Monnier  et  sur le langage employé par ses personnages (Voir Le Théâtre du Blog). Mais, cette fois, Patrice Bigel présente un travail tout à fait singulier  où, dit-il avec raison, » les chorégraphies, le texte, le son, la lumière et la scénographie participent au même titre au sens du spectacle ».
L’espace de jeu  de l’Usine Hollander-ancienne tannerie/maroquinerie- est plus profond que large mais avec un décrochement sur le côté cour. Sol nu recouvert d’un carrelage plastique à petits carreaux. Une vingtaine de petits cubes blancs où l’on peut s’asseoir et à sur le côté, une sorte de cabine éclairée d’un rouge violent où les comédiens parlent à tour de rôle devant une caméra et  dont l’image est reproduite sur le mur du fond.. Dix jeunes  comédiens (cinq filles cinq garçons habillés en voir et blanc) dansent, même si ce ne sont pas des danseurs, et maîtrisent parfaitement le temps (une petite heure) et l’espace.

Le point de départ de ce travail-aussi plastique que théâtral,  on l’aura compris- est une  œuvre du photographe brésilien Fernando Montiel Klint , actes-de-foi-300x238où une jeune femme- on peut supposer que c’est une femme vu la minceur des doigts- a la tête couverte de la terre d’une plante verte qui se serait renversée sur elle dans un appartement vide.
Curieuse sensation d’espace et de temps bousculés: aucun repère, aucune orientation possible: on peut simplement dire que le grand appartement se situe dans l’immeuble d’une ville et sans doute au Brésil…
Patrice Bigel cite aussi  Baudrillard:  » Tous les événements qui  n’ont pas eu  lieu, ceux qui se sont perdus en route, ceux qui sont trop lents pour être jamais arrivés et d’autres silencieux qui n’auront jamais l’occasion de se produire- tout cela constitue l’anti-matière de notre histoire, la « masse manquante » des événements absents qui infléchit le cours des événements réels ».

Les jeunes comédiens formés par Bigel:  Samih Arbib, Mara Bijeljac, Adrien Casalis, Sophie Chauvet, Anthony Duarte, Elsa Macaret, Yasminn Nagid, Anna Perrin, Pierre Possien, Erwin Sailly font tous un travail remarquable; ils forment une équipe soudée, ont une  gestuelle et  une  diction parfaite et sont  capables de donner rythme et puissance à cet essai où s’est élaboré une  synthèse de l’image,  du geste, mais aussi du texte qu’Alisson Corson, élève à l’ENSATT, a  écrit au cours des répétitions. Mais, loin d’être vraiment convaincant, trop « littéraire » ,  il  a du mal à s’intégrer à cette proposition.
 Mais qu’importe, Au Bord de  la route est un spectacle plus visuel et sonore que parlé, presque onirique. Il y a  un court moment un peu flou vers la fin mais on est vite subjugué par  ces visages  filmés en gros plan et par la beauté parfaite  des cubes blancs que les acteurs manient avec virtuosité, tout en dansant. On pense, bien sûr, à Cunningham mais aussi au minimal art et aux sculptures d’un Carl André ou d’un Don Judd. Et  à la fin-Bigel s’est fait plaisir mais pourquoi pas-il y a une courte mais belle vidéo en noir et blanc, réalisée  en images de synthèse avec un paysage de collines assez fabuleux.
  On peut toujours faire la fine bouche et dire que cela ne fait pas vraiment sens, mais, pour nous,  si justement, c’est grâce à ce genre d’expérimentations que le théâtre contemporain peut évoluer,  loin de la centième revisitation de La Noce chez les petits bourgeois de Brecht ou  de textes non théâtraux monologués; qui sont trop souvent  notre lot quotidien … Le s jeunes spectateurs qui  assistaient en majorité au spectacle était  réjoui, ce qui est toujours fort bon signe.
 D’accord,  l’Usine Hollander est à Choisy-le-Roi mais le RER est juste à côté; d’accord, cela ne se joue que les vendredis, samedis et dimanche, mais que cela ne vous  dissuade surtout pas d’aller voir cet étonnant Au Bord de la route; ce n’est pas un luxe par les temps qui courent…et le théâtre français a bien besoin de gens comme Patrice Bigel.
Vous avez aussi le droit d’aller au bar du premier étage; vous ne devriez pas être déçus: il y a une  grande salle d’une rare poésie avec  quelques  dizaines de bustes de plâtre alignés sur un étagère et de très belles plantes vertes devant une grande verrière, soigneusement entretenues par le scénographe et régisseur général…

Philippe du Vignal

Usine Hollander 1 rue du Docteur Roux Choisy-le-roi jusqu’au 12 février. Réservations: 01-46-82-19-63

Mannekijn

Mannekijn mannekjin  Mannekijn de Frédéric Vossier, mise en scène Sébastien Derrey.

    Hommes,  femmes, et stéréotypes.Domination masculine transmise par les femmes; femmes complices. Servitude volontaire.
Homme dominateur, femme dominée : où en sommes-nous du stéréotype et de la façon dont il se dit ? Frédéric Vossier et Sébastien Derrey cherchent de ce côté-là, du « comment ça se dit ». Ils ne sont pas sociologues, ils font du théâtre.
Donc, devant nous, la mère, la fille, et, longtemps caché, l’Homme. Caché, en effet : la soumission féminine, revers de la domination masculine, n’a pas besoin de la présence de l’Homme : elle passe par le souci de la mère de transmettre à sa fille les codes d’une « perfection » qui répondraient aux exigences supposées du mâle. Ironie : la mère, si sûre d’elle, a besoin régulièrement du prendre d’un coup d’œil le public à témoin : c’est bien comme cela ? J’ai raison ? Comme plus tard la fille prend à témoin la mère et le public de ses jeux amoureux et infantiles avec l’Homme. Ici, seul l’homme a droit à une majuscule, car il est, si l’on ose dire, le pivot de l’affaire : celui pour qui on doit se faire belle, celui dont il faut se faire aimer, le fantasme, celui qu’il faut servir, qui paie, qui fait peur.
Bizarrement, les femmes, dans cette histoire, n’ont pas besoin de fiction pour exister, alors que l’Homme est l’objet de leurs récits, l’ “Espagnol“, ancien footballeur réduit à son ventre, ancien objet du désir, « people » riche et pas encore divorcé mais qui a besoin, dans son lit et sous ses coups, de la petite…
Le tout, en un langage à la fois économe, feutré, chargé de silence, de violence concentrée, avec des échappées soudaines d’un inconscient sidérant. C’est glaçant et drôle. Le décor est réduit à un espace désastreux de vieux panneaux, qui dessinent une circulation parfaite de la soumission et de la peur, ponctuée d’un inquiétant bruit de gouttes d’eau. Les costumes sont pauvrets et pourtant chargés de la trace des puissantes images sociales dont ils sont le dernier avatar, inusable.
Tout cela donne l’impression d’un monde au bout du rouleau (si seulement !), rendu avec une précision délectable par les trois comédiens, Catherine Jabot, Nathalie Pivain et Frédéric Gustaedt. Et, au fait, pourquoi ce titre exotique ? Mannekijn, c’est, étymologiquement, le « petit homme ». Vu l’échantillon représenté d’homme dévirilisé et d’autant plus violent, le sens s’impose : petit homme, en effet…On pourrait ajouter l’autre étymologie supposée de mannekijn : panier. C’est aussi parlant!
La mise en scène est exemplaire; son seul défaut serait d’être trop constamment rigoureuse : mais est-ce un défaut ? La pièce ne tient pas tout à fait la longueur, mais mérite absolument le voyage.

Christine Friedel

Théâtre de l’Echangeur de Bagnolet) 01 43 62 71 20

Adieu, Philippe Lehembre

Adieu, Philippe Lehembre

Adieu, Philippe Lehembre dans actualites Philippe_Lehembre-1-300x206 Le comédien Philippe Lehembre,  s’est éteint doucement  à Paris il y a quelques jours à 88 ans, conscient de mourir comme il l’avait souhaité et non dans son sommeil, ce qu’il redoutait…
Nous l’avions bien connu aux Chroniques de l’art vivant  où, un temps de sa longue vie,  il avait été documentaliste; il continuait à jouer quand l’occasion s’en présentait,  notamment avec Jean-Marie Lehec. Puis, en 75 après le décès brutal de son épouse, il avait décidé de reprendre sa carrière de comédien.

 Et depuis… Il n’avait pas arrêté de jouer  partout mais pas avec n’importe qui: Philippe Berling, dans  La Cruche cassée, François Rancillac dans La Folle de Chaillot puis avec Jean-Luc Lagarce ( Le Malade  imaginaire),   Olivier Py (La Servante)et Nous les héros de Lagarce,  puis dernièrement avec Bob Wilson dans Quartett d d’Heiner Muller et enfin dans trois des spectacles de Joël  Pommerat (Au Monde, D’une seule main et Pinocchio). On l’avait vu aussi souvent au cinéma , notamment dans La Promenade du champ de Mars de Robert Guédiguian…
 Grand et mince, avec de  beaux yeux bleus qui lui donnaient un regard acéré,  ce n’était pas un grand bavard  et  il était plutôt du genre discret dans la vie,  mais, dès qu’il entrait sur un plateau, il avait une présence étonnante et un jeu  remarquable.
 Adieu, Philippe; nous te dédions ce 1.700 ème article du Théâtre du Blog.

Philippe du Vignal

Bonjour à tous, c’était mon grand-père et de voir cet article me touche énormément et remercie infiniment Philippe du Vignal pour avoir écrit ce texte.

Merci de votre message; c’était bien normal que l’on salue, au moment de son départ, votre grand-père que j’aimais beaucoup et qui aura eu la chance exceptionnelle de travailler avec Joël Pommerat et Bob Wilson.
Je verrai si je peux venir à ses obsèques samedi au Père Lachaise mais sinon, sachez que je serai de tout cœur avec vous.

Ph. du V.

 Philippe Lehembre dans actualites

 

Ruy Blas

Ruy Blas de Victor Hugo,  mise en scène de Christian Schiaretti..

    Ruy Blas RUY_BLAS_3Notre amie Evelyne Loew vous avait dit en novembre tout le bien qu’elle pensait de ce Ruy Blas qui inaugurait le nouveau et splendide T.N.P.
Le spectacle est maintenant en tournée mais soit dans l’euphorie de cette grande première, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes villeurbannais, soit  il ne s’est pas bonifié et, pardon Evelyne, nous  n’ avons sans doute pas vu tout à fait la même chose!
Nous avons même eu la nette impression qu’il avait tendance à perdre ses  boulons en route,  pour reprendre une expression du cher Bernard Dort.

  Le décor d’azueleros bleus de Rudi Sabounghi, est tout à fait  impressionnant mais écrase  un peu les personnages déjà victimes d’un éclairage parcimonieux dans toute la première partie. Les costumes de Thibault Wechlin  donnent à  l’ensemble  un côté Ménines de Velasquez d’une indéniable   beauté. Comme cette entrée de la reine saluée par toute la cour… Il n’y aucun doute là-dessus: Christian Schiaretti a réalisé une œuvre de peintre assez rare pour être signalée.
  Et la direction d’acteurs et la mise en scène? Là, les choses se gâtent plutôt! Schiaretti, par manque de temps sans doute, semble avoir laissé la bride sur le coup à ses comédiens;  c’est un peu comme si on assistait à une répétition!  Robin Renucci  (Salluste), Isabelle Sadoyan (la duègne) , Jérôme Kircher  (Don César) et Roland Monod( Don Guritan) ont un sacré métier: diction, gestuelle, sens du phrasé hugolien, humour et panache : ils savent   imposer leur personnage mais ne sont pas à l’unisson avec leurs plus jeunes camarades qui semblent, eux, un peu perdus, comme s’ils avaient été vite et peu dirigés.
Nicolas Gonzalès que l’on connaît depuis longtemps,  est sans doute jeune et beau mais, dans la première partie,  manque d’énergie et de présence, et on l’entend souvent mal. Cela s’arrange ensuite heureusement…Quant à Juliette Rizoud, elle semble avoir  bien  de mal à incarner cette reine qui devrait être sublime… mais qu’on entend difficilement aussi (c’est une maladie du siècle chez les jeunes comédiens plus enclins à dire un texte à vingt centimètres d’un micro!)  et dont la confidente est, elle, beaucoup plus convaincante. Ce qui est quand même  ennuyeux!

   En fait, il manque d’abord à cette mise en scène une véritable cohésion, et comme, dans toute la première partie, on voit mal les acteurs faute d’un éclairage  très nuancé mais souvent insuffisant, on écoute mal et l’on s’ennuie quand même un peu. Bref,  la belle image ne suffit pas quand le texte n’est pas vraiment pris en compte par le metteur en scène, c’est évident. La mise en scène de Schiaretti  un peu raide, manque singulièrement de rythme, et il  n’y a jamais  ce second degré  que Victor Hugo savait si bien introduire de temps à autre dans ses pièces.  Encore une fois, tout est beau mais manque à ce Ruy Blas un certain lyrisme: tout est  trop sage !
C’est bien dommage que Jacques Seebacher, grand spécialiste de Victor Hugo, et ami de Jérôme Kircher, ne soit plus là mais il aurait sans doute trouvé, exigeant comme il l’était, que le compte n’y était pas tout à fait.

  Alors à voir? Oui, pour la scénographie (vous aurez le temps cela dure trois heures avec entracte) et pour la singulière beauté des images, surtout dans les scènes de groupe, mais  on sort  déçu quant à la mise en scène et au  jeu. Donc à vous de choisir. En tout cas, ce n’est pas la meilleure réalisation de Schiaretti. Dommage !

Philippe du Vignal

Théâtre des Gémeaux de Sceaux jusqu’au 29 janvier. 

MODESTE CONTRIBUTION

Modeste contribution de Dominique Wittorsi mise en scène de  Jean-Marie Le Jude.

Dominique Wittorski, acteur, auteur, cinéaste insolite, a réalisé plusieurs spectacles depuis 1994, Katowice Eldorado, Vermeer bleu, Requiem with a happy end, Sans regrets éternels et en 2008 Ohne  Il vient de reprendre en ce début d’année Modeste contribution, inspiré de Jonathan Swift, qui développait allègrement l’idée de faire cuire les petits enfants des pauvres pour résoudre la crise alimentaire.
Assisté d’une jeune femme qui anime le débat avec les spectateurs chargés de poser des questions qu’on leur distribue, Dominique Wittorski , en grande tenue, les cheveux en catogan, propose le rétablissement de la peine de mort pour toute infraction, du crime de sang à la plus infime contravention au code de la route !
Et la pendaison par binôme est une solution qui ferait l’économie d’un bourreau, les détenus ayant été bien nourris pendant l’année précédant leur exécution, le plus lourd mourant, le plus léger survivant.
On pourra ainsi récupérer les organes des cadavres pour les greffes , ce qui permettrait des économies de sécurité sociale et un rééquilibrage de la balance commerciale. Les spectateurs, d’abord glacés par cette logique cynique,  se prennent à rire devant l’humour décapant de ce “maître à penser des temps modernes”.

Edith Rappoport

Théâtre du Lucernaire, du mardi au samedi à 19 h, 01 45 44 57 34
wittorski.dominique.perso.neuf.fr

http://www.dailymotion.com/video/xanogn

Richard III n’aura pas lieu

Richard III n'aura pas lieu  richard3-300x206Richard III n’aura pas lieu, tragédie dramatiquement drôle de Matéi Visniec, mise en scène de  David Sztulman.

C’est une belle découverte que ce spectacle sur la dernière nuit de Vsevolod Meyerhold, immense metteur en scène né de la Révolution d’Octobre en Russie soviétique, monté avec une équipe de  quatorze  comédiens formés pour la plupart au cours Simon, où David Sztulman enseigne. C’est le cinquième spectacle de sa compagnie du Grand Requin qui a monté David Mamet, Laurent Gaudé, Dario Fo et Franca Rame, Christian Binet et qui a fait une heureuse rencontre avec Matéi Visniec  quand il a monté La femme comme champ de bataille.
Meyerhold, étonnant Yves Jego,  est endormi dans son théâtre; il répète Richard III, une jeune habilleuse, un  pied dans le plâtre vient le réveiller, parce que le théâtre va fermer. Elle lui témoigne son admiration, elle est comédienne et ne peut plus jouer. Staline , la pipe au bec apparaît à la fenêtre escorté de deux gardes inquiétants, et se montre jovial, Meyerhold n’était-il pas un des plus ardents défenseurs de la Révolution d’Octobre ?
On voit l’interprète de Richard III répéter, terrorisé par les incursions incessantes de la commission de censure qui menace la troupe d’interdiction pour avoir fait de Richard un héros positif. Tania, la femme de Meyerhold, enceinte,  ne parvient pas à accoucher, craint de vomir son enfant, qui enfin  naîtra pour maudire et vouer aux gémonies son “ camarade Papa”.
Meyerhold, torturé et  incarcéré  avant d’être secrètement exécuté le 2 févier  40, comme son épouse, vivra sa dernière nuit en compagnie de son gardien illettré qui lui demande d’écrire à sa place une lettre de malédiction à sa fille en fuite avec son amoureux…Il n’en fait  rien et écrit une lettre d’amour aussitôt déchirée par le gardien… Une vraie troupe, un travail sur la bio-mécanique, un texte fulgurant et drôle, un Meyerhold attendrissant presque silencieux qui révèle l’horreur de l’anéantissement du rêve de la Révolution d’Octobre, c’est un spectacle à ne pas manquer.

Edith Rappoport

Théâtre 13, 103 A avenue Auguste Blanqui, métro Glacière, jusqu’au 19 février, T: 01 45 88 62 22

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